Le Procès de l’ancien ministre des Transports Vincent Dabilgou a repris ce 26 juin 2023 dans la chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance Ouaga I au Burkina.
Ce 26 juin, il s’est encore présenté devant le tribunal. L’ancien ministre des Transports Vincent Dabilgou est poursuivi pour les fais de « blanchiment de capitaux, détournement de deniers publics».
Son parti, le Nouveau temps pour la démocratie (NTD) est aussi poursuivi pour « financement occulte de parti politique » dans le cadre la campagne électorale de 2020.
À la barre, le prévenu ne reconnaît pas les faits. Un avocat de la partie civile a cherché à savoir si l’argent pouvait être retiré du compte Trésor du ministère des Transports sans que Vincent Dabilgou, ministre, ne soit au courant.
Le prévenu répond que pour ce qui est des bons de commandes, ce n’est pas lui qui appose sa signature. Il affirme aussi qu’il ne délègue pas sa signature à Jean Gabriel Séré, son ex-directeur administratif et financier (DAF). « M. le président, M. Dabilgou n’a pas répondu à ma question » indique l’avocat qui voulait également savoir si Vincent Dabilgou a instruit son DAF Jean Gabriel Séré de faire le point de tous les retraits d’argent des comptes du ministère. Vincent Dabilgou a été une fois de plus évasif sur la question selon l’avocat.
« Vincent Dabilgou avait connaissance des dépenses faites sur les comptes du ministère des Transports M. le président» a fait observer un avocat de la partie civile. À la question du procureur de savoir si l’ex-ministre connaissait un certain Coulibaly, le prévenu a répondu par la négative.
Cependant, il s’est fait rattraper par Jean Gabriel Séré qui dit s’inscrire en faux quant aux déclarations de Vincent Dabilgou, faisant croire au tribunal qu’il ne connaissait pas le nommé Coulibaly.
Selon Jean Gabriel Séré, Vincent Dabilgou connaît très bien cet homme parce qu’ils font des affaires ensemble. L’ex-DAF poursuit en invitant le ministre à se retourner vers sa femme pour lui rafraîchir la mémoire.
Devant le juge, Jean Gabriel Séré dit reconnaître avoir remis 25 millions de francs CFA à Vincent Dabilgou à son domicile. « Il a récupéré l’argent ce jour-là, et il l’a mis dans une rame de papier » a dit Jean Gabriel Séré. Cette somme d’argent, selon lui, a été retirée du compte Ecobank du ministère des Transports. Cet argent, indique-t-il, a servi à construire une maison à Bogandé. Ce que l’ancien ministre s’est empressé de démentir.
« Jean Gabriel Séré veut me salir » a dit l’ancien ministre des Transports Vincent Dabilgou qui ajoute : « Je n’ai jamais construit une maison à Bogandé».
Témoignage de Mamou Té
À la barre, Mamou Té, régisseuse au moment des faits était aussi chargé d’aller faire les retraits d’argent sur les comptes Trésors et Ecobank du ministère sous ordre de Jean Gabriel Séré.
« J’ai eu à retirer de l’argent que j’ai remis à Jean Gabriel Séré pour l’achat du carburant au profit de la SOPAFER-B (une société d’État rattachée au ministère des Transports). En espèce, j’ai touché 102 millions de francs CFA et un chèque de 28 millions de francs CFA au nom de la société Green Energy. J’ai aussi fait des retraits sur le compte Ecobank du ministère mais je ne connaissais pas le motif» témoigne-t-elle.
« Je remettais l’argent en espèce au DAF Jean Gabriel Séré. Je ne recevais pas d’ordres directement du ministre Vincent Dabilgou » a-t-elle dit.
Pour retirer de l’argent sur le compte qui appartient au ministère, Mamou Té explique que « la décision de déblocage est signée par le ministre, la fiche synthétique est signée par le Secrétaire général et le projet de dépense est signé par le directeur administratif et financier (DAF). Sans cette procédure, il n’y a pas de fonds qui soient débloqués.»
Une révélation qui, visiblement a beaucoup intéressé le parquet, le tribunal et les avocats de la partie civile y compris l’agent judiciaire de l’Etat. Elle a aussi provoqué une réaction de Jean Gabriel Séré: « J’ai reçu les instructions du ministre Vincent Dabilgou pour débloquer les fonds. Et, à mon tour, j’ai instruit Mamou Té d’aller faire les retraits. Mais, j’ai pris le soin de bien expliquer à Mamou Té que cela n’a pas suivi la procédure normale et que l’argent allait servir à acheter des motos. L’argent une fois retiré servait à financer les activités du parti politique le NTD» a indiqué Séré.
Mais, il s’est vu recadrer par le témoin Mamou Té, la régisseuse au moment des faits :« M. Séré qui est mon patron ne m’a jamais signifié que les retraits allaient servir à acheter des motos». «Mme Mamou, est-ce qu’on peut débloquer des fonds à l’insu de Vincent Dabilgou?» interroge le procureur.
La réponse de Mme Mamou : « Non, M. le procureur». Selon le parquet, les choses sont désormais claires: «Aucun retrait ne se fait sans que Vincent Dabilgou qui était le ministre ne soit au courant ». «M. le président, Vincent Dabilgou, était au courant de tous ces retraits », a insisté le procureur.
Dans cette affaire de décision de déblocage des fonds qui a été pris par le ministre Vincent Dabilgou, il n’a jamais été question de financer les activités du parti le NTD, a précisé l’un des avocats du ministre qui informe que contrairement à ce que pense le procureur, ces fonds ont servi à financer les travaux de construction du chemin de fer Ouagadougou-Bolgatanga (Ghana).
Le NTD, parti de Vincent Dabilgou poursuivi
Le procureur reproche au parti politique de l’ex-ministre des Transports sous le président Roch Kaboré le financement occulte.
Pour ce cas d’espèce, il ressort des débats que le parti a bénéficié de motos (au nombre de 80) dont le paiement a été fait par l’argent du ministère, logé dans un compte Ecobank.
Vincent Dabilgou qui est le président du parti a rejeté cette déclaration, soutenant qu’il ne se reconnaît pas dans un tel acte. « Ma source d’approvisionnement en motos est Megamonde. La société peut dire combien de motos nous avons acheté pour la campagne de 2020. Je me rappelle avoir donné 10 millions de francs CFA à Malick Kouanda (alors directeur général de la SOPAFER-B, ndlr) pour qu’il achète des motos pour la province du Kadiogo». Il poursuit : « Je ne peux pas savoir s’il y a d’autres motos qui ont été achetées».
Il lui a été demandé la source de financement des activités du parti. « Au niveau du parti le Nouveau Temps pour la Démocratie (NTD), il y a une cotisation qui est faite pour les activités politiques», affirme l’ancien ministre Vincent Dabilgou qui dit ne pas se rappeler combien chaque DG, SG ou ministre donnait comme montant.
M. Dabilgou a aussi fait comprendre que le NTD a reçu 80 millions de francs CFA de la part de l’Alliance des partis et formations politiques de la majorité présidentielle (APMP) dont il était membre.
« Cette somme d’argent m’a été remise en tant que président du parti» déclare Vincent Dabilgou répondant au procureur qui a cherché à savoir pourquoi la trésorerie du NTD n’a pas eu vent de cet argent. « Je n’ai rien touché dans cette somme d’argent» a fait savoir l’ex-ministre Dabilgou.
Quel est le coût des activités politiques du NTD dans la cadre de la campagne électorale de 2020? Quelle était concrètement votre source de financement? À ces questions du procureur, Vincent Dabilgou a fait comprendre que le bilan global de la campagne était en train d’être fait mais que cela n’a pas abouti.
A en croire l’avocat représentant le Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC), les directeurs de campagne du parti auraient affirmé avoir reçu des sommes d’argent de la part de Vincent Dabilgou dans le cadre des activités politiques.
« Ils doivent pouvoir me dire à quel moment je leur ai donné ces sommes d’argent» a lâché Vincent Dabilgou qui répond à l’avocat.
Le témoignage de Clément Sawadogo
Pour ce qui des 80 millions de francs CFA, le coordonnateur de l’APMP, Clément Sawadogo, ancien ministre de l’Administration territoriale sous le président Roch Kaboré a confirmé le don de cette somme.
« Nous avons donné un soutien de 80 millions de francs CFA au NTD en deux phases. C’est-à-dire 30 millions de francs pour la pré-campagne et 50 millions de francs CFA pendant la campagne. Les 80 millions sont remis en espèce au parti. On ne peut pas faire autrement» témoigne à la barre, Clément Sawadogo.
Donner 80 millions de francs CFA en espèce ? S’étonne le procureur. « 80 millions de francs de CFA dans le cadre d’une campagne ne représente pas grand-chose » répond Clément Sawadogo.
Est-ce que vous pouvez justifier la provenance de ces fonds? Questionne le procureur. « Ils sont remis par le candidat à tous les partis qui soutiennent sa candidature. Et, il y a une collecte au sein des partis politiques qui permet au candidat de financer sa campagne » explique le témoin.
« Ce que vous dîtes est suffisamment grave M. Sawadogo. Ainsi, vous vous dérogez aux règles qui régissent un financement? » a lancé le procureur. « Les situations ont évolué M. le procureur » répond Clément Sawadogo. Pour le procureur, cela n’est rien d’autre qu’un blanchiment de capitaux.
Clément Sawadogo a même fourni des décharges dont la fiabilité a fait l’objet de débats. « M. Clément Sawadogo, moi je pense que vous avez appris que Vincent Dabilgou est dans le pétrin et vous venez à sa rescousse. Les écritures posent problème, elles ne ressemblent pas à des écritures de 2020 » a lancé l’avocat, représentant le REN-LAC. Quelle autre pièce avez-vous, pour montrer au tribunal que vous avez donné cette somme d’argent à Vincent Dabilgou, président du NTD? interroge l’avocat.
« M. Clément Sawadogo, vos décharges ne sont-elles pas fausses? » a demandé un avocat de la partie civile. Clément Sawadogo répond en ces termes : « Non, je suis même prêt à jurer sur les fétiches ». « Je crois que vous devriez d’abord jurer devant le tribunal » recadre le juge. L’audience reprend le 27 juin 2023 avec les témoignages de l’ensemble des témoins.