Le capitaine Ibrahim Traoré à insufflé une nouvelle dynamique dans la lutte contre le terrorisme au Burkina. Dans cette interview, l’expert en sécurité, Laurent Kibora, fait une analyse de cette question en ressortant le bilan à retenir à l’occasion des 100 jours de gouvernance du chef de l’Etat.
(S) : Que peut-on retenir des 100 jours de gouvernance, d’une manière générale, du Président de la Transition, le capitaine Ibrahim Traoré ?
Laurent Kibora (L.K.) : Les 100 jours du président de la Transition sont surtout marqués par une rupture dans la gouvernance et caractérisés par une volonté forte de sortir le pays du bourbier de l’insécurité. Tout ce que j’aurais à faire comme observations, je souhaiterais que cela soit pris dans le sens de suggestions, de recommandations plutôt que de dénigrement. En 100 jours, ce pays ne peut pas sortir de l’insécurité. Il y a neanmoins beaucoup d’efforts qui ont été entrepris dans le sens de régler ce problème en commençant par le ravitaillement des localités où les populations mourraient de faim. Il y a eu vraiment un effort colossal qu’il faut saluer.
S : Sur le plan sécuritaire, qu’est ce qui a changé dans le sens de la lutte contre les groupes armés terroristes ?
L.K. : Sur le plan sécuritaire il y a une rupture. Les FDS ont vraiment gagné en réactivité par rapport au régime précédent. Actuellement, nous constatons une réactivité dans le domaine sécuritaire qui vient corroborer les paroles du Président Ibrahim Traoré. Il y a eu la libération de Solenzo, il y a eu « l’opération feleho ». Il y a eu beaucoup d’offensives de notre armée qui montrent quand même qu’il y a une volonté, un changement par rapport à ce que nous avions l’habitude de voir. Maintenant, est-ce que cette offensive, cette réactivité est bien dans son ensemble ? La stratégie est beaucoup basée sur les frappes aériennes, or nous savons que pour que les frappes aériennes soient couronnées de succès, il faut qu’elles soient accompagnées par une synergie d’actions avec l’infanterie. Les frappes aériennes sont destinées à désorganiser l’ennemi, à l’empêcher de se regrouper et de nuire aux FDS.
S : Peut-on parler d’une montée en puissance des troupes sur le terrain, selon vous ?
L.K. : Je crois qu’il faut reconnaitre qu’il y a une montée en puissance. Il y a eu une réorganisation de l’armée et avec maintenant six régions militaires, des Brigades d’intervention rapide(BIR). Il y a une dotation un peu plus adaptée en armement, en matériels roulants et aussi en compétence. Tout ceci nous amène à dire qu’il y a une montée en puissance et nous avançons dans notre système sécuritaire. Mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Parce que nous savons que la vraie solution au terrorisme n’est pas seulement la solution militaire.
S : Peut-on y voir, dans ces acquis, la résultante d’une nouvelle dynamique dans la stratégie pour la reconquête du territoire ?
L.K. : Oui ! On peut effectivement voir dans ces victoires, un peu éparses, de notre armée une dynamique de reconquête de notre territoire. Il faut bien déployer la stratégie parce que cette stratégie de reconquête du territoire ne doit pas se faire uniquement à un seul niveau, mais à plusieurs. Il y a le cas de Solenzo récupéré des mains des groupes armés terroristes qui écumaient la région, il aurait été bien que l’administration aussi y revienne. Il faut travailler à ce que cette reconquête soit bien coordonnée, bien pensée et bien articulée pour qu’on ne reperde pas encore ces parties qui ont été reconquises.
S : Que pensez-vous de la mobilisation populaire, avec le recrutement de 50 000 Volontaires pour la défense de la patrie pour suppléer les Forces de défense et de sécurité sur le front de la lutte ?
L.K. : L’implication des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) dans la lutte contre le terrorisme est, à mon humble avis, l’une des meilleures initiatives dans cette lutte. Parce que l’armée, à elle seule, ne peut pas couvrir tout le territoire. Pour qu’il y ait une réussite totale de notre défense, il faut que toute la population soit impliquée au niveau communal, provincial et au niveau départemental. L’implication des VDP, si vous voulez comprendre ou tester cette décision, évaluez la réaction dans le camp adverse. Les groupes armés terroristes sont très mécontents de l’enrôlement des VDP parce qu’ils leur mènent la vie très difficile. Les VDP, en réalité, sont la vraie réplique sur le terrain aux groupes armés. Il y a un de leur responsable qui a fait une vidéo à cause de la décision de l’Etat de recruter 50 000 VDP où il a manifesté son mécontentement et son irritation. Cela les dérange parce que le travail que les VDP font, perturbe leur avancée sur le terrain. Tant que les VDP sont là, ces groupes ne peuvent pas venir s’installer, contrôler le territoire, faire des prêches et dans le pire des cas saper les efforts de développement. Mais, ceux qui émettent des réserves et qui font des critiques sur ces VDP, il faut les prendre au sérieux et voir dans quelle mesure les engager jusqu’au bout pour l’intérêt de la patrie, de la Nation et tout faire pour que cette armée ne se retourne pas contre nous.
S : Que peut faire encore le gouvernement pour plus d’efficacité dans la lutte contre le terrorisme ?
L.K. : Pour plus d’efficacité, le gouvernement doit faire un bilan, une évaluation de ses actions en gardant surtout à l’esprit que le problème de l’insécurité ne serait pas réglée par le tout militaire. Il faudrait travailler à revoir le chemin du dialogue avec ces groupes armés terroristes. Mais un dialogue confidentiel, secret et à un haut niveau. Durant ces 100 jours du président, il y a eu beaucoup d’efforts mais comme je l’ai dit ce n’est pas le meilleur gouvernement du monde. Ils ont eu aussi leurs insuffisances. Je suggère vraiment que toute la classe burkinabè, toutes les couches travaillent à construire, à rapprocher les uns des autres.