Des experts africains en population et développement, des organisations de la société civile, des jeunes, sont en conclave du 30 septembre au 2 octobre 2013, à Addis-Abeba (Ethiopie) avec pour mission d’examiner un projet de rapport et des recommandations relatifs à la mise en œuvre, sur le continent, du programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement.
Sur 52 Etats africains ayant réalisé un examen national de la mise en œuvre du programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD), plus de 87% sont en retard sur l’échéance 2014. Cela, en dépit des « progrès remarquables » dans la prise en compte de l’interaction entre population et développement durable.
Pourquoi ce retard ? Que faire pour accélérer l’atteinte des objectifs de la CIPD, dans les cinq à dix prochaines années ? Autant d’interrogations auxquelles les experts essaient de répondre en 72 heures, à Addis-Abeba, à travers une analyse du rapport continental, sur le thème : « Mettre à profit le dividende démographique : l’avenir que nous voulons pour l’Afrique ».
A la cérémonie d’ouverture, le 30 septembre 2013, le secrétaire exécutif adjoint de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), Abdalla Hamdok, s’est félicité de ce que, depuis 1994, point de départ de la CIPD, l’Afrique a enregistré des progrès réguliers dans différents secteurs du développement socioéconomique. En 2012, a indiqué M. Hamdok, alors que la croissance mondiale avait reculé de 2,7% en raison de la crise économique, l’Afrique a pris le chemin inverse et enregistré une croissance de 5%. Il a ajouté que parmi les dix pays ayant une forte croissance dans le monde, sept sont issus du continent africain. Preuve, selon lui, que l’afro-optimisme se justifie pleinement. Ces progrès ne sont pas exclusivement économiques, a fait savoir la directrice exécutive adjointe du Fonds des Nations unies pour la population (UNPA), Mme Anne-Birgitte Albrectsen. Elle a souligné des avancées significatives en matière de lutte contre les mariages précoces, les fistules obstétricales, et pour la promotion de la pratique des Mutilations génitales féminines (MGF). Mme Albrecten a aussi relevé que la promotion du leadership des femmes, dans les sphères économique, politique, sociale et administrative, a enregistré des acquis en Afrique.
La présentation des principales conclusions de l’examen régional et celle des sous-régions du continent, ont également apporté des arguments de l’Afrique qui bouge dans le bon sens. Il est ressorti de la communication de M. Hassan Musa Yousif de la division des politiques de développement social de la CEA, que l’essentiel du développement institutionnel sur les interactions entre population et développement durable, a eu lieu après la conférence de la capitale égyptienne. C’est ainsi que presque tous les pays ont créé des structures et élaboré des politiques, des programmes et des stratégies, notamment des politiques nationales de population. La grande majorité des pays (33) ont mis en place, entre trois et neuf institutions et quatre pays en ont plus de 10. M. Yousif a aussi affirmé que la santé sexuelle et reproductive fait partie des priorités dans la plupart des pays africains.
Bilan encourageant, mais pas reluisant
La réunion des experts a reconnu que la conférence du Caire, puis le sommet du millénaire pour le développement (2000) ont contribué à inscrire la santé maternelle parmi les priorités des différents pays sur le continent africain. Au nombre des pays ayant adopté des politiques, programmes et stratégies jugés efficaces pour la maternité sans risque et des feuilles de route relatives à la planification familiale et à la santé maternelle et infantile, on peut citer la Mauritanie, le Togo, le Tchad, le Burkina Faso, le Kénya, l’Ethiopie, le Ghana, le Malawi, la Namibie et l’Afrique du Sud. Cela a permis une baisse du taux de mortalité maternelle de 41,1% au cours des 20 dernières années.
Cette réduction, a relevé l’expert de la CEA, est le fruit des efforts déployés par les gouvernements pour garantir l’accès aux soins prénatals et postnatals, augmenter le nombre de sages-femmes et renforcer les soins obstétricaux.
Toutefois, le taux de mortalité chez les mères demeure encore au-delà de l’acceptable, soit une moyenne de 500 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes, selon le rapport sur l’état de la population mondiale 2012 de l’UNFPA. Ce chiffre global, il est vrai, cache des disparités, avec de mauvais et de bons exemples. Le même rapport indique 160 pour l’Asie-Pacifique et 81 pour l’Europe de l’Est et les Caraïbes.
Les causes des tendances élevées en Afrique sont liées au fait que peu de femmes et de jeunes ont une emprise sur leur vie sexuelle et reproductive. Cela se traduit par la faiblesse du taux de prévalence contraceptive (une moyenne de 29% sur le continent), alors que 29% des besoins ne sont pas satisfaits. Or, il est admis qu’une amélioration conséquente de la prévalence contraceptive contribue à baisser la mortalité maternelle. La planification familiale, ont rappelé les experts, participe à la maîtrise de la croissance démographique. Toute chose qui permet une meilleure planification du développement. Les communicateurs qui se sont succédé à la rencontre, ont expliqué les difficultés que rencontrent les Etats africains à faire face aux besoins des jeunes, en partie, par la croissance « rapide » du nombre de ceux-ci par rapport à la croissance économique. C’est pourquoi, ils ont recommandé la prise en compte systématique de la dynamique démographique dans les plans et programmes de développement.
De façon générale, il est apparu des premières journées de la réunion des experts que les questions liées à l’amélioration de la santé et aux droits en matière de procréation, à l’égalité entre les sexes, à l’équité et à l’autonomisation des femmes sont mises en œuvre à grande échelle. En revanche, les questions relatives aux besoins des personnes âgées, aux personnes handicapées, à l’urbanisation et aux migrations internes, aux migrations internationales et au développement, semblent pour le moment, recevoir moins d’attention.
L’Afrique de l’après 2014, telle qu’annoncée, devrait maintenir le cap, sinon faire mieux dans les domaines où des avancées sont perceptibles, et prioriser les secteurs oubliés. Avec l’accroissement de l’espérance de vie d’année en année, le continent doit se préparer à gérer les problèmes du troisième âge qui représente actuellement, 5% de la population. Il en est de même des personnes handicapées estimées en nombre entre 15 et 20% des Africains, selon des chiffres avancés.
En matière de politiques de la population et du développement, il est désormais recommandé aux Etats de privilégier la qualité de vie plutôt que les chiffres. Il va s’agir d’améliorer la qualité de vie par des investissements dans la santé, l’éducation, l’alimentation, la nutrition, le logement, l’habillement, notamment.
Les experts devront boucler leurs travaux, ce jour 2 octobre 2013. Leurs conclusions seront soumises à l’appréciation des ministres, à partir du jeudi 3 octobre.