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Burkina : comment expliquer l’augmentation du nombre de femmes cheffes de ménage

Publié le jeudi 21 septembre 2023  |  Libreinfo.net
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© Autre presse par dr
Une cinquantaine de femmes enlevées
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Le 5e recensement général de la population et de l’habitat fait ressortir une hausse du nombre de femmes cheffes de ménage. De 11 % en 2006, ce nombre est passé à 16 % en 2019. Une tendance qui peut être expliquée par plusieurs facteurs dont l’autonomisation des femmes et la migration des hommes.

Les chiffres parlent. 16 % des 3,9 millions de ménages que compte le Burkina Faso sont dirigés par des femmes, selon le 5è recensement général de la population et de l’habitat (RGPH).

Cela marque une nette augmentation du nombre de femmes cheffes de ménage par rapport au recensement de 2006, où il n’y en avait que 11 %. Au même moment, le pourcentage des hommes chefs de ménage a légèrement baissé de 2006 à 2019 passant de 89 % à 84 %. Qu’est-ce qui peut expliquer cette hausse du nombre de cheffes de ménage ?

Migration des hommes comme facteur explicatif
À l’Institut National de la Statistique et de la Démographie (INSD), les techniciens se réservent d’avancer d’éventuelles raisons pouvant justifier l’augmentation du nombre de femmes cheffes de famille de 2006 à 2019. Théophile Tapsoba est démographe et membre de l’équipe ayant réalisé la conduite du recensement général.

Pour lui, il n’y a pas de données scientifiques sur les raisons de cette augmentation. Il n’y a que des pistes de réflexion qui peuvent être dégagées sur le sujet.

Néanmoins, il estime que la migration des hommes peut être un facteur explicatif de ce phénomène. En effet, au cours des 5 dernières années, 284 463 personnes ont quitté le Burkina Faso, selon les données du recensement général. Ces données montrent que l’émigration est plus une affaire d’hommes que de femmes, car 85 % des émigrés sont des hommes.

En plus de la migration, il y a la montée du nombre de femmes salariées, qui oblige souvent des couples à vivre de façon séparée d’une région à une autre ou d’une province à l’autre. « Donc, elles (les femmes salariées, ndlr) sont cheffes de ménage où elles se trouvent », explique-t-il.

« Beaucoup d’hommes désertent et il faut une femme émancipée pour combler le vide », Jean Bosco Kaboré
Jean Bosco Kaboré est psychothérapeute et conseiller conjugal. Il estime que l’émancipation au sens propre du terme « peut effectivement amener la femme à prendre conscience des difficultés auxquelles elle doit faire appel à sa responsabilité de mère et de prendre soin de la famille ». « Beaucoup d’hommes désertent et il faut une femme émancipée pour combler le vide ».

Toutefois, le psychothérapeute précise que l’émancipation n’est pas le fait pour une femme de vouloir être indépendante en dehors de ses valeurs féminines. Il insiste : « L’émancipation, c’est celle qui amène la femme à prendre conscience pour assumer une responsabilité de l’inconscience de certains hommes ».

Le conseiller conjugal Jean Bosco Kaboré souligne que le divorce peut être aussi un facteur explicatif en ce sens qu’il a atteint « une proportion épidémique ».

« Lorsque le divorce est prononcé, on a constaté dans nos sondages que la plupart du temps, ce sont, les femmes qui sont conditionnées pour continuer l’esprit du mariage, dans le but d’assurer la prise en charge de la famille », explique-t-il.

« Des politiques d’émancipation mal assimilées », selon Sié de Bindouté Da
Pour sa part, le sociologue Sié de Bindouté Da, joint au téléphone depuis les USA où il réside, explique que cette situation est due au changement et à la mutation de la famille en Afrique. Cette mutation est due notamment, à l’impact de la modernité, de l’école, de l’augmentation du taux de divorce, de l’augmentation du statut de mère célibataire.

« On se retrouve aujourd’hui avec des familles monoparentales, des familles nucléaires. De plus en plus, des gens se marient très tard, d’autres ne veulent pas se marier » indique Sié de Bindouté Da.

En outre, il énumère d’autres événements survenus entre 2006 et 2019 notamment la crise ivoirienne, l’apparition du phénomène de terrorisme au Burkina avec ses corollaires de personnes déplacées internes, qui sont des causes de cette situation.

« Il y a aussi les idées de promotion de l’émancipation de la femme. (…) les politiques d’émancipation de la femme ont été adoptées sans comprendre quels sont les objectifs. Et c’est ça aussi qui va façonner, comme je l’ai dit, les comportements. Et de plus en plus, les gens ont du mal à vivre la vie de couple ».

À en croire le sociologue Da, ces politiques d’émancipation ont pour objectif d’imposer aux sociétés africaines l’éclatement total de la famille pour laisser « l’individu roi ».

« C’est la promotion de l’individualisme. Si vous regardez ces familles où les femmes sont des cheffes de ménage, généralement ça débouche encore sur d’autres conséquences que sont la délinquance, la déperdition scolaire, parce que l’éducation d’un enfant a besoin des deux parents » argumente-t-il.

Du nombre élevé du célibat
Au niveau de l’Association des femmes divorcées et enfants en difficulté (AFEDI), cela s’explique par le nombre élevé de célibat. « Il y a de plus en plus de filles qui n’ont pas la chance d’avoir un partenaire. Il y a aussi l’augmentation du nombre de femmes divorcées » estime Suzanne Ilboudo, présidente de l’AFEDI.

Parlant du nombre élevé de célibat, la proportion des femmes célibataires de 12 ans, et plus, est de 30,6 % du nombre total de la population féminine, selon le recensement général. Le nombre de divorcés ou séparés est plus élevé chez les femmes soit 0,9 % contre 0,5 % chez les hommes, selon toujours la même source.

En outre, Suzanne Ilboudo estime que de plus en plus, des femmes et des hommes ne s’intéressent plus à la polygamie. Toute chose qui augmente le nombre de femmes cheffes de ménage, selon elle.

Selon des résultats des différentes enquêtes démographiques et de santé (EDS) réalisées au Burkina Faso, le pourcentage de femmes ayant une coépouse ou plus est passé de 51 % en 1993 à 42 % en 2010 et à 37 % en 2021. Cela met en évidence une tendance à la baisse de la polygamie.

Par Daouda Kiekieta
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