C’est une affaire qui fait surface plus de deux ans après son déroulé et qui met en cause le gouvernement burkinabè de l’époque. Selon une enquête réalisée par un consortium de journalistes d’investigation Forbidden Stories, courant 2020, le Burkina Faso a fait appel au service d’une société israélienne en vue de mener une campagne de désinformation et de dénigrement contre le Comité international de la Croix-Rouge jugé trop critique vis-à-vis des autorités burkinabè dans la lutte contre le terrorisme. Ce pan de l’enquête qui a mobilisé une trentaine de journalistes, pointe du doigt l’opération de manipulation élaborée , conçue et opérée par la société israélienne Percepto avec le soutien de services de sécurité du Burkina Faso.
Dans un premier temps, c’est le statut des acteurs qui retient l’attention du consortium. Ensuite, les vecteurs de propagation de cette information (réseaux sociaux et médias dont l’hebdomadaire français Valeurs actuelles) montée de toute pièce en vue de lui donner un écho particulier et une amplification. Selon les enquêteurs, la tribune mettait en cause une vieille pratique des zones de conflit, celle qui consiste à négocier des saufs –conduits avec les combattants terroristes afin de bien mener les opérations humanitaires sur le terrain. Cette supposée complicité du CICR avec les groupes armés terroristes a également été reprise par certains médias, rendant ladite tribune virale.
L’autre pan de cette révélation qui dérange, c’est le lien qui existerait entre Samuel Sellem, un conseiller de nationalité israélienne du chef de l’Etat de l’époque Roch Marc Christian Kaboré et la société Percepto. Pour Emmanuel Dupuy qui s’est confié à l’AFP, le thème de cette tribune lui a même été suggéré par ce conseiller du président. Même si l’organisation ne dément pas ses contacts avec les belligérants, elle précise toutefois, que cela se fait pour un besoin humanitaire.
Pas de doute donc, le CICR a fait l’objet d’une campagne de désinformation conduite par la société Percepto et orchestrée par les autorités, qui lui a valu des quolibets et les volées de bois verts de la part de nombre d’internautes et d’observateurs. Comme signe du succès de cette opération, le contenu de cette Tribune avait contraint le patron du CICR a effectué un déplacement d’urgence à Ouagadougou pour s’expliquer auprès des autorités burkinabè et de l’opinion. Dans le fond, on pourrait penser que l’objectif final de cette campagne était de jeter le discrédit sur l’organisation dont les rapports issus d’informations recueillies sur le terrain accablent très souvent les autorités.
Cette enquête dénommée Killers Stories qui a également concerné plusieurs autres pays remet au goût du jour la pratique du journalisme sensible et la lancinante question du traitement de l’information en période de conflit. Elle repose avec acuité la nécessité de repenser la chaine de diffusion des informations sous nos cieux mais surtout de l’usage et la consommation responsable des contenus publiés sur les réseaux sociaux.