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L’Observateur Paalga N° 8468 du 30/9/2013

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Enseignement non formel : voyage réussi des «malles des savoirs»
Publié le mardi 1 octobre 2013   |  L’Observateur Paalga


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© Autre presse par DR
Enseignement non formel : Voyage réussi des «malles des savoirs»


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Dans le Centre d’enseignement de base non formelle (CEBNF) de Komki-Ipala trônent de grandes malles d’aluminium grises aux reflets argentés. Il ne s’agit pas de magie, mais des «malles des savoirs», des outils et une méthode pédagogique destinés à faciliter l’accès aux connaissances. Cette méthode particulière a été enseignée à des animateurs de l’enseignement non formel pendant trois semaines ; la dernière séance s’est tenue mercredi dernier, 25 septembre 2013.


Sur la table du Centre d’enseignement de base non formelle (CEBNF) de Komki-Ipala, au milieu de flacons, d’un camping-gaz, d’élastiques et de boîtes d’allumettes, un récipient est plongé dans une bassine d’eau chaude et est recouvert d’un ballon de baudruche blanc tendu, surmonté d’une paille qui pointe vers une feuille graduée. Le but de l’attelage : construire un baromètre. C’est par cette activité qui s’est achevée, mercredi 25 septembre dernier, la formation à ce que l’on appelle «les malles des savoirs». Cet apprentissage a rassemblé trois animateurs du CEBNF de Komki (à quelques encablures de Ouagadougou à l’ouest) et deux animateurs itinérants de la région de Pensa (province de Sanmatenga).

«Les malles des savoirs, ce sont des malles scientifiques contenant des maquettes et des outils qui permettent des expérimentations individuelles, accompagnées par une méthode pédagogique, la méthode OMCA : Observer, Manipuler, Comprendre, Agir», a expliqué la Française Samia Coupat qui a formé l’équipe d’animateurs pendant trois semaines. Elles visent à rendre accessibles les connaissances essentielles, en particulier à ceux qui ne savent ni lire, ni écrire. Les domaines d’apprentissage touchent des sujets divers, allant du fonctionnement du corps humain à l’environnement (la terre, le sol, l’eau), en passant par l’alimentation, l’hygiène ou la contraception.

Dans la méthode OMCA, «on part de ce que les personnes connaissent», a indiqué Rose Kaboré, l’une des trois animatrices du CEBNF de Komki-Ipala. Le centre accueille 67 adolescents de 9 à 15 ans, déscolarisés ou non scolarisés. «Les apprenants font des hypothèses ; après l’expérimentation, ils vérifient par eux-mêmes si ce qu’ils ont supposé est juste ou pas», a confié l’animatrice. Après l’expérience, les élèves expriment ce qu’ils ont vu et compris. Ensuite, les animateurs récapitulent la démarche et tous reformulent ensemble les conclusions. L’objectif poursuivi est double : transmettre des connaissances et d’une manière durable. Et de ce point de vue, le dispositif est prometteur, foi d’Emmanuel Tampougo. «Ce qu’on découvre avec les malles, ce n’est pas quelque chose qu’on va oublier, mais qu’on garde pour toujours», s’est-il émerveillé.

Pour revenir aux origines des malles, il faut remonter le temps. Au milieu des années 80, des scientifiques de la Cité des sciences et de l’industrie de Paris se sont demandé comment rendre accessibles des savoirs scientifiques à des populations défavorisées, notamment dans la zone sub-sahélienne. Les chercheurs ont alors imaginé différentes expérimentations et ont veillé à ce qu’elles puissent être réalisées avec du matériel simple.

A Komki-Ipala, c’est en 2011 que Pierre Michaillard, membre de la coopérative burkinabè Coopartoude, a mis les malles à disposition du CEBNF de Komki-Ipala, de Bazoulé et de Tanghin-Dassouri. Aujourd’hui, une convention lie la Cité des sciences de Paris à CALAO Production, la Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) française qui fabrique les malles des savoirs et en conçoit de nouvelles, sur d’autres thèmes. Si l’innovation est permanente, la méthode, elle, demeure, car elle a fait ses preuves sur le terrain. Les personnes découvrent des choses par elles-mêmes, c’est ce qui plaît particulièrement à Moctar Ouédraogo, animateur itinérant dans la région de Pensa, à environ 200 kilomètres de Ouagadougou. Depuis deux ans, lui et sa collègue Mariam Zango sillonnent la région, les malles des savoirs chargées sur leur charrette à traction asine. Sollicités par les groupements locaux, les associations, mais aussi par les écoles primaires, les collèges d’enseignement général ou les centres de santé, tous deux se rendent de village en village à travers les pistes cahoteuses et poussiéreuses pour assurer des formations dans le domaine de la santé ou de l’environnement.

Pour Mariam Zango, ces malles ont un intérêt majeur, car «une fois que tu comprends, tu peux agir». Agir, la lettre A de la fameuse méthode OMCA. Agir, modifier certains comportements, changer les mentalités, ce sont là les effets attendus par les formateurs des malles des savoirs. Et parfois, il arrive que les retombées dépassent les espérances. A Komki-Ipala par exemple, c’est à la suite d’une animation sur l’environnement que la communauté du village a réellement pris conscience de la valeur de l’eau : «Pour économiser l’eau douce, on a installé un système d’irrigation goutte à goutte dans le jardin du CEBNF», a révélé Rose Kaboré, avant de se réjouir : «Les enfants sont rentrés chez eux, ont raconté ce qu’ils avaient vu, et la méthode s’est propagée. Maintenant, une trentaine de maraîchers utilisent ce système d’irrigation et l’ont combiné à un programme de restauration des sols».

L’aventure est donc intéressante pour ces acteurs de l’enseignement non formel, même si le quotidien apporte son lot de difficultés ; notamment la barrière de langue, a regretté Hélène Kaboré : «Nous animons les expériences en français, mais la langue maternelle des apprenants est le mooré. Dans certains cas, il n’y a pas forcément d’équivalent mooré à un concept en français, donc nous devons faire en sorte que la personne comprenne le phénomène, sans avoir son correspondant dans la langue maternelle». Pour soutenir les animateurs, les malles sont accompagnées d’un guide qui doit aider à dérouler la centaine d’expérimentions. Mieux, des sessions de formation sont organisées, afin de familiariser les animateurs avec le contenu, avec en sus la méthode pédagogique. En effet, pour Samia Coupat, le savoir-être est primordial. «C’est important d’avoir une attitude bienveillante pour valoriser les apprenants, montrer qu’on comprend leurs difficultés, mais qu’on connaît aussi leurs possibilités», a notifié cette originaire du Jura, avant de poursuivre : «Afin que les apprenants aillent vers l’inconnu, acceptent d’exposer leurs représentations, leurs idées, même si elles ne sont pas forcément justes, il faut qu’ils aient confiance. Et cette confiance doit être établie dès le départ».

Au vu du succès de cette démarche innovante, le ministère de l’Education nationale et de l’Alphabétisation (MENA) a adopté un projet expérimental pour diffuser ces malles de savoirs à dix autres CEBNF et dix Ecoles communautaires (ECOM) du Burkina Faso. A terme, ces outils pourraient être conçus sur place, d’autant que CALAO production s’est dite prête à céder ses droits et à initier le transfert technologique. Vivement que ces «malles des savoirs» made in Burkina voient le jour.


Maëlle Robert (Stagiaire)

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