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Centre national d’appel : « Ma crainte est que les terroristes peuvent envoyer de faux messages sans traces » Wendpouiré Charles Sawadogo

Publié le mardi 18 avril 2023  |  Libre Info
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© Autre presse par DR
Lutte contre le terrorisme au Centre-Nord :Le gouverneur rappelle des mesures en vigueur
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Au Burkina Faso, depuis l’avènement du terrorisme, il y a des nouvelles formes de communication qui se sont développées. Entre autres, les lanceurs d’alertes et activistes qui publient régulièrement des informations en relation avec les attaques terroristes et les actions des forces armées. Pour canaliser les alertes, les autorités ont créé un Centre national d’appel. Dans cet entretien, le lanceur d’alertes Wendpouiré Charles Sawadogo soutient que la mise en place du centre n’est pas mauvaise ; mais l’approche des autorités vis à vis de sa personne ressemble plus à une intimidation qu’à une demande de collaboration. Dans un entretien en ligne accordé à Libreinfo.net, il donne sa lecture.

Li : Comment se porte Wendpouiré Charles Sawadogo ?

Wendpouiré Charles Sawadogo : Je me porte très bien physiquement et j’ai un mental en acier. A l’état civil, je porte le même nom, c’est-à-dire Wendpouiré Charles Sawadogo.

Li : Comment vous définissez-vous ?

Wendpouiré Charles Sawadogo : Entre lanceur d’alertes et activiste, je préfère qu’on me considère comme « lanceur d’alertes ».

Li : Comment êtes-vous arrivé à cette activité ?

Wendpouiré Charles Sawadogo : Lancer des alertes, ce n’est pas un travail, mais juste un passe-temps, tout en étant utile à sa nation comme ces personnes qui font des analyses, de la sensibilisation, du social, …

Pour la petite histoire, le 2 mai 2011, j’ai appris, via les médias, que Oussama Ben Laden était mort. Et par la même occasion, j’ai appris qu’il était le fils d’un milliardaire.

Comment un fils de milliardaire pourrait-il quitter le luxe et les villas pour aller vivre dans des grottes ? C’est à partir de ce moment que j’ai voulu comprendre l’univers des terroristes.

A cela s’ajoute le fait que je suis un technophile. J’ai donc commencé à utiliser internet à la même période.

En 2014, nous avons tous assisté à l’insurrection et nous avons vu le rôle que les réseaux sociaux y ont joué.

Dès ces moments, j’ai compris que les réseaux sociaux joueront un rôle important dans l’avenir. En 2018, les attaques terroristes ont commencé à s’étendre un peu partout dans le pays.

Je me suis donc dit : « Pourquoi ne pas utiliser les réseaux sociaux pour aider mon pays ? ». Mais, à vrai dire, je ne m’attendais pas à une aventure pareille. Je ne m’attendais pas à être aussi connu.

Li : Combien d’alertes recevez-vous par jour ?

Wendpouiré Charles Sawadogo : Avec le temps et l’évolution, la confiance s’est installée avec plusieurs personnes. En moyenne, je reçois une dizaine d’alertes par jour et j’écris en moyenne une centaine de messages/jour sur Facebook, WhatsApp, Télégramme, Twitter, Signal,…

Li : Avez-vous des représentants locaux ? ou ce sont les combattants FDS, VDP et Koglweogo qui vous envoient les informations du front ?

Wendpouiré Charles Sawadogo : Je préfère vous revenir sur cela après la guerre et je sais qu’elle sera une histoire bientôt.

Li : Vous semblez avoir des informations sur tout ce qui se passe sur le territoire national, surtout liées à la situation sécuritaire. Est-ce que vous analysez les informations que vous recevez avant publication ?

Wendpouiré Charles Sawadogo : Avec l’expérience, les alertes ont beaucoup évolué dans le temps. Je ne saurai expliquer ni comment nous trions les informations reçues ni comment nous les recevons, mais toujours est-il qu’il y a un tri.

Avant de poster une alerte, nous mesurons la portée du message. Si elle peut être bénéfique pour la population. Et la perception des alertes varie en fonction du lieu d’habitation.

Celui qui est voyageur, ce qui est le cas de plusieurs Burkinabès trouvera les alertes bénéfiques parce que cela lui permet de prendre les mesures nécessaires. J’en ai assez reçu de témoignage.

C’est pareil pour celui qui est dans une zone rouge, ça lui permet de prendre les mesures nécessaires. Par contre celui qui est dans un lieu très sécurisé trouve que ce n’est pas bénéfique.

Certains même parle que c’est inutile et cela je ne peux pas les en vouloir. Je vous raconte une anecdote : j’ai un aîné maire d’une commune. On ne s’entendait jamais sur les alertes.

Mais un jour, en cours de voyage, alors qu’il fonçait tout droit sur les terroristes, l’alerte lui a sauvé. Et il m’a témoigné sa reconnaissance de manière responsable.

Li : Est-ce qu’il vous arrive de recevoir des menaces, après certaines publications ?

Wendpouiré Charles Sawadogo : Pour ce qui concerne les menaces, je n’ai jamais reçu de menaces venant d’une autorité, mais des intimidations, oui.

C’est au niveau des réseaux sociaux que certaines personnes qui ne peuvent pas s’afficher corrompent des désœuvrés avec des mégas pour qu’ils me vilipendent.

Comme tous les pouvoirs sont éphémères, ces gens viennent demander pardon après que leurs protecteurs aient perdu le pouvoir ou ne sont plus aux commandes du pays.

Li : Les autorités viennent de lancer un Centre National d’Appels et demandent aux activistes et lanceurs d’alertes de passer désormais par ce canal pour diffuser leurs alertes et autres informations. Comment appréciez-vous cette innovation ?

Wendpouiré Charles Sawadogo : Le centre en lui-même n’est pas mauvais. Avant tout, la population doit aussi participer à sa manière.

Ceux qui ont mis en place ce système sont des experts en la matière. Mais, ma crainte est que les terroristes peuvent utiliser ces mêmes numéros sur WhatsApp pour envoyer des faux messages sans traces.

Il y a plusieurs manières de se procurer des numéros fictifs dans des pays étrangers. A partir de ces moments, tracer devient compliqué.

L’initiative en elle-même est bonne et je pense que les expériences corrigeront les failles. Je me demandais si c’était important d’ajouter un autre numéro d’appel le 199 dans la mesure où le 1010 était déjà là ?

Quant à la demande aux lanceurs d’alertes et activistes d’accompagner l’innovation, je trouve que l’approche vis à vis de ma personne n’a pas été bonne.

Je ne peux pas parler pour d’autres personnes mais en ce qui me concerne, les autorités n’ont pas eu, selon ma vision, une bonne approche avant la divulgation du CNA.

L’approche à mon égard ressemblait plus à une intimidation qu’à une collaboration. Avant tout, j’estime que c’est le devoir de chaque citoyen de contribuer.

J’estime aussi que lorsque les autorités trouvent qu’une personne a du potentiel, elles peuvent l’exploiter en ayant une bonne approche.

Li : La direction de la communication a prévenu que ceux qui ne respecteront pas les mesures mises en place pourraient subir le coup de la loi. Quel est votre commentaire ?

Wendpouiré Charles Sawadogo : C’est une suite logique à ce que j’ai dit plus haut mais ici c’est de manière plus générale. L’autorité aurait dû en même temps rappeler la loi qui interdit les alertes si elle existe.

Li : Quel regard portez-vous sur la situation sécuritaire ?

Wendpouiré Charles Sawadogo : Il ne faut pas se voiler la face, quand il s’agit des questions d’existence. La situation sécuritaire est extrêmement difficile.

Nous avons un jeune président qui a la rage du combat, la volonté de vaincre. Mais la situation reste toujours préoccupante. Il y a des acquis et des insuffisances.

Il y a des localités dont l’administration était inexistante qui ont des administrations maintenant, à l’exemple de Solenzo et il y a des localités perdues dont l’administration existait et n’existe plus actuellement.

La dernière commune perdue est Sindo dans le Kénédougou. Il y a des déplacements massifs de villages et les chiffres du CONASUR (Conseil national de secours d’urgence) témoignent de la gravité du déplacement de la population.

L’autre chose qui peut compliquer la tâche du président, ce sont les comportements de certains supporters qui se caractérisent par les insultes, les menaces, les intimidations, envers les autres qui expriment leurs opinions.

Nous sommes en guerre depuis 8 ans et ce sont des actions qui ne sont pas de nature à aider le pouvoir. Ces injures et ces menaces ne sont pas rassembleuses, peuvent dégénérer un jour et créer d’autres problèmes inattendus.

Mais, j’estime que les intéressés reviendront à la raison pour qu’on puisse ensemble construire le pays dans la tolérance, la pluralité des opinions, la diversité des cultures et l’acceptation de l’autre.
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