L’ONG Voix de femmes, avec l’appui financier et technique du Fonds des nations unies en matière de population (UNFPA), a organisé une formation au profit des membres du Réseau des journalistes et communicateurs pour la promotion de l’élimination de la pratique des mutilations génitales féminines (MGF) et le mariage d’enfants. Cette session de renforcement de compétences des points focaux et des membres du réseau en matière de lutte contre les MGF et le mariage d’enfants au Burkina Faso, a eu lieu à Manga, dans le Zoundweogo, du 22 au 24 juin 2023.
Malgré la multiplication des actions de lutte contre les mutilations génitales féminines (MGF), force est de constater que cette pratique perdure dans plusieurs régions du Burkina Faso. Cette violence faite à la femme depuis des lustres continue de briser des cœurs et même des foyers. Au niveau mondial, 140 millions de femmes et de filles sont victimes des MGF, selon les données livrées par Raphaël Zongnaba, Directeur exécutif de l’ONG Voix de Femmes, au cours de la communication qu’il a donnée sur l’ampleur des mutilations génitales féminines. Annuellement, ce sont 3 millions de filles qui sont excisées, et plus de 91 millions de filles de de moins de 9 ans vivant en Afrique subissent les conséquences des MGF pratiquées dans 29 pays d’Afrique et dans quelques pays d’Asie.
Le taux de prévalence de cette pratique au Burkina Faso est de 67,6%. Dans ce pays où le type 2 de l’excision (ablation du clitoris et des petites lèvres) est la forme de mutilation génitale la plus pratiquée, toutes les 45 provinces sont touchées. Selon des données EDS IV 2010, la région du Sahel vient en tête avec un taux de 27% contre 4,3% dans la région du centre.
Fort heureusement, la lutte engagée par les différents acteurs depuis plusieurs décennies au Burkina Faso a permis d’enregistrer des acquis. Ainsi, en plus de l’engagement politique du gouvernement, il faut noter qu’il y a, de nos jours, une prise de conscience accrue des préjudices causés par la pratique de l’excision. Il y a aussi, un environnement politique, juridique et social favorable aux actions, a reconnu M. Zongnaba.
Aussi, l’application de la loi (N°043/96/ADP du 13 novembre 1996 portant code pénal en ses articles 380 à 382 ; la loi n°025-2018/an du 31 mai 2018 portant code pénal) a permis de sauver, de 2014 à 2017, 68 filles de la terreur de la lame. 130 personnes (auteurs ou complices) ont été condamnées durant la même période. Malheureusement, 323 filles ont été excisées et 5 d’entre elles en sont décédées. Les conséquences de cette pratique sur la vie des femmes sont multiples. Les filles ou femmes excisées peuvent être victimes, sur le plan des conséquences immédiates, d’hémorragie, d’infections, de mort. En ce qui concerne les conséquences ultérieures, elles peuvent des difficultés pour les filles excisées d’uriner, les fistules, les accouchements difficiles, la stérilité, etc.
Face à ce bilan toujours alarmant, la contribution les journalistes et les communicateurs présents à cette session de formation ont donc été invités à contribuer à la lutte à travers leurs plumes.
Plus de 58 millions d’enfants mariés avant l’âge de 18 ans au cours de la dernière décennie
Les participants à cette formation ont également reçu une communication sur la problématique du mariage d’enfants. Cette communication présentée par Marcel Kaboré, inspecteur d’éducation spécialisée, chargé de suivi-évaluation à l’ONG Voix de Femmes, a permis aux participants d’appréhender l’ampleur de cette pratique qui perdure dans nos sociétés. Dans le monde, 58 millions de filles étaient des enfants mariés avant l’âge de 18 ans au cours de la dernière décennie. Les causes de cette pratique sont à la fois coutumières, économiques, religieuses.
Entre crainte de la survenue d’une grossesse précoce chez leur fille, le souci de conserver sa virginité jusqu’au mariage, la précarité, etc., les parents poussent souvent leurs filles au mariage, avant que ces dernières n’atteignent l’âge légal à cet effet. Ainsi, en Afrique Sub-saharienne, environ 15 millions de filles sont mariées avant l’âge de 18 ans, selon les données livrées par Marcel Kaboré, au cours de sa communication.
Au Burkina Faso, à l’entendre, 52% des filles sont touchées par le phénomène qui enregistre un taux record de 76% dans la région du Sahel et 72% à l’Est, selon l’enquête démographique de santé réalisée en 2010.
Dans le but de lutter efficacement contre cette pratique, plusieurs dispositions juridiques ont été élaborées. L’article 23.3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) stipule que « nul mariage ne peut être conclu sans le libre et plein consentement des futurs époux ». L’article 21 de la charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant rappelle que les mariages d’enfants et la promesse de jeunes filles et garçons en mariage sont interdits. Le protocole de Maputo précise, en son article 6, qu’aucun mariage n’est conclu sans le plein et libre consentement des futurs mariés.
Au Burkina Faso, la loi protège les enfants en cas de mariage précoce, et sanctionne les instigateurs et auteurs de cette pratique. L’article 342.2 du code pénal punit l’officier de l’Etat civil ou la personne déléguée pour célébrer un mariage en violation des conditions prescrites par la loi.
En plus de la loi qui sanctionne cette pratique, au Burkina Faso, une politique et des stratégies sont mises en place pour éliminer les mariages d’enfants. On peut citer entre autres la stratégie nationale genre, la politique sanitaire nationale, la politique nationale en matière de santé de la reproduction, etc.
La direction générale de la famille et de l’enfant (DGFE) du Ministère en charge du genre, les directions régionales et provinciales de l’action sociale, la police, la gendarmerie, la justice, les ONG et OSC, sont chargés de la mise en œuvre de ces politiques pour l’élimination du mariage d’enfants.