Hier 13 septembre 2023, à 9 mois des prochaines élections européennes, Ursula Von Derleyen a dressé son bilan, le fameux discours sur l’Etat de l’Union au siège de l’institution européenne sise à Strasbourg. Pendant 2h 30, elle a évoqué ce qui a été fait et non fait sous son mandat et laisser espérer qu’elle en fera davantage au prochain mandat, car manifestement, elle sera candidate à sa propre succession.
Les Eurodéputés eux, réunis en session plénière, que présidait leur chef Joseph Borell, ont passé au scanner le rôle joué par l’UE au Sahel la décennie écoulée, et l’avenir de ce partenariat. Que retenir de ce diagnostic des députés de l’UE ? Pour celle-ci, cette coopération avec le Sahel a été «en demi-teinte», comprendre est mitigée, et slalome donc, entre chair et poisson. Autant dire qu’il n’y a pas eu de satisfaction. Une «implication au Sahel» qui n’a donc pas été bénéfique au regard des objectifs de départ. Et quand on parle de rapport avec le Sahel, on pense immédiatement à la lutte contre le terrorisme. Selon les députés de l’UE, ce sont «les juntes militaires corrompues» qui ont renversé les gouvernements élus, qui «n’ont ni les moyens ni l’intention de lutter contre les djihadistes qui ont créé cette situation. Le Sahel infesté par les terroristes que les Etats concernés tardent à vaincre, relève donc de la faute des militaires qui ont pris le pouvoir. Demi-vérité, et argument spécieux, car il n’y a pas 36 000 pays au Sahel.
S’il est vrai qu’au Mali IBK élu démocratiquement a été renversé par le colonel Goïta, au Burkina Faso, Roch Kaboré par le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba et récemment, Mohamed Bazoum par le général Abdourahamane Tiani, et même qu’il y a eu coup d’Etat dans le coup d’Etat au Mali et au Burkina, il ne faut pas faire preuve d’amnésie que de croire ou de distiller des narratifs créditant la thèse que l’existant sécuritaire qui prévaut au Sahel l’est du seul fait des pouvoirs kakis.
Non, au Mali, sous IBK et depuis l’Accord d’Alger en 2015, Kidal était hors Etat, pour ne citer que cette ville et les estocades meurtrières contre les FAMa, étaient légions. Idem au Burkina, sous Roch Kaboré où depuis l’abjection du café Cappuccino, et durant les 6 ans du règne de ce dernier, les terroristes ont pu mettre plusieurs provinces et localités sous coupe réglée. A une exception près au Niger, sous Bazoum, où il n’y avait pas un seul village nigérien occupé par les terroristes.
Dire donc que ce sont les militaires putschistes qui ont empêché d’atteindre les résultats visés n’est pas totalement exact, car la soldatesque est au pouvoir depuis 2020 (Mali), 2022 (Burkina) et 2023 (Niger). Rien qu’à prendre le Mali, Barkhane y est restée pendant plus de 10 ans si l’on prend le début Serval, sa mère !
L’objectivité aurait recommandé que Joseph Borell divise la poire en deux en affirmant que le constat de ne pas avoir pu vaincre les djihadistes ce Waterloo au long cours lest de la double responsabilité. Autant chez les dirigeants sahéliens, il y avait ces problèmes de gouvernance, d’instabilité politique, et de stratégie, autant les actions de l’UE au Sahel ont été peut-être inadaptées, incomprises et au finish, inefficaces.
Que l’UE ait injecté 600 millions d’euros durant ces 10 ans et formé 30 000 éléments au Mali et Niger et encadré 18 000 soldats au Sahel, sans obtenir les résultats visés, sont regrettables, et sont incompris des Européens qui ont des problèmes domestiques et qui ne comprennent d’ailleurs pas le pourquoi du tropisme sahélien. Par contre, les Eurodéputés ont raison de minorer le sentiment anti-Occidentaux au Sahel. Il n’y a pas d’animosité contre les Occidentaux. Il y a le rejet d’une certaine politique, vieille de plusieurs décennies, laquelle se manifeste par une intrusion dans le choix des dirigeants africains, une condescendance et un paternalisme à fleur de peau. C’est ça que les jeunes de Bamako, Ouaga, Niamey n’en veulent plus. C’est un changement du logiciel des rapports Occident-Sahel, qu’ils revendiquent. Evidemment, avec les militaires au pouvoir, il y a un langage et un comportement envers l’occident qui peuvent rebuter, mais qui n’en traduisent pas moins, une exaspération d’un certain comportement occidental éculé au Sahel qu’il faut revoir.