Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Annonces    Femmes    Nécrologie    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Société
Article
Société

[Entretien] « Certaines personnes croient que l’enfant albinos est porteur de malheur » dit Mme Maimouna Déné de l’Association des femmes albinos du Burkina (AFAB)

Publié le lundi 16 janvier 2023  |  Autre presse
Les
© Autre presse par DR
Les albinos exposés aux crimes rituels à l’orée des élections
Comment


L’Association des femmes albinos du Burkina (AFAB) fait de la lutte pour les droits des personnes atteintes d’albinisme son cheval de bataille depuis 15 ans maintenant. Dans cette interview accordée à Libreinfo.net, Mme Maimouna Déné qui est la présidente de cette association explique les problèmes qui minent la réalisation des activités de la structure ainsi que les difficultés auxquelles les personnes albinos font face dans la société.

Libreinfo.net : Présentez-nous l’Association des femmes albinos du Burkina (AFAB) ?

Mme Maimouna Déné : L’Association des femmes albinos a été créée en 2008. Elle œuvre pour le bien-être des personnes albinos de façon générale, et avec un accent particulier mis sur la femme albinos et la maman de l’enfant albinos.

Libreinfo.net : Pourquoi un accent particulier sur la femme albinos ?

Mme Maimouna Déné : Dans notre société, si les personnes albinos rencontrent des difficultés, les femmes et les mères des albinos rencontrent encore plus de difficultés. Vous savez, dans certaines familles, les femmes, même non albinos, subissent, à certain moment, la pression du mariage.

Cela est une occasion pour certaines familles d’utiliser ces prétextes pour se débarrasser de leur fille albinos. C’est pour cela qu’on se retrouve souvent avec des filles albinos de 18 ans, de 19 ans ou de 20 ans, données en mariage à des personnes très âgées ou vivant avec un handicap mental.

Chez la mère de l’albinos, il y a certains qui croient que l’enfant albinos est porteur de malheur. Donc la femme qui a mis au monde un albinos est marginalisée, maltraitée et souvent même répudiée. C’est la raison pour laquelle nous avons mis l’accent sur la femme albinos.

Libreinfo.net : Comment se fait la prise en charge de ces femmes albinos, victimes de marginalisation ?

Mme Maimouna Déné : Au niveau de l’AFAB, nous faisons d’abord en sorte que ces victimes ne se sentent pas délaissées ; qu’elles sachent qu’elles ne sont pas seules.

Nous avons, ensuite, des actions de sensibilisation auprès des familles où il y a un albinos. Pour celles (femmes albinos ou mères d’albinos) qui sont déjà victimes du rejet de leur famille, nous les aidons avec notamment la scolarisation de leurs enfants albinos et les formons pour qu’elles puissent trouver des activités génératrices de revenus pour s’occuper de leurs enfants.

Libreinfo.net : Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans le cadre de vos activités ?

Mme Maimouna Déné : Au Burkina Faso, les personnes atteintes d’albinisme sont dans le grand groupe des personnes vivant avec un handicap.

Malheureusement, on ne tient pas compte des besoins spécifiques des personnes albinos, notamment sur le plan sanitaire.

Par exemple, pour les personnes handicapées locomoteurs, de la vue c’est souvent facile de les accompagner avec des moyens de déplacement, des cannes, etc.

Pour les personnes albinos, le problème est plus sérieux en ce sens que nous sommes dans un pays fortement ensoleillé. Donc les albinos qui n’ont pas eu la chance de se trouver un travail qui leur permet d’être à l’ombre, sont obligés de travailler sous le soleil.

Et à la longue, ils se retrouvent avec des problèmes de cancer de la peau.
Le plus souvent, pour ceux et celles qui nous approchent, nous nous rendons compte que le cancer est à un stade avancé et la prise en charge devient difficile et coûteuse.

Compte tenu de nos moyens limités, il revient souvent à la personne de se battre comme elle peut. C’est pour cela que nous assistons, avec saignement au cœur, au décès de certains de nos membres souvent très jeunes.

L’autre difficulté est celle liée à l’accès à l’éducation. Heureusement, avec l’éducation inclusive décrétée au Burkina Faso, nous arrivons à intervenir pour faciliter l’accès à l’éducation des enfants albinos dans les établissements scolaires où ils sont souvent victimes d’exclusion.

Cependant, les albinos qui parviennent à obtenir des diplômes s’insèrent très difficilement dans le monde professionnel. Beaucoup d’entreprises privées n’acceptent pas d’embaucher les albinos, alors que l’État ne peut pas embaucher tout le monde.

Libreinfo.net : Est-ce que des démarches sont faites à l’endroit des autorités pour trouver des solutions à ces problèmes énumérés ?

Mme Maimouna Déné : Oui, très récemment nous avons eu une audience avec le secrétaire général du ministère en charge de l’Éducation nationale pour évoquer le problème de l’accès à l’éducation de certains albinos. Nous avons également approché le ministère en charge de l’Action sociale pour demander son accompagnement.

Il y a aussi le ministère de la Jeunesse avec qui on a discuté pour qu’on puisse tenir compte de jeunes atteints d’albinisme dans les différents projets et programmes d’accompagnement des jeunes burkinabè.

Nous estimons que ces jeunes albinos ont besoin aussi de ces cadres pour pouvoir contribuer au développement de notre pays.

Propos recueillis par Daouda Kiekieta
Commentaires