A l’occasion des 100 jours du capitaine Ibrahim Traoré à la tête de l’Etat, des acteurs de la classe politique, donne leurs points de vue sur les actions déjà entreprises dans le système de gouvernance et dans la lutte contre l’hydre terroriste.
Tahirou Barry, Président du MCR « Les premiers pas d’Ibrahim me paraissent rassurants ». « Cent jours me paraissent insuffisants pour apprécier une gestion dans un contexte très complexe et préoccupant. Toutefois, le plus long voyage commençant toujours par un pas je pense que les premiers pas du capitaine Ibrahim Traoré me paraissent rassurants. Un discours empreint de sincérité, des offensives militaires contre les sanctuaires terroristes avec des résultats comme la libération de Solenzo, des approvisionnements dans des zones sous blocus etc. Toutefois, avec la persistance des représailles aveugles, comme récemment à Nouna, nous souhaitons très vivement que cette préoccupation soit traitée avec la plus grande attention afin de préserver notre vivre-ensemble et la cohésion sociale ».
Abdoul Karim Sango, président du PAREN « Je note une réelle volonté de combattre » « Il est extrêmement délicat et difficile de porter un jugement objectif sur la gestion d’un régime issu de coup d’Etat sur une période de 100 jours. Les Burkinabè de bonne foi, honnêtes et sincères souhaitent que le MPSR2 réussisse là où les autres régimes ont échoué. Le régime a mis à nu la gabegie rampante qui caractérisait la gestion des ressources financières affectées à la défense et à la sécurité. On note un état de dénuement scandaleux en dépit de la loi de programmation militaire de 725 milliards votée en 2018 et arrivée à terme en 2022 pour équiper le secteur de la défense et de la sécurité. Il est difficile de demander au peuple des efforts financiers supplémentaires sans un audit préalable! La proposition d’auditer les secteurs de l’armée et de la sécurité est une excellente idée. Toutefois, le MPSR2 peine à obtenir l’unité des forces armées et de notre peuple. Or, cela est indispensable pour gagner la guerre. En cette fin d’année, on a parlé de tentative de coup d’Etat. Des arrestations ont été opérées au sein des militaires et des civils. Tout cela est regrettable! Sans l’exprimer clairement, les politiques ne sont pas contents. On assiste à des menaces de mort contre des citoyens qui sont opposés à la gouvernance actuelle. Le président doit appeler au grand rassemblement de tous les patriotes civils et militaires, sincères et désintéressés, pour relever les défis complexes de notre société. Constituer un gouvernement d’union nationale me semble la meilleure option à l’heure actuelle. La crise est multidimensionnelle, seule l’intelligence collective permettra de s’en sortir plus efficacement pour aller progressivement vers le retour à l’ordre constitutionnel. Si le président m’entend, les résultats seront meilleurs dans les trois prochains mois ».
Yéli Monique Kam, présidente du Mouvement pour la Renaissance du Burkina « Le déficit de communication publique est cependant à déplorer » « Sur le plan diplomatique, nous avons observé le renforcement des liens avec le Mali et l’harmonisation des stratégies militaires contre le terrorisme. Il y a eu l’amorçage de la décolonisation du Burkina Faso vis-à-vis de la France. La volonté de rupture affichée et assumée de la souveraineté nationale a été marquée par la demande de départ de deux diplomates à savoir la coordonnatrice du Système des Nations unies, Barbara Manzi et l’ambassadeur de France, Luc Hallade, tous les deux pour leur comportement colonialiste. Grâce au rapprochement avec le Mali et l’ouverture à la Russie, notre armée nationale a acquis des équipements militaires adéquats pour la lutte contre les groupes armés terroristes. Sur le plan militaire, nous observons le recul drastique des massacres massifs de nos Forces de défense et de sécurité (FDS) dans leur camp et lors des convois de ravitaillement. La tactique défensive a fait place à la tactique offensive. Aujourd’hui, c’est notre armée qui attaque des foyers terroristes. Le recrutement record au sein de l’armée de plus de 5 000 nouveaux, ainsi que 50 000 Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) viennent renforcer les effectifs des combattants. La création de deux nouvelles bases aériennes à l’intérieur du pays pour l’opérationnalisation des appuis aériens a été bien accueillie. La réorganisation de l’armée pour plus d’efficacité et de réactivité est également une note d’espoir. Sur le plan social et humanitaire, la multiplication des approvisionnements démontre l’amélioration des actions humanitaires qui accompagnent les actions militaires. La récupération des chefs-lieux de province comme Solenzo, quelques villages, les échos qui nous parviennent à travers les appels des populations concernant la réouverture de certaines écoles et le retour de l’administration dans les localités reconquises sont également des notes d’espoir. Plus que par le passé, l’armée bénéficie d’un soutien des masses populaires. Ce soutien se traduit par des contributions en nature et en numéraire à l’effort de guerre. Sur le plan économique, nous observons l’activité des contrôleurs d’Etat pour juger la mauvaise gestion des deniers publics de certains dirigeants. Il y a également l’adoption d’une nouvelle loi qui vient renforcer le dispositif de lutte contre la corruption, les détournements à travers des procédures de récupération de biens mal acquis. Une autre note d’espoir c’est la levée de fonds lancée par le Burkina Faso, le 19 décembre dernier, auprès du marché financier régional qui a eu un succès à 115%. Ce succès vient démontrer l’espoir des investisseurs vis-à-vis du pays des Hommes intègres en dépit de la situation de crise. Il est à déplorer cependant, un déficit de communication publique, notamment des membres du gouvernement. Le peuple mobilisé a droit à l’information et à la transparence des actions. En gros, on dira qu’il y a beaucoup d’attentes à savoir : le retrait des coopérants de notre administration, la dynamisation des activités économiques et il faut mettre en œuvre quelques mesures d’assouplissement au niveau du secteur informel et au niveau des petites et moyennes entreprises. Espérons que les mois à venir le gouvernement nous fasse le bilan de son action et aussi nous permettre d’apprécier ».
Eddie Komboïgo, président du Congrès pour la démocratie et le progrès «Il y a une volonté de rectifier la conduite des affaires de l’Etat » « Il y a vraiment une volonté de recadrer les choses afin de rectifier la conduite des affaires de l’Etat. Sur le plan sécuritaire, nous sentons une volonté de bander les muscles. Une restructuration des forces de défense et de sécurité a été opérée pour mailler l’ensemble du territoire en créant six régions militaires, six légions de gendarmerie et six Bataillons d’intervention rapide (BIR). Des attaques en défenses, on assiste actuellement à des contre-offensives et des attaques offensives pour déloger des groupes armés terroristes occupant certains villages ou cachés dans la forêt. C’est assez encourageant. Les 50 000 Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) récemment recrutés commencent à être organisés et à être opérationnels sur le terrain. C’est assez dissuasif et rassurant dans certaines localités. Il convient de noter que malgré l’effort d’acquisition de quelques hélicoptères et d’autres matériels aériens comme les drones, les besoins en équipements restent importants et il faut aller vite comme eux-mêmes le disent. Il faut donc équiper rapidement les régions militaires, les légions de gendarmerie et les BIR. Aussi faut-il mieux former les VDP pour les transformer en vraie force supplétive consciente et consciencieuse de leur mission : sauvegarder la Nation avec ses habitants.
Sur le plan humanitaire, de gros efforts ont été entrepris pour desservir les localités en proie aux attaques, de vivres et d’autres produits de première nécessité. Et cela mérite des félicitations ! Mais les services de l’Etat (administration, écoles, santé etc.) demeurent absents ou insuffisants dans plusieurs localités. Nous attendons toujours la prise en charge psychologique des veuves et orphelins de la guerre. Sur le plan diplomatique et relations internationales, nous avons assisté à une clarification relationnelle entre le gouvernement en place et certains de nos partenaires bilatéraux et multilatéraux rappelant la volonté burkinabé de s’autodéterminer dans la conduite des affaires intérieures. Nous constatons la détermination des autorités de ne plus se laisser dicter les décisions de l’extérieur. Les décisions de déclarer Mme Barbara Manzi persona non grata et la demande de rappel de l’ambassadeur de la république française au Burkina Faso ne devraient pas être considérées comme une rupture avec nos partenaires historiques mais un appel à une reconsidération des relations d’antan pour les réactualiser en tenant compte de la situation sécuritaire et de la conjoncture politique et économique actuelle. Une volonté de plus de souveraineté ?
Probablement ! Les relations d’Etat à Etat doivent transcender les émotions et ne laisser la place qu’aux intérêts réciproques des partenaires. Rien n’est tard, tout peut s’arranger si les uns et les autres privilégient le dialogue constructif aux invectives médiatico-politiques. Les besoins du Burkina sont toujours énormes et ne pourraient être satisfaits à court terme unilatéralement. Le Burkina Faso ne peut vivre en autarcie même si je suis d’accord qu’il faut d’abord compter sur ses propres forces. Si les partenaires historiques n’aident pas à combler rapidement les besoins, combien énormes, exprimés par le Burkina Faso en guerre contre l’hydre terroriste, on comprendrait que les autorités actuelles soient tentées d’aller chercher des solutions avec de nouveaux partenaires comme les pays membres du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, et République Sud-africaine. Toutefois nos autorités devraient accorder une attention particulière au dialogue dans leurs prises de décisions, pour ne pas transformer notre pays et le sahel en terrain d’opérations militaires pour les grandes puissances. Sur le plan des libertés individuelles et collectives, nous constatons que les activités des partis politiques sont toujours suspendues à 18 mois de la fin de la Transition où des élections libres, transparentes et inclusives doivent être organisées. Cela est contraire aux dispositions de la Constitution et aucune disposition de la Charte de la Transition ne proscrit ces activités.
Il y a lieu que les autorités lâchent du lest pour ne pas paraître comme un régime autoritaire. Il faut, cependant, regretter et même condamner les appels à la violence lancés par certaines OSC ou individus sur les réseaux sociaux. Les appels aux meurtres, contre nos propres frères et sœurs, sont contraires à nos valeurs culturelles. C’est un vrai et dangereux risque pour la cohésion sociale et le vivre-ensemble. Le gouvernement devra sévir conformément à la loi pour mettre fin à ses errements. Sur le plan économique nous constatons la fermeture de certaines sociétés due à l’insécurité, à l’inflation des prix des biens de première nécessité et au repli de la production nationale augmentant ainsi le coût de la vie. De gros efforts devraient encore être entrepris dans ce secteur pour améliorer le bien-être des Burkinabè. Le budget en dépenses de 2023 laissant ressortir un besoin de financement de 600 milliards me semble très ambitieux. Le réalisme devrait inspirer les responsables du département des finances pour ne pas désagréger davantage les grands agrégats macro-économiques de notre pays. Les efforts de la lutte contre la corruption doivent se poursuivre dans le strict respect des textes législatifs et sans abus. Gageons qu’une clairvoyance inspire les premiers responsables du MPSR2 afin de sortir notre pays du chaos dans lequel il est plongé depuis huit ans ».