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Dr Watton Rodrigue Diao, Directeur régional de la Santé des Hauts-Bassins : « En cas de signes de la dingue, il faut éviter l’automédication, surtout la prise des anti-inflammatoires »

Publié le jeudi 17 aout 2023  |  Sidwaya
Un
© Autre presse par DR
Un moustique
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Depuis le début de l’année 2023, la ville de Bobo-Dioulasso a enregistré 301 cas suspects de la dingue dont 181 cas probables et 6 décès. Pour la seule semaine du 7 au 14 août 2023, ce sont 165 cas suspects pour 123 cas probables. Pour en savoir davantage sur la dingue et les moyens de lutte, Sidwaya s’est entretenu avec le directeur régional de la Santé et de l’Hygiène publique des Hauts-Bassins, l’épidémiologiste, le Dr Watton Rodrigue Diao, le mardi 15 août 2023 à Bobo-Dioulasso. Et ce, en prélude à la journée nationale anti-larvaires qu’organise le gouvernement burkinabè, demain vendredi 18 août dans la cité de Sya, en vue de la destruction des gîtes larvaires des villes de Bobo-Dioulasso et de Ouagadougou.

Sidwaya (S) : Qu’est-ce que la maladie de la dingue ?

Dr Watton Rodrigue Diao (W.R.D.) : La dingue est une arbovirose, donc une maladie virale qui se transmet par la piqûre d’un moustique appelé aedes. Généralement, ces moustiques commencent à piquer à partir de 16 heures jusqu’à la tombée de la nuit. Les symptômes de la dingue s’apparentent au paludisme et à la fièvre typhoïde. Et on entend souvent dire le palu-dingue. Je voudrais vous dire que la terminologie palu-dingue n’existe pas. Il y a le paludisme et il y a la dingue. Dans notre quotidien, nous parlons d’un cas suspect de la dingue lorsqu’un patient se présente à nous avec tout d’abord une forte fièvre (plus de 40°C) accompagnée d’autres symptômes. Il s’agit, des maux de têtes (des céphalées intenses), des nausées ou des vomissements, des douleurs musculaires ou des articulaires. Lorsqu’on a au moins deux de ces symptômes qui accompagnent la forte fièvre, on dit qu’on est en face d’un cas suspect de la dingue. Et on enclenche des démarches notamment des examens médicaux ou des tests de diagnostic rapide pour détecter ou identifier la présence ou non du virus responsable de la dingue dans le sang afin de pouvoir dire avec certitude qu’il s’agit d’un cas de dingue. Je voudrais rappeler à la population que la dingue est une maladie dangereuse et mortelle autant que le paludisme. Habituellement, les formes sévères de la dingue se traduisent par une fuite de l’eau au niveau du sang, appelée une fuite plasmatique. Avec ces fuites, on peut avoir des détresses respiratoires. Mais ce qui est constaté et effraie les gens, c’est le syndrome hémorragique où on peut avoir des saignements énormes internes ou externes.

S. : Quelles sont les précautions à prendre pour éviter de traiter le paludisme à la place de la dingue ou vis-versa ?

W.R.D. : Lorsque le malade présente les signes cités plus haut, il doit éviter l’automédication, surtout la prise des anti-inflammatoires non stéroïdiens comme Diclophénac, Ibuprophène, Acéclophénac. Ces médicaments vont encore aggraver l’état des patients. On sait que ces anti-inflammatoires sont très efficaces contre les douleurs musculaires et articulaires qui sont des signes de la dingue, mais il faut éviter l’automédication et leur prise en cette période où on enregistre des cas de dingue croissants dans les centres de santé de la région des Hauts-Bassins.

S : Quelle est l’ampleur de la dingue dans la région des Hauts-Bassins ?

W.R.D. : Du début de l’année au lundi 14 août 2023, nous avons enregistré 301 cas suspects de dingue dans les huit districts sanitaires et au Centre hospitalier universitaire Souro Sanou (CHUSS) de la ville de Bobo-Dioulasso. Ces cas ne sont que la partie visible de l’iceberg car nous savons que seulement 30% de la population fréquente les centres de santé en cas de maladie. Ainsi, au district sanitaire de Do, on a enregistré 194 cas, au district sanitaire de Dafra, 60 cas, au CHUSS, 37 et au district sanitaire de Orodara, 9 cas suspects de dingue. Pour les autres districts sanitaires, nous n’avons pas enregistré de cas de dingue. Sur l’ensemble de ces 301 cas, nous avons pu faire la preuve de 181 cas probables de la dingue par le biais des examens médicaux. Et on se trouve avec 117 cas dans le district de Do, 33 à Dafra et 31 au CHUSS. Ce qui veut dire que les 9 cas du district sanitaire de Orodara n’ont pas été déclarés positifs par les laboratoires, donc pas de cas probables à Orodara jusqu’à ce jour. Sur les 181 cas probables, nous avons enregistré malheureusement 6 cas de décès dont 4 au CHUSS et 2 au district sanitaire de Dafra. Ce qui nous amène à dire à travers les chiffres qu’il y a une augmentation de la maladie. Quand vous ne prenez rien que, la semaine du lundi 7 août au lundi 14 août 2023, on a enregistré 165 cas suspects essentiellement dans la ville de Bobo-Dioulasso. Et pour ces cas suspects qui ont pu bénéficier d’examens de laboratoire, on a eu 123 cas positifs avec 64 cas au district sanitaire de Do sans décès enregistré, 30 cas au CHUSS avec 4 décès et 29 cas au district sanitaire de Dafra avec 2 décès. En une semaine, on a enregistré presque la moitié des cas (123) probables depuis le début l’année 2023 (181).

S. : Ces chiffres font tout de même peur.

W.R.D. : En réalité, il ne faut pas que ces chiffres fassent peur même si nous reconnaissons la hausse du nombre de cas, en cette dernière semaine, et de cas de décès sur l’ensemble de l’année. C’est plutôt la confusion entre la dingue, le paludisme et la fièvre typhoïde qu’il faut craindre, et il faudrait que les populations puissent savoir quelles sont les mesures à prendre pour se protéger, pour éviter les formes de complication de la dingue, et permettre une prise en charge optimum.

S. : Que faut-il faire alors ?

W.R.D. : C’est se protéger des piqûres de l’aedes (ndlr, moustique vecteur de la dingue) comme contre l’anophèle (ndlr, la femelle du moustique auteur du paludisme). Le premier aspect est de lutter contre le vecteur à l’origine de la dingue en évitant les piqûres des moustiques et faire en sorte même qu’ils ne se multiplient pas. Pour éviter la piqûre des moustiques, il faut travailler à ce qu’il n’y ait pas de gîtes larvaires, c’est-à-dire, travailler à ne pas avoir d’eaux stagnantes dans lesquelles les moustiques se multiplient, surtout en ce mois d’août où il pleut abondamment. Dans ce sens, le gouvernement s’est engagé à la destruction des gîtes larvaires dans les villes de Bobo-Dioulasso et de Ouagadougou à travers une journée nationale anti-larvaires prévue le 18 août prochain dans la cité de Sya. Le second aspect, est de tout faire lorsqu’on sent des symptômes apparents à la dingue, se rendre dans la formation sanitaire la plus proche pour se faire prendre en charge, et surtout éviter l’automédication. C’est lorsqu’on parvient à faire le diagnostic et enclencher une prise en charge à temps que l’on peut garantir le succès du traitement de la dingue. Je rappelle que la dingue est une maladie dont il n’y a aucun traitement spécifique. La prise en charge est symptomatique et se fera sur la base des symptômes que présente le malade tout en anticipant les complications lorsque le patient est dans un centre de santé. Et c’est l’ensemble de ces comportements qui peuvent éviter la propagation de la maladie et des décès liés à la dingue.

Kamélé FAYAMA
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