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Grossesses non désirées à Koudougou : la détresse des filles rejetées

Publié le mercredi 17 mai 2023  |  Sidwaya
Lutte
© aOuaga.com par Alimata K.
Lutte contre les grossesses précoces : Plan international lance sa nouvelle campagne
A l’occasion de la journée internationale de la jeune fille, célébrée le 11 octobre, Plan International a organisé une série d’activités dont une exposition sur les grossesses précoces et le lancement de la campagne « aux filles, l’égalité ». Le vernissage a eu lieu le 11 octobre 2018 à l’espace culturel Dieudonné à Ouagadougou.
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Des filles enceintes avant le mariage sont généralement mal vues dans la société africaine. Parfois chassées de la cour familiale au regard de certaines pesanteurs socioculturelles et rejetées par l’auteur de la grossesse, elles se retrouvent sans abri et sans ressources financières pour subvenir à leurs besoins. D’autres tentent le suicide et l’avortement. A Koudougou dans la région du Centre-Ouest, le père français, Maurice Oudet, de la congrégation des Pères blancs, venus au Burkina Faso en 1965, dans le cadre de sa mission sacerdotale, les accueille et leur redonne le sourire. Reportage !

Agathe Gildalya, habillée dans sa robe bleue, un chapeau de couleur rayée noir-blanc, est née le 15 février 2023 à Koudougou, dans la province du Boulkiemdé, la région du Centre-Ouest. Elle est tombée dans les bras de Morphée en cette matinée du vendredi 17 février 2023, sur les jambes de sa mère, Monique Nebié, assise sur un tabouret dans une maison deux chambres-salon, qu’elle partage avec six autres filles-mères. A l’angle, sont posés des sacs d’habits pêle-mêle. Trois autres filles font le tissage de Faso danfani sous un manguier. Monique, âgée de 23 ans est originaire de Sabou-Godin, localité située à une trentaine de kilomètres de Koudougou. En classe de 2nde, elle tombe enceinte et accouche d’un garçon, qui a aujourd’hui trois ans. Son amant assume ses responsabilités. Il l’inscrit dans un centre de couture à Koudougou. Sept mois après, la jeune fille fait la connaissance d’un professeur qui l’engrosse et nie la paternité. Monique est allée à l’encontre de ses coutumes. Ne pouvant plus adresser la parole à ses frères avec qui elle vit, elle est contrainte de quitter la cour et élit domicile à la place de la Nation de la ville de Koudougou. Elle y passe des nuits pendant un certain moment. Une de ses copines lui apporte quelques fois à manger. Monique est remarquée à deux reprises par un jeune homme. « Une nuit, l’idée d’avorter me taraude l’esprit. Ce jour, le jeune homme s’est approché de moi pour comprendre mon problème. Je suis restée bouche bée à toutes ses questions, jusqu’à ce qu’il me rassure qu’il veuille m’aider », raconte-t-elle, la gorge nouée, la tête baissée. Après lui avoir livré le récit de sa vie, le “bon samaritain’’ la conduit à l’action sociale, qui la dirige vers le père Maurice Oudet. « N’eût été ce dernier et le père Oudet, mon enfant n’allait jamais naitre et ce n’est pas sûr que moi-même je sois en vie », dit-elle timidement. Neïmata Zongo de Sabou, 20 ans, a “atterri’’ chez le père en juillet 2022, au 7e mois de sa grossesse. Elle vivait chez sa tante veuve, mais le séjour a été de courte durée, parce que la vieille peine à joindre les deux bouts. L’auteur de la grossesse voulait l’épouser, mais sa famille refuse parce qu’il y a une pomme de discorde entre les deux familles, dont les deux amoureux ignorent les raisons. L’amant qui vit actuellement au Mali n’a fait aucun signe de vie depuis que sa dulcinée a été chassée de la cour familiale. Le bébé de Neïmata a cinq mois et sa mère ignore les voies à suivre pour accéder à la cour paternelle. Comme ces deux filles, elles viennent de diverses localités (kokologho, salbisgho, Sabou, Ouagadougou, Koudougou, Manga…), à être accueillies par le “vieux’’ blanc. Père Maurice Oudet, âgée de 78 ans est un français de la congrégation des Pères blancs. Il est venu au Burkina Faso en 1965, dans le cadre de sa mission sacerdotale. Il a servi à Nouna dans la Boucle du Mouhoun à cette même période, comme jeune coopérant et s’occupait d’un centre professionnel, appelé à l’époque, le Centre de formation artisanal rural (CFAR), qui formait des maçons. En 1997, il dépose son baluchon à Koudougou, où il lance le Service d’édition en langue nationale (SEDELAN). Dans sa tenue traditionnelle, agrafée d’une médaille d’honneur des collectivités locales qu’il a reçue en décembre 2022, père Oudet, tout souriant, raconte comment est née cette idée d’héberger les filles. Il confie qu’au début, il aidait les veuves et les orphelines avec le soutien de Misereor, qui est une œuvre de l’Eglise catholique en Allemagne, chargée du développement. Il dit arrêter cette œuvre sociale, parce que beaucoup lui mentaient sur leur situation. « Il y a une orpheline qui est venue me voir un jour, me disant que sa copine de la classe de 4e était enceinte et sa maman l’avait accueillie. Quand elle a accouché, elle a été libérée le lendemain. Ne sachant pas où aller, elle a été conduite chez moi. Je l’ai hébergée, m’occuper d’elle et du bébé », relate-t-il. Après elle, c’est parti. De bouche à oreille, celles qui tombent enceintes et répudiées trouvent refuge chez le père Oudet. Toutes les filles lui rendent grâce, pour son hospitalité et son humanisme. « Nous avons quitté nos familles avec des larmes, mais le père Oudet nous a redonné le sourire, la joie d’accepter la grossesse et l’enfant qui va naitre », lance Clarisse Kaboré, ressortissante de Léo dans la province de la Sissili, la vingtaine bien sonnée. Elève en classe de 4e, Clarisse est issue d’une famille de huit enfants. Elle était brillante à l’école et son père l’aimait beaucoup. Cet amour paternel se rompt le jour où son géniteur apprend, que celle sur qui il avait espoir est enceinte d’un jeune fonctionnaire, qui refuse la grossesse. Pour sauver l’honneur de la famille, son papa lui conseille d’avorter clandestinement, parce que chez les “mossé’’, il n’est pas permis qu’une fille tombe enceinte hors mariage et rester sous le toit de son père. Elle refuse et se retrouve chez le père par l’intermédiaire d’une de ses amies. Pour le père, le fait d’accueillir les filles n’est pas une manière de les encourager, mais plutôt éviter qu’elles avortent, au risque de perdre leur vie. « Je suis pour la chasteté et l’avortement est un crime », soutient-il. C’est le refus de commettre ce crime, qui a dirigé Georgette Ilboudo, de Ouagadougou à Koudougou, le 19 février 2023, dans la cour où habite la dizaine de filles. Orpheline de mère depuis la naissance, le père de Georgette est porté disparu. Elle ne connait aucun membre de sa famille. Elle avait comme père adoptif, un pasteur. Cet “homme de Dieu’’, selon ses dires, la maltraitait et elle était obligée de le quitter. Pour subvenir à ses besoins, elle travaille de restaurant en restaurant, jusqu’au jour où elle tombe sous les charmes d’un jeune fonctionnaire, qui l’accueille chez lui. Les deux vécurent comme mari et femme pendant deux ans. Ensuite survient une grossesse. Son ami lui demande d’avorter, mais Georgette refuse d’obtempérer. « Une nuit, mon copain, dans ses ballades, est rentré vers minuit avec une bouteille de fanta. Chose qu’il n’a jamais faite. Il m’a réveillée et voulait me forcer à boire le contenu. J’ai senti que cette boisson était empoisonnée. Comme j’ai refusé de boire, il m’a chassée cette même nuit avec tous mes effets et j’ai dormi dehors, devant un ‘’maquis’’ », se remémore-t-elle.

Le cachet “Oudet’’ pour l’accès des produits

Le père confie qu’au début, lorsque les filles amènent leurs ordonnances, il leur donne l’argent pour qu’elles partent chercher les produits à la pharmacie, mais certaines, qui se croyaient plus malines, falsifiaient les prix en les augmentant. « Lorsque j’ai su qu’elles me jouaient ce sale tour, je ne leur donne plus l’argent. Je collabore maintenant avec une pharmacie de la place, où elles partent chercher les produits et je paie à chaque fin de mois », explique-t-il. Lors des pesées, si les sages-femmes leur donnent un examen d’échographie, ce papillon passe d’abord chez le père pour le cachet et la signature, avant que la fille ne se rende dans une clinique de la place pour l’échographie, avec une réduction de 2 000 F CFA. « C’est-à-dire 6 000 FCFA au lieu de 8 000 comme tarif normal. Le montant est payé mensuellement au nombre d’échographies fait », clarifie le père. Alizèta Camara, auxiliaire de pharmacie qui travaille dans la pharmacie où les filles ont accès aux produits, souligne que les patientes ont une fiche de couleur rose. « Lorsqu’elles viennent avec leur ordonnance, avec le cachet au compte de SEDELAN, nous leur servons le produit. Ce sont généralement le fer, les antibiotiques et antipaludéens », dit-elle. Si le produit manque, elles peuvent attendre ou prendre un équivalent. Les relevés sont faits mensuellement et le paiement se fait sur chèque. Mme Camara note qu’en
fin janvier 2023, le montant des produits s’élevait à
118 025 F CFA.

Intervenir pour que l’amour règne

Toutes les filles sont prises en charge par le Père blanc.
Leur alimentation, le suivi de la grossesse, leurs petits besoins (chaussures, coiffure, pommade…). Elles sont logées en équipe, dans des quartiers à Koudougou et le loyer est payé de 5 000 à 10 000 F CFA, par le père. Tout est planifié pour qu’elles ne restent pas seules, vu leur état. La cuisine est faite à tour de rôle. Elles reçoivent, pour celles qui vivent en groupe, 10.000 F CFA pour les condiments, plus du maïs. Elles disposent d’un carnet qui est surveillé par le père. Lorsque la dotation finit avant la date prévue, ce carnet lui est présenté, avant qu’elles n’aient accès à une autre dotation. Celles qui sont logées chez des tantes ou des grand-mères, en plus du maïs, elles ont droit à 3000 F CFA. Dans le magasin du père sont stockés des sacs de maïs. Mais il faut encore, de l’avis de la présidente de l’association “Promotion des mamans célibataires’’ (PROMACEL), Rasmata Sabine Ramdé, 70 sacs, pour pouvoir boucler l’année. Considérée comme une sœur, une tante, une mère pour ces filles, Mme Ramdé est au four et au moulin. Elle est souvent obligée d’intervenir pour que l’amour règne entre ces filles, en cas de mésentente. Son portable ne s’éteint jamais. Elle est debout à toute heure pour accompagner une fille pour l’accouchement et l’achat des médicaments. Elle confie que certaines filles qui arrivent, tombent dans la dépression et veulent se suicider, car ne voulant plus de la grossesse. C’est le cas de Brigitte Yaméogo, 18 ans, qui au départ, ne voulait pas de sa grossesse et était prête à ôter sa vie. Sabine affirme que d’autres ont à l’idée, de laisser leurs bébés et partir après accouchement. Face à cette situation, elle essaie de les consoler, en les invitant à prendre l’exemple sur la vie qu’elle a vécue, avant d’être la présidente de l’association PROMACEL. Mme Ramdé est également mère célibataire de jumeaux, qu’elle a eus avec un homme de nationalité étrangère. Ce dernier a refusé d’assumer ses responsabilités et Sabine ne sait d’ailleurs pas s’il est toujours en vie. Grâce au soutien moral et financier du père Oudet, sa grossesse et son accouchement se sont bien déroulés. Les enfants ont aujourd’hui 9 ans et font la classe de CE1. Ils portent toujours le nom de leur mère “Ramdé’’. Des tests d’ADN selon Sabine, ont été faits pour qu’ils prennent le nom de leur père et les papiers sont actuellement à la justice pour les formalités. La présidente épaule le père et ce dernier lui donne toute sa confiance. Avec l’ampleur des filles, le père collabore avec l’action sociale, puisque cette structure, qui ne dispose pas d’un centre d’accueil, lui envoie aussi des filles répudiées. Mme Ramdé affirme que c’est surtout les fêtes de fin d’année, que beaucoup de filles enceintes sont accueillies.
« Avant, les filles étaient reçues directement par le père. Mais de nos jours, après les avoir écoutées, elles sont dirigées vers l’action sociale pour écoute et enquêtes, puisqu’il y a des filles qui sont avec leurs maris et nous mentent qu’elles ont été chassées», déplore-t-elle. Grâce Zoma, 17 ans a été entendue par l’action sociale avant d’être acceptée chez le père, le 22 février 2023, à son 5e mois de grossesse. Nous l’avons rencontrée, jeudi 23 février dans la cour de ses co-chambrières. Orpheline de père et de mère, elle a refusé l’avortement comme l’a souhaité son partenaire, parce qu’elle dit ne pas savoir si c’est l’unique enfant que Dieu lui donnera. Elle a été à l’action sociale avec Sabine et la direction lui a remis un papier pour la gendarmerie, afin qu’elle appelle son amant. Malheureusement, ce dernier reste injoignable sur tous ses numéros.
La plupart des filles enceintes ont refusé l’utilisation des méthodes contraceptives. Certaines se sont laissées berner par leurs partenaires, qui les ont rassurées qu’ils voulussent un enfant, donc pas de protection.

Les méthodes contraceptives à tout prix !

Informés plus tard qu’une grossesse est survenue, ils ont fui. Monique Nebié qui a refusé les méthodes contraceptives depuis sa 1re grossesse regrette de ne s’être pas protégée pour éviter la venue du 2e enfant. Caressant la joue de son nouveau-né, elle confie que lorsqu’elle retournera une semaine au CSPS pour son contrôle, elle optera rapidement pour les injectables. « J’ai maintenant deux enfants hors mariage et je n’accoucherai plus, si ce n’est avec l’homme qui viendra demander ma main », jure-
t-elle. Clarisse Kaboré, avoue que son compagnon n’était pas d’accord pour les contraceptifs. Certaines filles notent que leurs mères leur ont conseillé l’abstinence, parce que les méthodes contraceptives selon elles, ont des conséquences pour une fille qui n’a jamais accouché. Celine Bayala, 20 ans de la classe de 1re, enceinte de sept mois, affirme qu’elle a connu son monsieur à seulement un mois de relation. Bien que le cours de planning familial lui soit enseigné à l’école, elle opte pour l’abstinence sexuelle, qui malheureusement a échoué.
« Après mon accouchement, je choisirai les injectables comme contraceptif et je serai la première personne à sensibiliser mes camarades », envisage-t-elle. Le CSPS du secteur 8 de Koudougou est l’un des centres de santé
où sont dirigées les “filles’’
du père Oudet pour leur accouchement. La sage-femme, Sita Ouali, souligne qu’elles bénéficient de la gratuité, comme toute femme enceinte, ainsi que les enfants de 0 à 5 ans. « Au cas où les produits ne sont pas disponibles au niveau du dépôt, elles sont obligées d’aller dans les officines à leurs frais », explique-t-elle. Mme Ouali révèle qu’après l’accouchement, avant que la fille ne quitte la formation sanitaire, elle est sensibilisée à l’utilisation des méthodes contraceptives de son choix.
« Malheureusement, beaucoup partent et ne reviennent plus », regrette-t-elle.
Georgette Ilboudo avait opté pour les « implants » après son 1er accouchement à l’âge de 18 ans. « Mon partenaire n’a jamais su que j’étais sous contraception. Comme il me ‘’chantait’’ tous les jours qu’il voulait un enfant, j’ai retiré la méthode et maintenant, il refuse la grossesse.
Après l’accouchement, ce sera encore les “implants’’ à tout prix », soutient-elle. La présidente de l’association PROMACEL qui est contre l’utilisation des méthodes contraceptives s’abstient de donner des conseils aux filles sur la pratique, car pour elle, la méthode la plus efficace est l’abstinence.

Accomplir le travail d’une entité morale

Les premières filles, dont l’âge compris entre 17 et 27 ans, ont été reçues par le père entre 2013-2014. Le « vieux blanc » accueille par an, environ une cinquantaine de filles. Aujourd’hui, environ 200 enfants sont nés de ces filles, grâce à son accompagnement moral et financier. Pour lui, recevoir des filles en détresse au départ, qui retrouvent la joie et le sourire après l’accouchement en lui présentant leurs bébés, est très touchant. « C’est comme s’il s’agissait de leur redonner l’espoir de vivre et de devenir des femmes de demain », s’enthousiasme-t-il.
Son souhait est d’acquérir un terrain et construire un centre, où seront logées toutes les filles, avec une personne à leurs petits soins. Père Oudet ne reçoit aucun soutien financier de l’Etat. Il ne compte que sur ses partenaires. « Je pense qu’il n’est pas normal d’avoir une aide venant de l’extérieur, pour accompagner nos propres filles. Cela me fait très mal », déplore-t-il. L’action sociale lui envoie aussi des filles en détresse, mais jamais d’aide alimentaire. « J’ai fait comprendre aux responsables de l’action sociale que nous allons arrêter de recevoir les filles, parce qu’elle ne nous soutient pas », prévient la présidente de l’association PROMACEL, toute remontée. Le directeur provincial en charge du genre et de la famille, Moïse Bado, dit reconnaitre les efforts du père. L’idéal aurait voulu à l’entendre, qu’un agent de l’action sociale puisse faire la liaison entre le centre ou le lieu d’hébergement de la fille, sa famille d’origine et d’autres acteurs, mais les moyens financiers de sa direction font défaut. « Père Oudet, bien qu’il soit vieux, il nous enlève l’épine du pied. Si jamais il arrête de recevoir les filles, nous sommes “morts’’, parce qu’il est en train d’accomplir le travail d’une structure, d’une entité morale », avoue-t-il. Quant à l’assistance alimentaire, M. Bado souligne qu’avec la situation sécuritaire, les vivres reçus par la direction sont plus orientés vers les Personnes déplacées internes (PDI). Il rassure qu’à l’avenir, des dispositions seront prises pour que ces filles soient soutenues.

Le « Sè-yonkré » ou le pardon

Six mois après l’accouchement, la prise en charge prend fin pour l’enfant et la mère. Les filles qui souhaitent apprendre un métier sont orientées vers des centres de couture et de tissage. Elles ont aussi le choix de retourner dans leur famille après que le pardon ou le « sè-yonkré » en mooré, ait été accepté, si toutefois les démarches sont bien suivies. Certaines reviennent pour le tissage et leurs enfants finissent par être encore pris en charge par le père. Le séjour de Clarisse Kaboré est à son terme. Elle est partie voir le père Oudet pour son transport et lui demander de plaider auprès de leur catéchiste du village, afin qu’il la guide pour les démarches de pardon. Monique Nebié, mère pour la 2e fois, est soucieuse. Le père de son premier enfant, celui-là même qui l’a inscrite pour la couture n’a aucune information sur sa nouvelle vie. « Je ne sais pas s’il faut lui dire toute la vérité ou garder le silence. Mais si j’arrive à avoir accès à la cour à travers le pardon, je verrai avec les neveux comment lui annoncer la nouvelle », marmonne-t-elle. Devant le bureau du père, des filles enceintes et des filles-mères, avec des bébés de tous âges, assises sur un long banc, attendent impatiemment. Des ordonnances et des carnets de santé en main, chacune veut lui expliquer la raison de sa venue, avant l’heure de la fermeture. La façon de travailler du père c’est : « Voir, comprendre, aimer et agir ». Toutes les filles ont un accès facile chez le “blanc’’, sans protocole. Il est à leur écoute et reste disponible pour résoudre leurs problèmes. Si la majorité des filles chassées trouvent refuge chez le père Maurice Oudet, celui-ci estime que les coutumes sont humaines et elles peuvent être allégées ou disparaitre, pour que la fille ne soit plus mise à la porte. Les coutumes diffèrent selon les ethnies certes, mais chez les mossé, les chefs coutumiers restent fermes. Pour eux, ce que les ancêtres leurs ont légués ne peut être modifié. De l’avis du Naba Glgêmde de Kolgrogogo, il sera très difficile que cette pratique puisse être allégée ou disparaitre un jour. « Le fait de chasser la fille lorsqu’elle tombe enceinte est une pratique ancestrale reconnue et nous suivons aussi les pas de nos ancêtres », soutient-il. Le Naba rejette cette idée des hommes, qui dit que le monde change. « C’est plutôt notre mentalité qui change. Il faut enseigner aux enfants les interdits dans leur famille,
afin qu’ils adoptent des comportements responsables », conseille-t-il. Le prince à la cour royale de Lalle à Koudougou, Guy Armand Kaboré, est optimiste quant à l’allègement des coutumes. Il trouve qu’elles sont même déjà allégées, du moment que la fille n’est plus totalement abandonnée comme de par le passé. « Avec les sensibilisations, les familles ont compris que la faute commise n’incombe pas seulement à la fille, mais aussi au garçon qui a commis l’acte. Raison pour laquelle la fille est souvent amenée chez la tante ou la sœur, jusqu’à l’accouchement, avant que des démarches ne soient entreprises pour qu’elle réintègre la famille », confie-t-il. Il pense que les coutumiers vont savoir raison gardée, car la fille est un être humain avec toutes ses qualités et ses défauts, ses forces et ses faiblesses.

Afsétou SAWADOGO
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