Mutatis Mutandis ! C’est quasiment la posture adoptée par la CEDEAO le 31 juillet à Abuja qui a été arrêtée hier 10 août, 4 jours après l’expiration de l’ultimatum. Sauf, sauf que l’organisation va activer sa force en attente que commandera un général sénégalais. Quand ? Comment ? Le mode opératoire n’a pas été décliné. Sans doute, les chefs d’état-major de la CEDEAO, qui vont se réunir dans la foulée en traceront les linéaments.
Toutes les options restent valables, y compris donc l’emploi de la force, même si le bémol au dialogue demeure de mise. C’est une décision de la CEDEAO, unanime, pas celle de Bola Tinubu, et si l’Ivoirien Alassane Ouattara ou le Bissau-Guinéen Sissoco Embaló sont montés au créneau pour faire cette précision, c’est qu’au Niger comme chez les alliés de ce pays, on indexe Bola, ou tel président d’être à la base des sanctions et de l’ultimatum contre le Niger. Bloc de fermeté à la CEDEAO qui refuse le putsch, et la prise en otage du président élu Mohamed Bazoum. On aurait voulu applaudir car une organisation régionale ou sous-régionale crédible, c’est son homogénéité, sa collégialité, bref, ses décisions partagées par tous ses membres.
En attendant la réaction du CNSP, lequel a déjà formé son gouvernement de 21 membres (lire page 3). On sent que malgré cette fermeté réelle même si Bola a policé son discours d’hier 10 août par rapport à celui du 31 juillet, on sent comme du surplace, une sorte de traine. Car une telle opération de restauration par la force, si elle devait avoir lieu, aurait été faite de façon soudaine, et sans trop de parlotte. C’est pourquoi on est tenté de croire que si la mise en branle de la Force en attente laquelle a d’ailleurs trop attendu, si une telle projection est également une pression sur les putschistes de Niamey, sa faisabilité, les conséquences sur les populations font que certains restent circonspects.
Et s’il faut saluer, cette CEDEAO qui reste droit dans ses bottes, on sent comme des brèches au niveau du front CEDEAO-Washington-UE, car on a beau chanter que c’est une affaire africano-africaine et que c’est aux Africains de résoudre le brûlot nigérien, on subodore d’abord que la CEDEAO regarde aussi la communauté internationale, expression qui désigne les puissances occidentales et les USA. Or, depuis quelques jours, il y a une différence sémantique relative au putsch entre par exemple Washington et les autres, même si les USA restent alignés sur la CEDEAO et la France. Les USA, selon certaines sources croient-ils qu’il n’est plus possible de rétablir Bazoum dans ses fonctions ? «L’appel à un rétablissement immédiat du gouvernement démocratiquement élu au Niger» qui avait cours du côté de la Pennsylvanie Avenue s’est mué en «efforts continus pour trouver une solution pacifique à la crise constitutionnelle en cours». Washington privilègie t-il le dialogue en excluant l’usage de la force ? Or, justement Bazoum compte sur l’Amérique pour faire plier aussi le CNSP en témoigne sa lettre du 3 août parue dans Washington post.
Ensuite, si l’unité diplomatique paraît réelle, la discrète médiation du président togolais Faure Gnassingbé qui s’est rendue à Niamey selon plusieurs sources, le 8 août dernier sur le coup de 22 heures, en ayant eu dans la foulée un entretien avec le chef de la junte, le général Abdourhamane Tchiani, ainsi que le désormais ministre de la Défense, le général Salifou Mody, cette médiation parallèle a eu l’heur d’agacer à Abuja, et Bola a piqué la mouche surtout que d’autres se sont multipliés en cachette. Vrai ou faux ?
Médiation togolaise n’ayant pas reçue l’imprimatur de la CEDEAO, posture de Washington, que d’aucuns jugent moins guerriere… Y a-t-il hiatus dans la CEDEAO entre d’abord certains de ses membres et avec la communauté internationale ? Dans tout ça, la France reste arc-boutée à la position de l’organisation c’est-à-dire le retour de Bazoum au pouvoir, un Bazoum qui a été au centre du jamborée d’hier 10 août à Abuja, car il faut libérer ce dernier fissa !
Peut-être que ce sont des ennemis de la CEDEAO qui affabulent, mais des différences d’approche semblent se dégager et surtout des questions d’intérêt sur la résolution de casse -tête, car problème africain certes, mais géopolitique internationale et dividendes stratégiques obligent, le Niger est convoité par de nombreux partenaires.