Une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, montrant une scène de torture d’un quinquagénaire par des individus agissant peut-être sous les ordres, mais certainement pour le compte d’une guérisseuse, dans la Commune de Komsilga, a suscité la colère et l’indignation de Burkinabè. Interpellée par les forces de l’ordre, la dame a été, contre toute attente, libérée par des militaires se réclamant de l’Agence nationale des renseignements (ANR). Cette intrusion dans les affaires judiciaires, a été mal accueillie par l’intersyndicale des magistrats qui s’est fendue d’une déclaration pour dénoncer cette libération qui constitue, selon lui, une entrave grave à l’action de la Justice. Elevant une protestation ferme et solennelle contre ces pratiques, elle interpelle le ministre de la Justice sur la nécessité qui lui incombe de respecter les principes de la séparation des pouvoirs et d’indépendance de la Justice. Si les faits, tels que relatés, sont avérés, cela risque d’entacher la crédibilité de la transition. D’autant plus que le capitaine Ibrahim Traoré a clamé, depuis son arrivée au pouvoir à l’issue d’un coup d’Etat, sa volonté de lutter contre l’impunité au Burkina Faso, qui serait, selon lui, la source de toutes les dérives constatées dans ce pays depuis plusieurs années. Eh bien, que vient faire alors cette affaire dans un pays se voulant respectueux des lois de la République ? La question mérite d’être posée face à cette affaire qui, pour certains pourfendeurs du régime, enlève la maigre couche de vernis républicaine que revendique le capitaine Ibrahim Traoré et son gouvernement.
Les Burkinabè ont des raisons de s’inquiéter
La libération de la guérisseuse qui, en dépit de tous ses pouvoirs surnaturels, n’a vu venir son mandat de dépôt, passe mal aux yeux d’une certaine opinion, surtout dans ce contexte où la bravoure de nos Forces de défense et de sécurité (FDS) et de leurs supplétifs est plus attendue sur le théâtre opérationnel de la lutte contre le terrorisme en vue du rétablissement de la paix, de la quiétude et du retour des personnes déplacées internes dans leurs localités d’origine. Cela dit, on pourrait aussi se poser certaines questions. Qui se cache derrière cette libération ? Et pour quels motifs ? Pour la Justice, les mobiles étant suffisants pour l’interpellation et la garde à vue de la nommée Nikièma Amsétou, qu’est-ce qui a bien pu se passer pour qu’elle se retrouve aussi rapidement dehors pour respirer l’air frais de la liberté ? Les nouvelles autorités ont-elles décidé de faire fi de la séparation des pouvoirs (exécutif et législatif) pour se substituer à la Justice ? Si c’est le cas, les Burkinabè ont des raisons de s’inquiéter. Car, s’il y a un refuge, dans notre société où les citoyens et les investisseurs devraient se sentir en sécurité, c’est bien aussi la Justice. Partant de ce principe, les autorités burkinabè, pour autant qu’elles s’immiscent dans les affaires judiciaires, gagneraient à cesser toute forme d’ingérence qui va à l’encontre des principes d’un Etat de droit.