Pour peu que notre mémoire n’ait pas failli, il y a toujours eu une rivalité sourde entre l’armée et la gendarmerie. Si dans la première, les grandes compétences sont nombreuses, chez la seconde, c’est souvent aussi la crème de notre armée, qu’on y envoie (en plus des habituels recrutements) après le PMK.
De Nézien Badembié (qui a donné ses lettres de noblesse à la maréchaussée) à Evrard Somda en passant par Ousseni Compaoré, Jean Pierre Palm, Mamadou Traoré alias «Madou bandit », la gendarmerie a toujours vu en l’armée, une adversaire qui tente d’avoir de l’ascendance sur elle pour ne pas dire plus. Sous la gouvernance de Roch, lequel a tenté de faire un melting pote en ce qui concerne sa garde rapprochée, en la confiant à un mélange de militaires-gendarmes et policiers, on a senti aussi que la mayonnaise n’a pas bien pris. Plus loin dans le temps, sous Blaise Compaoré, les choses étaient claires, il y avait l’armée d’une part et il y avait le RSP d’autre part, uniquement dédié à la sécurité présidentielle, une garde prétorienne qui a été efficace, en tout cas, qui a protégé l’ex deus machina politique du Burkina de ces 30 dernières années jusqu’au «sacrilège du 11 avril 2011», le jour de la mutinerie, où ce même RSP a retourné ses armes contre son maître, l’obligeant à quitter momentanément le palais présidentiel de Kosyam. Entre l’armée et la gendarmerie, c’est une question de langue et dents. Elles se tolèrent, mais il arrive qu’il y ait des incompréhensions ou même des bisbilles.
Ces dernières semaines, ce sont des pandores qui ont été sur la sellette, et consécutivement au coup d’Etat manqué du 26 au 27 septembre 2023, l’institution a été l’objet de conjectures, de supputations et même que parmi les 6 conjurés, il y a 2 gendarmes qui étaient à des postes importants.
Ce qui alimentait les conversations dans la rue comme dans les salons feutrés, c’est que le CEMGN, c’est-à-dire, le lieutenant-colonel Evrard Somda serait sur le départ. Démenti des uns, confirmation des autres. Il se disait beaucoup de choses, même une dissolution de la gendarmerie, démentie par IB lors de son interview du 29 septembre.
On disait Evrard Somda intouchable, populaire, dangereux, la ligne rouge à ne pas franchir par le MPSR 2. IB l’a limogé hier 4 octobre 2023. Très affaibli aux yeux de l’opinion et apparemment décrédibilisé par les polémiques suscitées par un audio qui lui est attribué, il faut reconnaître que ce congédiement à la tête de la gendarmerie intervient comme un soulagement pour l’intéressé, comme pour son honorable institution dont la devise «Pour la patrie, la Loi et l’honneur» paraissait ternie par les rumeurs et les interrogations de la vox populi suite aux enquêtes en cours autour des précédentes nuits chaudes qui ont tenu en haleine les Burkinabè.
IB a donc tranché dans le vif concernant le cas Evrard : il est le seul capitaine à bord du bateau burkinabè. Le patron, c’est lui. Il l’a fait ! Il assume et en cela, il habite la fonction de chef qui arbitre et décide. Cependant, pas d’amalgame surtout pour ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain, car le lieutenant-colonel Evrard Somda est pour beaucoup de Burkinabè le symbole de la compétence et de la rigueur du pandore.