L’audience du procès Vincent Dabilgou a repris le mardi 20 juin 2023 au Tribunal de grande instance Ouaga I.
Ce 19 juin, on n’imagine pas que l’ancien ministre des Transports Vincent Dabilgou, sera d’un moment à l’autre, appelé à la barre pour répondre de ces chefs d’accusation qui pèsent sur lui. Il est poursuivi pour des faits de «détournement de deniers publics, blanchiment de capitaux, financement occulte de parti politique».
Souriant et visiblement relaxe, Vincent Dabilgou, un petit sac noir à la main, à l’air serein. Ses co-accusés et lui, ont pris place auprès de leurs conseils.
Lorsqu’il a été appelé à la barre, Vincent Dabilgou a nié en bloc tout ce qui lui est reproché. De vives débats ont même eu lieu entre lui et le procureur sur un contrat fictif d’un montant de plus de 131 millions FCFA, signé entre la SOPAFER-B, une société d’Etat rattachée au ministère des Transports et Green Énergy, une société de distribution de carburant.
L’ancien ministre a dit ne pas être au courant des contrats signés entre la SOPAFER-B et Green Energy.
Le procureur hausse le ton: « M. Dabilgou, vous étiez au courant de la signature du contrat fictif. C’est vous qui avez nommé Malick Kouanda directeur général de la SOPAFER-B. Malick Kouanda était le directeur de campagne de votre parti le NTD. Pensez- vous qu’il peut signer un contrat sans que vous ne soyez au courant ?».
« M. le procureur , laissez-moi me défendre» rétorque Vincent Dabilgou. « Je ne vous empêche pas de parler. Je veux juste faire le lien. Ce n’est pas la guerre. Malick était votre directeur de campagne oui ou non ? » demande le procureur.
Après quelques secondes de silence, Dabilgou répond par l’affirmative. A l’annonce de la pause, un conseil de Vincent Dabilgou lui conseille ceci : « Pourquoi vous vous énervez? Ne vous énervez pas !».
En plus du ministre Dabilgou qui nie avoir eu connaissance de ce contrat, Ousmane Sigué, ancien Comptable-matière du ministère des Transports a aussi balayé toute accusation à son égard.
Il faut noter que le 16 juin 2023, Minata Coulibaly, responsable commerciale de Green Energy avait déclaré que c’est Ousmane Sigué, comptable-matière du ministère qui a lui-même enregistré le contrat. Ce que Sigué a nié en bloc ce 19 juin, signifiant au tribunal qu’il n’avait jamais enregistré ledit contrat qui est fictif.
« Je ne sais pas qui a enregistré le contrat. Je sais seulement que ce sont les entreprises qui enregistrent les marchés » , a-t-il expliqué.
Rappelée à la barre, Minata persiste et signe que c’est Ousmane Sigué qui a fait l’enregistrement du contrat.
Mais, le procureur a estimé que Ousmane Sigué est à l’origine de l’enregistrement du fameux contrat. « M. Sigué, si ce n’est pas vous, qui a enregistré le contrat? Qui l’a fait ? Ce n’est pas le parquet en tout cas » ironise le procureur qui lance ceci: « Au regard de la chronologie des faits, c’est vous qui avez enregistré le contrat. M. le président, le débat est terminé».
« M. Sigué, vous n’êtes pas agent de liaison, mais comment se fait-il que c’est vous qui êtes l’intermédiaire entre la SOPAFER-B et Green Énergy? » demande le juge. «Tous les actes que je posais, je rendais compte à Monsieur Séré qui était en contact direct avec le ministre Dabilgou» indique Ousmane
« Je ne le connais pas ! », Vincent Dabilgou
Le procureur a poursuivi en demandant à Vincent Dabilgou s’il connaissait un certain Saïdou Compaoré, dans une affaire d’acquisition de motos. « M. Dabilgou, connaissez-vous Saïdou Compaoré? » « Non, M. le procureur, je ne le connais pas ». Une réponse qui met le procureur hors de lui.
Il déclare: « Lorsque les réquisitions ont été faites, il y a effectivement eu des contacts entre Saïdou Compaoré et l’ex-ministre. Des conversations relatives à l’acquisition de motos pour le compte du NTD pour la campagne présidentielle de 2020».
Cela n’a pas empêché Vincent Dabilgou de maintenir sa déclaration : « Je ne le connais pas ! », insiste-t-il. Le procureur va même lire une conversation qui a eu lieu sur WhatsApp entre l’ex-ministre et Saïdou Compaoré, retranscrit et versé dans le dossier. L’écrit indique ceci : « Bonsoir excellence. Je m’excuse, votre stock de motos commandé est prêt. Nous pouvons les livrer demain ».
Vincent Dabilgou et les 700 millions de francs CFA
Pendant ce procès, l’Agent judiciaire de l’État a fait une révélation « fracassante ». Selon lui, il y a eu un mouvement de 2 milliards de francs sur quelques comptes. Il fait observer ceci : « Deux milliards de francs CFA ont quitté le compte trésor du ministère des Transports pour le compte IB Bank de la SOPAFER-B et le compte Ecobank du ministère des Transports.»
Interrogé, le ministre Vincent Dabilgou est resté évasif sur la question. « L’argent devrait être transféré » a-t-il dit, ajoutant qu’il n’avait pas, a priori, été informé de ce mouvement d’argent.
«Depuis le début, vous déclarez n’être au courant de rien. Quel était votre rôle de ministre finalement ? Je pense que vous étiez plus préoccupé par vos activités politiques que celles du ministre » a dit l’Agent judiciaire de l’État, s’adressant à l’ancien ministre des Transports Vincent Dabilgou.
Cependant, selon l’ex-directeur général de la SOPAFER-B, Malick Kouanda des explications ont été données à l’ASCE-LC pour ce cas précis.
Une partie de l’argent devrait servir à payer des factures de l’entreprise SOGEA SATOM, indique l’ancien DAF du ministère des Transports Jean Gabriel Séré qui affirme avoir écrit à la direction de la SOPAFER-B de transférer 700 millions de francs de CFA sur le compte Ecobank du ministère pour le fonctionnement du cabinet du ministre.
L’Agent judiciaire de l’État a surtout voulu savoir pourquoi les 700 millions qui appartiennent à l’État ne sont pas plutôt transférés dans le compte Trésor du ministère. Selon lui, c’est cet argent qui a servi à financer les activités du parti politique, le NTD. En plus, il soutient que l’ex-DAF Jean Gabriel Séré n’a pas qualité à demander à la SOPAFER-B de transférer l’argent.
Production de fausses pièces
Chose curieuse dans ce procès, c’est la production de pièces accablant le nommé Séré, ex-DAF du ministère des Transports.
En effet, les avocats de Vincent Dabilgou ont présenté des pièces au tribunal qui contredisent les déclarations faites par Jean Gabriel Séré dans la matinée.
Surpris, la parquet a diligenté une petite enquête dont les résultats ont montré à suffisance que les éléments présentés par les avocats de la défense sont faux. Un acte «assez grave» qui a amené le juge à suspendre les débats pour mieux comprendre.
Dans les coulisses, une autorité judiciaire a confié ceci à Libreinfo.net: « Comme M.Séré a décidé de dire la vérité, ils (avocats de la défense, ndlr) ont produit ces pièces contre lui. Et telles que les choses se présentent, si le procureur ouvre une enquête et qu’il trouve que cela est avéré, c’est Vincent Dabilgou qui risque gros». L’audience reprend le mardi 20 juin 2023.