Dix années après la dernière législature, les Guinéens renouent avec les législatives. Les griefs contre les préparatfs du scrutin du samedi dernier étaient en effet nombreux côté opposition. En effet, quand elle ne jugeait pas le fichier électoral volontairement "gonflé", c'est la Commission électorale nationale indépendante (CENI) qu'elle accusait de subordination au pouvoir en place. Sans oublier les querelles précédentes autour du choix de l'opérateur technique chargé de l'élaboration du fichier électoral. Et que dire des nombreuses scènes de violence à Conakry et dans bien d'autres localités avec à la clé mort d'hommes et nombreux blessés, incendies de maison, destruction de biens publics ?
Tout simplement que cela ne présageait rien de bon pour des élections pacifiques. Mais contre tout mauvais augure, exception faite de quelques incidents mineurs, le vote s'est déroulé dans le calme. Mieux, le taux de participation de l’élection qui a eu lieu le 28 septembre, une date emblématique, est plus que satisfaisant. Après de multiples reports (les législatives étaient censées avoir lieu six mois après l’élection du président Alpha Condé en 2010), les électeurs se sont déplacés dans les bureaux de vote sans se faire prier. Ce taux de participation, estimé à près de 80%, ferait pâlir de jalousie les démocraties les plus rôdées. C’est dire que cette élection était particulièrement attendue des Guinéens qui font montre d’un intérêt manifeste pour l’Assemblée nationale. La pluie qui était de la partie n’a point émoussé leur volonté de faire leur choix. Aurait-il pu en être autrement dans un pays où la flotte rythme la vie quotidienne toute l'année ? En guise de cadeau, les votants ont eu droit à l'apparition d'un arc-en-ciel d’après-pluie, ce qui en Afrique est un heureux présage. Le scrutin s’est donc tenu dans la sérénité et le calme. Bien sûr, n’ont pas manqué les couacs de dernières minutes côté votants, comme l’impossibilité de trouver son bureau de vote, le récurrent problème de cartes d’électeur ou l’absence de nom sur le fichier électoral. L’on peut malgré tout se féliciter du déroulement de cet exercice démocratique, si on le compare aux scrutins précédents où l’on s’est haché pratiquement jusqu’au pied de l’isoloir.
Maintenant, reste à gérer l’après-scrutin. Une chose est de réussir le passage aux urnes, une autre est de faire accepter le résultat aux différents acteurs. En la matière, l’on est en droit de craindre le pire si l’on se fie aux discours de certains responsables politiques. A analyser par exemple les propos de Cellou Dallein Diallo, on a comme l’impression qu’il n’est pas question pour l’opposition de perdre. On ne peut donc que s’étonner de ce genre de postulat sachant que quand on va à une élection, c’est pour gagner ou pour perdre. Et si les responsables politiques font déjà dans le chantage, quels comportements vont adopter leurs militants de base en cas de défaite ? Attention surtout à l’embrasement de la rue. Il convient donc d’en appeler au sens de la responsabilité des différents acteurs politiques en rappelant à leurs mémoires les violences postélectorales après la présidentielle de 2007 au Kenya qui ont fait au bas mot 1500 morts et 300 000 déplacés.
Mais que veulent-ils donc à la fin, ces politiciens de la patrie du célèbre orchestre le Bembeya-Jazz ? Continuer à ergoter et à se chamailler, envoyant les populations à l’abattoir ? Funeste passe-temps favori. Autant le président Alpha Condé ne brille pas dans l’art de la conciliation et des réactions pondérées, autant le chef de file de l’opposition n'excelle pas dans l'art du compromis. Paradoxale pour ces deux hommes quand on se rappelle que l'un avait promis d’unir tous les Guinéens et que l'autre, au lendemain de sa défaite au second tour, avait prévu mettre «les intérêts de la Guinée au-dessus de ses ambitions personnelles». Qu’il plaise finalement aux politiciens de laisser leurs compatriotes profiter des premières réserves de bauxite du monde, de ces importants gisements de fer, d’or, de diamant et du potentiel hydraulique hors norme de la belle Guinée.