L’Institut de Recherche en Sciences Appliquées et Technologies (IRSAT) à travers son département mécanisation a mis au point un respirateur artificiel à ventilation mécanique made in Burkina. Cette innovation vise à trouver des solutions endogènes face au manque de respirateurs constaté pendant la pandémie à Coronavirus. Reportage.
Des pièces de matériel médical, un poumon artificiel simulateur de patient, un appareil qui aide à réguler le rythme respiratoire. Nous sommes dans l’une des salles du département mécanisation de l’Institut de Recherche en Sciences Appliquées et Technologies (IRSAT).
Dans cette salle moins vaste, des respirateurs de couleurs blanches toutes semblables d’une hauteur d’environ 1m sont exposés. Ce sont des prototypes d’équipements médicaux “made in Burkina”. Ces respirateurs permettent de se substituer partiellement à la fonction respiratoire défaillante d’un patient.
La réalisation de ce respirateur a bénéficié d’un financement du Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique (CNRST) en 2020 et du Fonds National de la Recherche et de l’Innovation pour le Développement (FONRID) en 2021. L’équipe de conception est composée de chercheurs et techniciens (IRSAT, IRSS), et de médecins (CHU/Yalgado Ouédraogo) du Burkina Faso.
« L’idée de la conception est née suite à l’avènement de Covid-19 où des malades étaient en besoin de réanimation. Nous nous sommes basés sur un modèle open source que nous avons adapté à nos réalités » explique l’ingénieur Hubert Bagnaba, membre de l’équipe pluridisciplinaire qui a réalisé le prototype.
« A quelque chose, malheur est bon » dit-on. En effet, le déficit de respirateurs pendant la pandémie du Covid a poussé les chercheurs burkinabè à explorer des pistes de solutions endogènes.
Ce respirateur, dénommé « Lafi respire », est modulable entre l’énergie électrique et l’énergie solaire. Il est doté d’un manomètre qui affiche le niveau de pression à l’intérieur du circuit respiratoire, un régulateur de charge, un bouton d’arrêt d’urgence.
L’équipement est composé d’un moteur, d’un levier qui grâce à la rotation d’une came exerce ou pas une pression sur un insufflateur pour produire l’inspiration et l’expiration. Il est également doté d’une batterie de secours en cas de coupure de courant électrique.
Un outil adapté aux contraintes techniques et énergétiques du Burkina
Le respirateur est adapté aux réalités du pays notamment en matière de contraintes techniques et énergétiques. Plusieurs exemplaires sont déjà fabriqués et attendent d’être testés dans les centres de santé sous la supervision de médecins.
Grâce à un co-financement (FONRID et CNRST), les capacités techniques de fabrication des équipements de l’IRSAT ont été renforcées.
L’IRSAT a acquis un nouveau matériel spécifique de pointe de dernière génération (imprimante 3D, Machine Numérique à Commande Numérique (CNC)) pour la fabrication de pièces complexes du respirateur et de contrôle qualité (analyseur de gaz, spiromètres).
Ces capacités nouvelles permettent aujourd’hui d’assurer une reproduction à l’échelle si le besoin se faisait ressentir, poursuit Hubert Bagnaba.
Dr Frédéric Bationo, Maître de Recherche en Génie Industriel à l’IRSAT au CNRST du Burkina, est l’un des concepteurs du respirateur. Il estime que ce respirateur est conçu pour pallier les contraintes d’ordre technique et de maintenance des équipements importés.
« Comme vous le savez, nous recevons des équipements dont la maintenance est très difficile parce que nous ne pouvons pas concevoir les pièces de rechange. Nous recevons également d’autres qui ne tiennent pas compte de la technicité de nos agents et des contraintes énergétiques. Ce respirateur a été totalement fabriqué au Burkina » nous explique Dr Bationo.
« Les essais précliniques vont bientôt commencer », Dr Frédéric Bationo
Cette technologie va donc permettre aux centres de santé burkinabè de disposer des respirateurs.
« Dans un futur très proche, on devrait avoir les résultats des essais préclinique et clinique nous permettant de mettre à la disposition du corps médical cet appareil », rassure Dr Frédéric Bationo.
Déjà, le coût de la mise au point du prototype de respirateur en 2020 avait été estimé entre 800 000 et 900 000 FCFA. « Mais le coût d’acquisition du respirateur peut coûter moins cher que son coût de mise au point ».
Malgré les difficultés d’ordre budgétaire liées notamment aux procédures de décaissement des fonds, les chercheurs de l’IRSAT nourrissent l’ambition d’être le pôle d’excellence en matière de fabrication d’équipements. Les chercheurs de l’institut envisagent très bientôt de vulgariser l’outil à l’échelle nationale et même internationale.
C’est ainsi qu’il est prévu la mise au point d’autres générations de prototypes de respirateurs « Lafi Respire 2, 3, en tenant compte des avancées technologiques ». « Nous ne voulons pas nous arrêter là. (…) C’est un équipement qui peut être certifié et répondre aux normes internationales de santé » soutient Dr Bationo.