Le 30 mars 2023, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire – Rassemblement démocratique africain (PDCI-RDA) tient son septième congrès extraordinaire. Un congrès qui se tient dans un contexte où le parti est secoué depuis quelques années, par des défections en cascades de cadres et pas des moindres, à l’image de Patrich Achi, actuel Premier ministre, Jeannot Ahoussou-Kouadio, président du Sénat et plus récemment Basile Gouali Dodo, ancien député et Narcisse N’Dri, ancien porte-parole de Bédié, pour ne citer que ceux-là. Signes d’un malaise au sein du parti de l’Eléphant qui semble vivre une crise de…vieillesse en lien avec la personnalité du président Henri Konan Bédié, l’octogénaire et inamovible président du parti qui se pose en personnage incontournable depuis des décennies. Pourtant, ils sont nombreux les jeunes loups du parti aux dents longues, qui attendent que le Sphinx de Daoukro cesse de faire ombrage à leurs ambitions pour afficher leurs intentions. Les plus impatients ont fini par se jeter à l’eau, à l’instar d’un Kouadio Konan Bertin dit KKB qui n’a pas craint, en 2020, de bousculer les habitudes au sein du parti pour se porter candidat à la présidentielle de la même année, au grand dam de Bédié qui a dû le sanctionner, ou encore d’un Jean Louis Billon qui a déjà clairement affiché ses intentions pour la présidentielle de 2025.
Ce ne sont pas les ambitions qui manquent au sein du parti de l’Eléphant
La question qui se pose est de savoir si, dans la perspective de la présidentielle à venir, Henri Konan Bédié se décidera à s’effacer au profit d’une autre personnalité pour porter la candidature du parti. Ou s’il se présentera, une fois de plus, en candidat naturel du PDCI-RDA. La question est d’autant plus fondée que les enjeux sont importants pour le plus vieux parti de Côte d’Ivoire, qui semble aujourd’hui à un tournant décisif de son histoire. Et tout porte à croire qu’avec la tenue des différentes instances préparatoires aux échéances électorales à venir, l’objectif est de ressouder les liens au sein du parti par un recentrage autour d’un noyau dur. Mais les risques d’implosion ne sont pas à écarter. Car, ce ne sont pas les ambitions qui manquent au sein du parti de l’Eléphant. Ce d’autant que malgré les tumultes et les secousses de son navire, on ne voit, chez le président Bédié, aucun signe d’une volonté de changer de cap encore moins de passer le témoin. Au contraire, en se cramponnant au gouvernail de toutes ses forces, on a l’impression que le très bientôt nonagénaire commandant de bord du PDCI-RDA veut confondre son histoire personnelle avec celle d’un parti qu’il n’a pourtant pas créé. Mais jusqu’à quand les jeunes cadres du parti accepteront-ils de continuer à ronger leurs freins en attendant que l’ancien président de la République soit habité par la sagesse de faire le deuil de ses nouvelles ambitions pour penser au parti et leur faire la place qu’ils sont nombreux à penser qu’ils méritent ? Le fait est qu’en se maintenant aux commandes du parti et en restant aux affaires, Bédié fait non seulement, volontairement ou involontairement, obstacle à certaines ambitions, mais il est aussi en train d’hypothéquer les chances de son parti, de reconquérir le pouvoir d’Etat.
Le risque est grand, de voir la saignée des cadres se poursuivre au PDCI
Car, il n’y a pas de doute qu’après avoir perdu le pouvoir dans les conditions que l’on sait, le parti fondé par Félix Houphouët Boigny, n’a jamais abandonné l’ambition de présider un jour à nouveau, aux destinées des Ivoiriens. Mais tout porte à croire qu’avec N’Zueba comme porte-étendard, ce serait très difficile. Car, en dehors de sa légendaire rivalité avec le président Alassane Dramane Ouattara (ADO) dont le RHDP (Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix) a déjà happé nombre de ses cadres, et l’ex-président Laurent Gbagbo en quête d’une véritable renaissance politique avec son nouveau parti, le PPA-CI (Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire), à 88 ans, qu’est-ce que Henri Konan Bédié a à proposer aujourd’hui à la Côte d’Ivoire en général et au PDCI-RDA en particulier, qu’il n’ait déjà fait ? C’est dire s’il est temps, pour le président Bédié, de changer de paradigme en songeant à faire encore plus de place à la jeune génération au sein de son parti. Autrement, il continuera de donner l’impression de placer ses intérêts personnels au-dessus de ceux du parti. Cela n’est pas à son honneur. Tout comme il n’est pas à son honneur de se faire régulièrement chahuter par des jeunes de son parti, qui n’ont pas forcément envie de créer le désordre, mais qui seraient, pour ainsi dire, obligés d’afficher leurs ambitions au risque de créer des vagues. En tout état de cause, si Bédié ne se décide pas à temps à lâcher du lest, le risque est grand, de voir la saignée des cadres se poursuivre au PDCI qui perdrait au change si, las de ne pouvoir changer les choses, certains devaient succomber à la tentation d’aller voir ailleurs. C’est tout le risque de la tenue de ces instances statutaires qui pourraient être la chronique d’une implosion annoncée.