Le procès de l’accident survenu à l’aéroport de Donsin en décembre 2022 s’est poursuivi le 24 février 2023 au Tribunal de grande instance de Ziniaré. À la barre, les responsables des entreprises chargées du contrôle du chantier ont plaidé non coupables. Il ressort des débats que les contrôleurs commis à cette tâche étaient absents pendant le coulage du béton.
Par Daouda Kiekieta
Ce sont deux cabinets de contrôle et des surveillance qui avaient été recrutés par la Maîtrise d’ouvrage de l’aéroport de Donsin pour assurer un contrôle permanent de la qualité du chantier. Il s’agit du groupement d’entreprises MEMO Sarl/Excell Ingénierie. Leurs responsables ont comparu ce 24 février au tribunal de grande instance de Ziniaré.
Lors de l’interrogatoire devant le tribunal, il ressort que les deux contrôleurs permanents désignés par les cabinets de suivi-contrôle pour superviser les normes de qualité des travaux, se sont absentés pendant le coulage du béton de la dalle qui s’est effondrée par la suite.
À la question du tribunal de savoir où étaient passés ces contrôleurs, M. Brahima Abraham Tou, responsable de MEMO répond : « L’un était allé manger et l’autre était allé déposer quelqu’un. ».
« S’ils étaient là, cela n’aurait-il pas changé quelque chose (à la situation ndlr)» interroge le juge. «Non.» répond M. Tou.
De plus, les deux prévenus (M. Brahima Tou et Thierry Ouattara) sont accusés d’avoir autorisé le coulage du béton sans s’assurer de la stabilité du système d’étayage qui devrait soutenir la dalle en construction.
Dans ce cas de figure, ce sont leurs contrôleurs qui devraient notamment s’assurer que les écarts et la hauteur des étais sont respectés par les ouvriers.
La dalle qui devrait être coulée s’étale sur 442 m2, 9,8 m de hauteur et devrait recevoir 190m3 de béton, selon M. Brahima Tou.
Son effondrement avait coûté la vie à 7 personnes et blessé 6 autres personnes le 30 décembre 2022.
Il est également reproché aux prévenus de ne s’être pas assuré de la qualité des étais.
«N’est-ce pas vous qui devriez vous assurer de la qualité des étais ? », a demandé le procureur. Et M. Tou de répondre : « Non, c’est le groupement d’entreprises GESEB/COGEA International. Parce que ce sont ces entreprises qui achètent les étais ».
Cette réponse ne semble pas convenir au procureur, qui rappelle en ces termes : « l’État vous a confié un travail pour lequel il n’attend que des résultats. Il vous appartient de veiller au respect de l’ensemble des procédures qui entre dans la bonne exécution du travail.»
L’autre aspect qui pourrait expliquer l’effondrement de la dalle est l’absence d’un laboratoire pour faire des analyses contradictoires. En effet, la convention qui lie MEMO/Excell Ingénierie à la MOAD exige que ce groupement d’entreprises de contrôle recrute un laboratoire.
Mais depuis août 2022, ce dernier a mis fin au contrat qui le liait avec le Laboratoire national des bâtiments et travaux publics (LNBTP) qui faisait des prélèvements d’analyse.
Selon le chef de file du groupement, M. Brahima Tou, cet acte a été motivé par des difficultés financières.
« Nous avons fait ce choix (mettre fin au contrôle du LNBTP) pour permettre à GESEB/COGEA de poursuivre les travaux et de permettre à l’État d’avoir l’ouvrage dans les délais. » explique M. Tou.
«Donc, vous avez fait de la jonglerie (caracoler)?» demande le procureur. «Non, M. le procureur. ».
Le procureur poursuit en précisant que : « On vous appelle un contrôle à pied d’œuvre. Ce n’est pas un contrôle à posteriori. Votre contrôle n’est pas régulier. Si (à un moment) vous ne pouvez pas, vous laissez. Vous avez voulu jongler et ça n’a pas marché. »
Sur cette question de difficulté financière qui aurait justifié l’abandon du contrôle du LNBTP, l’Agent judiciaire de l’Etat a révélé que le taux d’exécution de l’enveloppe budgétaire du groupement est à 45% contre un taux d’exécution des travaux inférieur à ce chiffre. Comme pour dire que les arguments avancés par M. Tou ne sont pas fondés.
M. Brahima Tou, chef de file des responsables du groupement d’entreprises de contrôle et M. Thierry Ouattara sont poursuivis pour des faits d’« homicides involontaires, de blessures involontaires contraventionnelles et délictuelles».
Tout comme eux, leurs entreprises MEMO Sarl et Excell Ingénierie sont également poursuivies pour les mêmes faits.