Ceci est une tribune du Dr Boukary Nébié parvenue à Libreinfo.net à propos de l’arrestation de Nestor Podassé à Bobo Dioulasso suite à «des propos violents tenus à l’endroit d’une communauté étrangère vivant au Burkina».
La lutte engagée pour la souveraineté du Burkina sera sans doute très rude. Ce ne sera point une simple randonnée.
Tout sera mis en œuvre pour que nous abandonnions le combat. Plus que les muscles, il nous faut donc bander le moral.
Mais attention ! Dans cette lutte, il n’y a aucune place pour la violence. Oui ! la violence quelle que soit la forme sous laquelle elle se déploie (verbale, physique, psychologique, etc.), doit être bannie.
Certes, la politique française de l’Afrique est pourrie. Les dirigeants français ont commis trop de torts aux Africains (esclavage, colonisation, pillages de bien culturels, pillages de ressources naturelles, déchirement du tissu social africain, instigations d’assassinat de leaders africains et de guerres civiles, etc.).
Les conséquences de ces torts sont aujourd’hui visibles sur plusieurs plans (politique, social, économique, environnemental).
Mais les masses populaires burkinabè et africaines ne sont pas opposées aux masses populaires françaises. Nous n’avons donc aucun ressentiment contre les Français en tant que Peuple.
C’est d’ailleurs pour cette raison que nous récusons la terminologie « sentiment anti-français », cette trouvaille de Macron pour opposer les Français aux Africains en lutte pour plus de dignité. Ce que nous vomissons, ce sont les pratiques moyenâgeuses des autorités françaises en Afrique.
C’est pourquoi j’estime que les propos de Nestor PODASSE tenus dans la ferveur de la mobilisation populaire pour faire barrage à toute tentative de maintien de Damiba au pouvoir le 30 septembre 2022 sont à déplorer.
Il est donc du rôle du Ministère public de s’autosaisir de ce dossier. Et je me félicite de savoir que le dossier est déjà sur la table du procureur.
Reste maintenant à savoir quelles seront les charges qui seront retenues contre le sieur PODASSE par le procureur et quels arguments la défense déploiera face au juge. Et par-dessus tout, quelle sentence sera livrée à l’issue du procès ?
En la matière, je crois en toute sincérité que le juge n’ira pas au-delà de trois mois avec sursis. Et pour cause !
En septembre 2020, en France, une militante des Gilets jaunes avait scandé ceci lors d’une manifestation: « Macron destitution, Macron décapitation, Macron explosion. »
Inculpée pour « menace de mort » à l’encontre du Président de la république française, elle a été reconnue coupable puis condamnée à 3 mois de prison avec sursis par le tribunal de Châlons-en-Champagne (Marne).
Le 20 décembre 2013, la chaîne française Canal Plus diffuse un sketch intitulé « Rendez-vous en parenthèse inattendue ». Supposé être drôle, ce sketch est une véritable apologie du génocide des Tutsi en 1994.
Conformément aux dispositions de la loi du 29 juillet 1888 relatives à la liberté de presse qui prévoient et punissent les infractions d’apologie de crimes contre l’humanité et d’injure publique envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, la communauté rwandaise de France (C.R.F.) intente une action en justice contre Canal Plus.
Le 29 janvier 2014, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (C.S.A.), l’équivalent de notre Conseil supérieur de la communication (C.S.C.) sort un communiqué dans lequel il indique qu’en diffusant ce sketch, Canal Plus n’avait pas respecté la loi sur l’audiovisuel et avait manqué à ses obligations.
Dans la foulée, une pétition lancée par la C.R.F. est signée par plus de 20.000 personnes. Dans le même ordre d’idée, une mise en demeure a été adressée par un avocat à Canal Plus.
Nonobstant tout, Canal Plus récidive en diffusant le même sketch le 31 décembre 2013 et le 1er janvier 2014
Le lundi 9 mars 2015, la Cour d’Appel de Paris examine le dossier de plainte déposée par la C.R.F. Le Ministère public s’oppose à l’action intentée contre Canal Plus en estimant que les victimes des crimes commis contre les Tutsi ne peuvent pas se prévaloir de la loi sus-évoquée.
En somme, que retenir ? Une citoyenne française menace de mort le Président Macron. La justice française la condamne à 3 mois de prison avec sursis. Une chaîne de télévision fait l’apologie du génocide rwandais.
Ladite chaîne est estée en justice. La justice française refuse de condamner la chaîne. Un citoyen burkinabè menace de s’en prendre à l’intégrité physique de Français vivant sur le sol burkinabè si la France essaie d’imposer Damiba au pouvoir contre la volonté populaire ou si la France tente d’intervenir militairement pour réprimer les manifestants aux mains nues qui réclament le départ de Damiba et le départ de l’armée française du Burkina.
Encore une fois, ses propos sont très violents. Mais va-t-il écopé d’une peine plus lourde que celle écopée par l’enseignante française qui a appelé au meurtre de Macron ?
Rappelez-vous qu’elle a été condamnée à 3 mois de prison avec sursis ! Si j’étais l’avocat de Nestor PODASSE, je mettrais ces éléments dans mon argumentaire et demanderais au juge burkinabè de ne pas être plus français que le juge français. Mais hélas, je ne suis qu’un simple enseignant-chercheur de Lettres.