Mme Apolline Traoré est une cinéaste et productrice burkinabè, présente depuis quelques éditions, de façon constante, au FESPACO, le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou. Elle est née à Ouagadougou au Burkina Faso en 1976. Elle prend part à cette 28ᵉ édition du FESPACO et fait partie des cinéastes qui sont à la quête de l’Etalon d’Or avec son film long métrage de fiction « Sira ». Portrait de cette jeune cinéaste, porteuse des espérances du pays hôte de cette biennale du cinéma africain.
Par Valérie Traoré
Elle représente l’espoir de son pays à cette 28e édition du FESPACO. gée de 47ans, Mme Apolline Traoré est cinéaste et productrice burkinabè.
Elle va tenter de remporter le troisième Etalon d’Or de Yennenga de son pays après ceux d’Idrissa Ouédraogo en 1991 et de Gaston Kaboré en 1997.
Son histoire pour le cinéma débute depuis son jeune âge, après des études dans le domaine de l’art et de la communication.
En effet, tout commence grâce à son père, diplomate de profession, qui lui permet de parcourir le monde, au gré des postes qu’il occupe à l’étranger.
C’est au cours de ces voyages professionnels que la famille dépose un jour ses valises aux États-Unis.
À 17 ans alors, Apolline Traoré fait des études à l’Emerson College de Boston, un établissement réputé dans les domaines de l’art et de la communication. Elle y décroche une licence en Art Média en 1998.
À l’issue de cette formation, elle s’essaie dans la production de films. De 1998 à 2001, elle travaille à Los Angeles (Etats-Unis) dans le cinéma.
Elle réalise ainsi plusieurs courts métrages dans les années 2000, notamment « The Price of Ignorance » ou le Prix de l’ignorance. Ce film porte sur la victime d’un viol à Boston, aux États-Unis.
Ensuite ce sera « Kounandi » qui signifie « la personne qui porte chance » en 2003 qui raconte l’histoire d’une naine rejetée de tous.
Cette création est sélectionnée pour le Festival international du film de Toronto en 2004.
La même année 2004, elle produit son premier long métrage titré « Sous la clarté de la lune ».
En 2005, Mme Traoré rentre au pays et y poursuit ses activités dans le 7e art. Elle collaborera avec Idrissa Ouédraogo, premier Burkinabè à obtenir l’Étalon d’Or de Yennenga au FESPACO en 1991.
En 2008, elle réalise une série télévisée « le Testament » bien appréciée par les cinéphiles nationaux et internationaux.
La cinéaste a, à son actif, 5 longs métrages qui vont la révéler au-delà du Burkina Faso.
« Moi Zaphira » en 2013, « Frontières » en 2018, un film récompensé par trois prix (Prix CEDEAO du meilleur film ouest-africain sur l’intégration, Prix Félix Houphouët-Boigny et Prix Paul Robeson).
En 2019, la productrice présente « Desrances », son 4e long métrage, au FESPACO et obtient le Prix du meilleur décor.
Outre le FESPACO, ce film a reçu plusieurs autres prix et distinctions à l’international.
En décembre 2019, « Desrances » a été primé trois fois au Festival international de Kerala en Inde.
Et toujours la même année 2019, ce 4e long-métrage est distingué par trois prix aux Sotigui Awards : Sotigui du Meilleur plus jeune acteur africain 2019 avec Nemlin Jemima Naomi, le Sotigui du Meilleur acteur du cinéma africain de la diaspora et le Sotigui d’Or 2019 qui sont revenus à l’acteur haïtien Jimmy Jean-Louis.
Au Bénin, le film a remporté le grand Prix Buste d’Or Paulin Soumanou Vieyra en 2019 lors des Rencontres cinématographiques et numériques de Cotonou (Recico).
En 2020, au Nigéria, « Desrances » a été nominé dans 10 catégories à la 16e édition des African Movie Academy Award AMAA 2020 au cours duquel l’acteur principal, Jimmy Jean-Louis, à été de nouveau distingué Meilleur acteur.
Pour la 28e édition du FESPACO, Mme Apolline Traoré présente sa dernière production, « Sira ».
Ce long métrage est également déjà sélectionné pour la Berlinale 2023, le Festival de film de Berlin en Allemagne, soit 30 ans après le film « Samba Traoré » de Idrissa Ouédraogo.
Comme dans la réalisation de tout film, les difficultés n’ont pas manqué dans celui-ci. Le tournage de « Sira » a rencontré des défis selon sa productrice Mme Traoré.
« Sira » est un film qui évoque ce que le Burkina Faso vit actuellement, le terrorisme, la lutte des populations pour y faire face.
La cinéaste a tenu à mettre en avant la manière dont les femmes combattent ce fléau.
Plusieurs questionnements lui ont permis d’aboutir à cette œuvre que les cinéphiles découvriront bientôt dans les salles de projection.
Pour elle, quand on parle de terrorisme, on met en avant l’armée, les hommes, mais que deviennent les femmes ? Qu’est-ce que les femmes font ?
Les conditions de tournage du film « Sira »
Les conditions de tournage ont été extrêmement difficiles selon Mme Apolline Traoré dans un entretien accordé à la presse.
« Je dirais que c’est le film le plus difficile de ma carrière. Il y a quelques années, un an et demi plus précisément, le film devrait se faire ici au Burkina.
Il était important pour moi de le faire au Burkina. Nous sommes partis il y a deux ans, aux alentours de Dori, mais on n’a pas pu se rendre à Essakane ; parce que c’était vraiment à Essakane que je voulais tourner le film» a-t-elle raconté.
Le contexte sécuritaire difficile aura raison de ce choix initial. En effet, le lieu était interdit d’accès ; mais la réalisatrice, tout de même, a pu faire des repérages à Dori et aux alentours ; évidemment sous escorte de l’armée ; le personnel de la localité, notamment les membres de la mairie de Dori et des habitants ont pu être contactés pour les besoins du tournage.
Pour Mme Traoré, il était important de tourner le film au Burkina car l’histoire relaté dans le film est une histoire burkinabè et vécu au Burkina.
Malheureusement, juste après les repérages, il y a eu le drame meurtrier de Solhan où un massacre de plus de 160 personnes dont une vingtaine d’enfants, a été perpétré par les terroristes au mois de juin 2021.
Les autorités n’étaient plus favorables à ce que toute l’équipe de tournage (environ 60 à 80 personnes) se rende dans le Sahel.
L’armée ne pouvait pas assurer pendant trois mois la protection de l’équipe alors qu’elle devait faire face à d’autres contraintes sur le terrain.
Heureusement pour la cinéaste, le film pourra être finalement tourné en Mauritanie, dans une zone présentant un décor similaire à celui du Sahel burkinabè. Il faudra, avec ce changement de pays, faire face à d’autres difficultés (administratives, financières,…) qui seront surmontées avec la compréhension et le soutien de toute l’équipe.
Le message du film « Sira » est un message de résilience, de combat tout en mettant en avant la contribution des femmes à cette guerre.
Selon la cinéaste, il s’agissait de montrer que » voilà ce que nous vivons, mais nous tenons debout ; nous nous battons et nous nous battrons le plus longtemps possible pour que ça s’arrête. »
« Sira », le 5e long-métrage de Apolline Traoré est un film sur lequel elle fonde l’espoir d’inscrire son nom parmi ceux des grands réalisateurs du continent africain.
Et, pourquoi pas, d’être la première femme à brandir l’Etalon d’Or de Yennenga ?