Charles Taylor vient de battre un triste record. Après sa condamnation à 50 ans de prison, il est le premier ancien chef d’Etat reconnu coupable par la justice internationale, depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
Encore un Africain, dira-t-on, soit pour dénoncer un prétendu acharnement de la justice internationale contre les Africains, soit pour mettre à nu les pratiques criminelles orchestrées par les dirigeants africains. Dans l’un ou l’autre cas, une chose semble certaine, Charles Taylor n’est pas blanc comme neige.
L’unanimité se fait même sur son rôle de premier plan dans la guerre civile au Liberia, son pays, mais aussi en Sierra-Leone voisine. C’est curieusement son implication dans les atrocités commises dans ce dernier pays qui l’ont fait tomber. En tant qu’Africain, on ne peut qu’être traversé par des sentiments ambivalents, après ce lourd verdict. Il y a d’abord la honte d’avoir des dirigeants qui sont traînés devant des tribunaux internationaux, faute d’une justice nationale crédible et en raison de l’impunité ambiante.
Mais le plus humiliant, c’est l’accusation dont sont victimes ces dirigeants : crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Elle met en évidence la cruauté de certains leaders qui ne reculent devant rien pour assouvir leurs desseins.
Ils sont ainsi prêts à écrire l’histoire de leurs pays en lettres de sang. Que de sang coulé et que de retard accusé par l’Afrique du fait de ces aventuriers et de leurs complices ! Aujourd’hui encore, l’Afrique continue de vivre ces effroyables guerres et conflits, avec leurs lots de morts et de réfugiés, ainsi que le montrent les cas centrafricain, congolais ou soudanais. Sentiment de honte donc face à ces pratiques encore en cours sur le continent, au moment où les autres progressent vers le développement. Certes, toute l’Afrique n’est pas que traversée de conflits et tout n’est pas que sombre. Ici et là émergent des Nations bien gouvernées.
On y trouve même des pays qui peuvent rivaliser, en termes de respect des droits de l’homme, de démocratie et de progrès économique, avec les autres. Mais, cette incapacité du continent à éteindre définitivement les foyers de conflits déteint négativement sur les bons exemples. De sorte que l’image d’un continent affamé, perpétuellement en guerre, demeure tenace.
Le procès de Taylor suscite un autre sentiment chez les Africains. C’est l’espoir que le verdict aura un effet pédagogique et dissuasif. En effet, la condamnation de Taylor à 50 ans de prison pour son rôle dans la guerre en Sierra Leone devrait pouvoir servir de leçon. Tous ceux qui jouent les boutefeux en attisant les foyers de crise devraient se poser des questions sur leur avenir.
Ils doivent se dire que tôt ou tard l’histoire les rattrapera. D’une certaine façon, le procès et la condamnation de Taylor peuvent avoir un intérêt pédagogique. Cet exemple peut amener les chefs d’Etat à ne plus s’inviter dans les conflits des pays voisins en les attisant de diverses façons.
Il ne faut cependant pas crier victoire trop vite, en croyant naïvement que plus jamais des guerres n’éclateront en Afrique. La preuve, même tout au long du procès de l’ex-président libérien, des tueries continuent à être perpétrées. Comme si de rien n’était, du sang a abondamment coulé sur le continent.
Comment dès lors s’offusquer que la Justice internationale ait en permanence les projecteurs braqués sur l’Afrique ? Il ne s’agit pas de pousser des cris d’orfraie à chaque inculpation d’un Africain, mais de travailler à y mettre fin. Et la seule façon pour les dirigeants africains d’éviter l’humiliation de la justice internationale, c’est de promouvoir la démocratie et la bonne gouvernance, gages