Colère et désarroi à Dakar. L’eau est coupée depuis plus de deux semaines pour une grande partie de la population en raison d’une panne du réseau de distribution à la station de Keur Momar Sarr, à 200 km de la capitale. Cette situation n’est pas isolée au regard des problèmes récurrents que vivent d’autres capitales africaines en matière d’accès à l’eau potable. Avec plus de 150 millions d’urbains qui n’ont toujours pas accès à un service d’eau potable, soit près de la moitié de la population urbaine du continent, l’Afrique est le continent où les zones urbaines sont les plus mal loties au monde à cet égard. Compte tenu de la forte croissance urbaine attendue, le risque est de voir le fossé se creuser encore davantage entre l’offre et la demande en eau potable. On peut alors se demander dans quelle mesure vivre demain dans une ville d’Afrique où l’eau sera disponible en quantité suffisante et de bonne qualité ne soit plus un calvaire ? Cette situation est, en effet, exacerbée en milieu urbain, du fait d’un cumul de facteurs aggravants : forte densité d’habitats insalubres, manque d’assainissement, pollution des sources d’eau non protégées. A Ouagadougou, la capitale burkinabè, il faut reconnaître que des efforts ont été faits ces dernières années. Dans l’un des pays les plus pauvres au monde, économiquement parlant, 97% des ménages de la capitale déclarent avoir accès à une source d’eau potable dans une enquête publiée en 2006. Des capitales voisines dont les indicateurs de développement socioéconomiques sont relativement proches de la situation de Ouagadougou, comme Bamako par exemple, présentent des taux d’accès à l’eau potable beaucoup plus faibles. En plus, les difficultés d’approvisionnement en eau sont persistantes. Elles viennent de deux facteurs contextuels aggravants qui sont la rareté naturelle de l’eau et la croissance urbaine, induisant une pression de plus en plus grande sur la ressource disponible et sur les infrastructures existantes. Ouagadougou présente des conditions climatiques et géographiques qui induisent une pénurie d’eau quasi endémique avec un risque permanent de sécheresse. Le réseau hydrographique naturel est très limité. Il se compose d’un unique talweg, qui traverse la ville d’Est en Ouest, auquel est reliée une série de marigots très temporaires, du fait des conditions climatiques.
Pour faire face à cette rareté naturelle et répondre aux besoins de la population, des aménagements ont été créés. Dès 1955, trois barrages de retenue d’eau ont été construits sur le talweg. Les marigots qui leur sont reliés, drainent toutes les eaux de la ville, qu’elles soient usées ou pluviales. Malgré ce rôle d’égouts à ciel ouvert, ils fournissent une grande part de l’eau nécessaire aux activités maraîchères de la ville. Pour répondre à l’accroissement continu des besoins en eau, le barrage de Loumbila, a été construit en 1970. Par la suite, le déficit pluviométrique de 1983 ayant entraîné le remplissage très partiel des barrages, un programme de développement d’ouvrages de captage exploitant les ressources souterraines a été mis en place, notamment dans les quartiers périphériques de la ville, par la construction de forages mécaniques ou de pompes manuelles. Les forages ne constituent cependant qu’une solution de complément à court terme du fait de l’inexistence de nappes aquifères continues et de grande capacité.
En 2006, les eaux du barrage de Ziga sur le Nakambé, situé à une cinquantaine de kilomètres de la ville, ont fourni une troisième source. Ce barrage a permis d’assurer la durabilité de l’approvisionnement en eau de la capitale. A cette rareté naturelle de la ressource, s’ajoute une des croissances urbaines les plus fortes de la sous-région. Par ailleurs des efforts doivent être faits en matière de protection de la ressource en eau et d’entretien des infrastructures hydrauliques. C’est ainsi que l’Etat à travers les principes de pollueur/payeur et du préleveur/payeur, a institué des taxes. Malheureusement l’application sur le terrain est difficile parce que de nombreux usagers de l’eau surtout les industries minières et les BTP manifestent une certaine résistance. Il faut donc que l’Etat puisse trouver des solutions pour mobiliser les financements nécessaires en vue d’une protection de la ressource en eau et des infrastructures hydrauliques. Sinon, il ne faut pas être étonné que des situations comme ce qui arrive actuellement dans la ville de Dakar surviennent à Ouagadougou.