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Conférence publique de son excellence monsieur Blaise Compaoré, président du faso sur le thème «gouvernance, paix et sécurité en afrique: l’expérience du burkina faso en matière de prévention, médiation et gestion des conflits»
Publié le mardi 1 octobre 2013   |  Présidence


Blaise
© Présidence par DR
Blaise Compaoré appelle la communauté internationale à traduire son engagement pour le sahel en réalité
Jeudi 26 septembre 2013. New York. Le Secrétaire général de l’ONU, Monsieur Ban Ki-Moon, a organisé une réunion de haut niveau sur le Sahel, à laquelle a pris part le Président du Faso, Monsieur Blaise Compaoré et plusieurs dirigeants africain.s


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 Dans le dossier

Distinguées personnalités ;

Mesdames, Messieurs ;

Le monde connait une paix relative depuis la fin de la guerre froide.

Cependant, au sein des pays et des communautés, dans la quasi-totalité des continents, la paix est mise à rude épreuve du fait de nombreux conflits.

L’apparition de conflits atypiques liés au terrorisme international et à la criminalité transfrontière, touchant particulièrement l’Afrique, vient aggraver cette situation et accroître la complexité des actions à déployer pour assurer au continent un avenir serein.

Mesdames, Messieurs ;

Les conflits au sein des Etats africains sont de sources multiples et d’une typologie variée :
les transitions démocratiques chaotiques, les régimes ou les mandatures qui se succèdent souvent sans que les conditions de la stabilité des institutions ne soient établies, les crises nées de la négation des aspirations des citoyens en matière de liberté, de démocratie et de développement non inclusif.


Mesdames, Messieurs ;

Face à ces incertitudes, le moyen le plus puissant pour promouvoir la paix et bâtir une sécurité durable, est le dialogue, une valeur essentielle de la culture africaine, incarnée par « l’arbre à palabre ».
C’est par l’art du dialogue que les civilisations africaines se sont construites ; c’est par cet art que l’Afrique a résisté aux aléas de l’histoire et de la géographie ; c’est encore par le dialogue qu’elle a préservé son identité tout en s’ouvrant à l’universel.

Il n’y a pas de problèmes insurmontables quand les hommes ont le sens du compromis et du pardon.
C’est pourquoi, le Burkina Faso porte un intérêt majeur au renforcement de cet esprit de concertation, en tant que boussole infaillible de la gouvernance.

C’est aussi par ce moyen que le Burkina Faso a conduit avec succès de nombreuses médiations visant le règlement de conflits survenus au Niger, au Togo, au Darfour, en Côte d’Ivoire, en Guinée et plus récemment au Mali.
Pour cela, nous nous appuyons, mes compatriotes et moi, sur ces deux valeurs déterminantes de la civilisation africaine que sont le dialogue et le compromis.

Un chercheur de l’Université du Québec à Montréal, le Professeur Laurent Lepage, spécialiste des Inuits, affirme que le compromis est une des grandes découvertes fabuleuses de l’Humanité.
Le Professeur l’a dit ; nous, nous en voyons les preuves tous les jours. Ma conviction est établie : pour contribuer de façon efficace et durable à la construction d’une Afrique nouvelle et d’un monde nouveau ayant pour socle, la bonne gouvernance, la paix et la sécurité, il faut affirmer que le dialogue interpersonnel, interculturel et intercommunautaire est un impératif.

D’abord, cette conviction, je la tire de la matrice de ma culture familiale, c’est-à-dire de la tradition qui règne depuis plus de mille ans dans le mode de gestion du pouvoir politique chez les Mosse.

L’éthique de ce pouvoir qui a été le berceau de ma vision des choses et des hommes, commande que le chef se comporte de la même manière que la pluie, qui arrose sans discrimination aucune, les bons et les moins bons ; ou encore, qu’il soit un réceptacle dans lequel se déverse tout ce qu’il plaira au peuple de déverser.

Ce n’est pas un vain mot, en Afrique traditionnelle, le chef gouverne, mais c’est la coutume qui commande. Le dialogue y tient lieu de recherche communautaire de la vérité, de tribunal populaire et de réconciliation.

Ensuite, j’ai trouvé confirmation de mon point de vue sur l’art du dialogue en Afrique dans les propos d’un éminent homme politique africain que vous connaissez bien : Nelson Mandela. Voilà ce qu’il dit expressément dans le livre d’Anne-Cécile Robert, intitulé L’Afrique au secours de l’Occident (cf. Les Editions de l’Atelier/les Editions Ouvrières, Paris, 2006, page 156): « L’idée que je me ferais plus tard de la notion de commandement, dit Mandela, fut profondément influencée par le spectacle du régent et de sa cour. J’ai observé les réunions tribales qui se tenaient régulièrement à la grande demeure et elles m’ont beaucoup appris(…)
Tous ceux qui voulaient parler le faisaient.

C’était la démocratie la plus pure(…) En tant que responsable, j’ai toujours suivi les principes que j’ai vus mettre en œuvre par le régent de la grande Demeure. » (Fin de citation.)

Je dirais, enfin, à partir de mon expérience personnelle de Chef d’Etat et de médiateur, que les conflits se règlent chaque fois que les intervenants, par le dialogue et le respect mutuel, parviennent à renouer le fil interrompu du contrat de confiance qui existe de fait, entre l’Etat et les populations, entre l’administration et les administrés, entre la nation dans son entièreté et toutes les institutions qui garantissent sa réalité et sa souveraineté.

Partout où existe ce contrat de confiance, et partout où le dialogue et le compromis sont encore possibles, la paix est également possible.

C’est pourquoi, il est à retenir qu’en Afrique, comme partout dans le monde, le déficit de confiance et le refus de dialoguer sont des vecteurs qui dégradent la cohésion sociale, éloignent les différentes sensibilités les unes des autres et peuvent conduire à des conflits.


I. Illustrations

I.1- Au Burkina Faso, 65 ethnies se partagent le même territoire d’environ 274.000 km2. Nous n’avons pas d’accès à la mer. Le sol est plutôt pauvre. Trois religions y sont pratiquées : l’islam, le christianisme et la religion traditionnelle.

Dans ces conditions de précarité naturelle et de diversité culturelle, on pouvait s’attendre à des conflits profonds.

Pourtant, en dehors de quelques chaudes explications qui surgissent parfois entre cultivateurs et éleveurs, le socle de la cohésion sociale demeure solide au regard du trésor inestimable dont nous avons hérité : une culture de paix fondée sur une juste vision de l’équilibre des valeurs et des intérêts.

Il y a, là, à travers le fonctionnement réel de ce tandem valeurs/intérêts, comme une intériorisation de l’esprit du dialogue, qui s’est inscrit jusque dans les structures sociopolitiques et économiques de notre société, favorisant le brassage des cultures, une tolérance profonde entre croyants de diverses religions ainsi qu’une occupation équitable des terres.

Le gouvernement travaille à convertir ces valeurs du passé pour qu’elles servent à la construction d’une nation moderne.

Mais, au fur et à mesure que nous nous éloignons des traditions et entrons dans la cité dite planétaire, les nouvelles générations se donnent de nouvelles valeurs, pas toujours à la mesure des possibilités, comme il se crée de nouveaux intérêts, pas toujours à la mesure des pouvoirs de l’Etat.

Voilà le ferment à partir duquel naissent les conflits, et à partir duquel chaque médiation a forgé ses armes et élaboré sa stratégie, cas par cas.

I.2- L’exemple de la médiation entre les protagonistes du conflit ivoirien.
Ce n’est pas la pauvreté seule, qui a provoqué le conflit ivoirien, un conflit ayant duré plus de dix ans, mais un déficit de confiance grave, autrement dit, une forme de malgouvernance générée par un refus du dialogue.

En quelques mots, voici les causes, les points forts et acquis du processus de médiation dans la crise ivoirienne :
a) Causes de la crise : une transition démocratique chaotique, une gouvernance politique médiocre marquée par l’exclusion qui ont conduit à :

- une rébellion armée en revendication d’une gouvernance plus inclusive ;
- la partition du pays ;
- un contentieux post électorale qui a tourné en conflit armé.

b) Points forts et acquis du processus de médiation
- l’Accord politique de Ouagadougou ;
- l’arrêt des hostilités avec l’intervention de forces internationales ;
- la Mise en place d’un gouvernement inclusif ;
- le règlement de la question de l’identification, des listes électorales, de l’éligibilité ;
- l’élection présidentielle.

Aujourd’hui nous apprécions le nouveau contrat de confiance établi entre Ivoiriens. Le train du développement de ce pays est remis sur les rails.


I.3- Le cas de la rébellion du Nord Mali
Le cas de la crise malienne est beaucoup plus complexe.

a) les causes de la crise :
C’est une combinaison de trois facteurs :
- la rébellion armée Touareg en revendication de Droit au développement et à une participation plus inclusive à la gestion de l’espace national ;
- les actions armées de groupes relevant du terrorisme international et de la criminalité transfrontalière (Jihadistes, narco trafiquants) ;
- l’interruption du processus démocratique et de la légitimité institutionnelle à la suite du coup d’Etat militaire.

b) Points forts et acquis du processus de médiation :
- le mandat express donné par la CEDEAO et soutenu par l’Union africaine, l’Union européenne et l’ONU;
- le rétablissement de la Constitution et de la légitimité des institutions ;
- l’accord cadre qui instaure et organise la transition politique et institutionnelle ;
- les négociations entre le gouvernement les mouvements armés non terroristes ;
- l’Accord préliminaire de Ouagadougou ;
- la tenue effective de l’élection présidentielle.
Nous devons retenir que tant que le dialogue est possible, la paix est possible.

A ce sujet un proverbe de ma famille culturelle dit « quand deux adultes se disputent pour une certaine somme d’argent, c’est qu’il y a l’un d’eux qui en exige plus que la moitié ».

I.4- La médiation nécessite une détermination forte et sa réussite requiert un certain nombre de conditions :
Il s’agit de :
- l’accompagnement et du soutien total des organisations régionales et internationales. A ce niveau, il convient de préciser que l’implication effective de la CEDEAO, de l’UA et de l’ONU, a été indispensable à la médiation dans la crise malienne. La nécessaire participation de ces institutions à la validation et à la mise en œuvre des mécanismes des accords obtenus, a été fondamentale;

- la force morale du médiateur et sa conviction personnelle des vertus du dialogue, sa capacité à construire la confiance avec les acteurs, son attachement à la transparence dans l’organisation des actions de médiation, son engagement dans l’accomplissement de sa mission;
Il s’agit enfin pour le médiateur de faire preuve de persévérance, de foi, de conviction et de capacité d’écoute et d’analyse, afin de créer les meilleures conditions d’une paix durable.

En outre, la bonne connaissance des réalités sociologiques et anthropologiques est un impératif dans les processus de médiation … Elle constitue un tremplin majeur et essentiel à la perception des points de crispation et de rupture autour desquels il importe d’asseoir des consensus intermédiaires puis définitifs.

- la nécessité pour les parties en conflit de s’approprier le processus de la médiation afin de le conduire à son terme ainsi que la poursuite discrète de la mission par l’équipe de la médiation pour la consolidation des acquis et l’enracinement de la paix.


Conclusion

Les résultats satisfaisants obtenus dans les différentes médiations confirment les vertus de la facilitation par le dialogue, comme voies privilégiées pour le règlement pacifique des différends de toutes dimensions, et que de manière globale, toutes les parties en conflit, à l’exception de celles appartenant à des mouvances terroristes ou d’idéologie extrémiste, sont ouverts au dialogue.

La question de la paix et de la sécurité en Afrique doit être aujourd’hui appréhendée dans le cadre global des menaces qui pèsent sur le monde au regard de nouvelles réalités comme :

- le développement et la tendance croissante à la transposition de l’intégrisme religieux sur le continent ;

- le risque d’utilisation d’armes chimiques et/ou de destruction massive dans les guerres atypiques provoquées par des terroristes.

C’est de l’engagement résolu de tous les pays et de tous les peuples du monde que nous serons à même de bâtir une humanité débarrassée des épreuves de la guerre et apte à surmonter tout défi sur son parcours d’évolution.

In fine, Je dirais, d’expérience de médiateur, que c’est ainsi que nous arrivons, à transformer, l’ordre de l’apparemment impossible, en possible.


Je vous remercie.

Washington, D.C, le 20 septembre 2013.
Blaise COMPAORE
Président du Faso

(© La Direction de la Communication de la Présidence du Faso)

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