La mare aux crocodiles sacrés de Bazoulé est un site touristique qui attire des visiteurs chaque jour. Cependant, l’action humaine menace l’existence de ces crocodiles qui suscitent l’attrait des touristes. Le reporter de Libreinfo.net en a fait le constat récemment. En effet, le 16 décembre 2022, au premier jour du « Koumlakré », une fête organisée chaque année, pour rendre hommage à ces reptiles considérés comme des totems par les gardiens du village, notre reporter a pu visiter le site et échanger avec des habitants.
Par Daouda Kiekieta
À quelque 50 mètres au sud du barrage où vivent les crocodiles, Mme Mariétou Nacoulma la quarantaine, exploite un champ de tomates. Habillée d’un tee-shirt, elle explique qu’elle exploite ce champ avec son mari depuis huit ans. Dans ce champ d’environ 50 m2, des pesticides sont utilisés pour entretenir les plantes.
L’utilisation de ces produits phytosanitaires affecte gravement la vie de près de 200 crocodiles sacrés. « Nous avons des crocodiles qui meurent sans qu’on ne sache ce qui s’est réellement passé. Ils meurent sûrement par intoxication » explique M. Alphonse Kaboré, président de l’Association tourisme et développement de Bazoulé (ATDB).
Du côté des horticulteurs, qui exploitent aussi les abords du barrage, l’utilisation des pesticides semble indispensable pour la survie des cultures.
« Si on n’utilise pas les insecticides, les cultures ne peuvent pas prospérer » argumente M. René Kaboré, un jeune horticulteur installé aux abords de la mare.
Entre protection des cultures et existence des crocodiles, le choix semble fait en défaveur des reptiles. Dans un air désolé, Mme Mariétou Nacoulma estime que « c’est avec ce travail qu’elles arrivent à nourrir leurs familles ».
Pourtant, quelques décennies plutôt assure M. Alphonse Kaboré, « la pression humaine était moins forte sur la mare et le maraîchage n’était pas aussi développée comme aujourd’hui ».
Du côté ouest, nord et sud de la mare, s’étendent des cultures maraîchères d’oignons, de salades, de tomates et de poivrons.
Ces cultures sont toutes arrosées par l’eau de la mare. Les produits de ces cultures ravitaillent principalement Ouagadougou, situé à moins de 30 km.
Mauvaise pluviométrie et ensablement
En plus de l’action humaine qui affecte la vie des crocodiles vivant dans la mare, il y a la mauvaise pluviométrie et le puisage excessif de l’eau du barrage pour le maraîchage qui conduisent très souvent au tarissement rapide de cette mare.
Ce tarissement est aggravé par l’ensablement du barrage dû aux activités agricoles et maraîchères aux alentours, près des berges de la mare.
Le chef de canton de Bazoulé, le Naaba Kiiba a raconté qu’il y a eu un moment où la mare s’est totalement asséchée. Assis sur son fauteuil royal, il a indiqué qu’ « il a fallu des camions citernes d’eau pour ravitailler la mare et sauver les crocodiles ». Le chef de canton précise que le barrage a été construit pendant la période coloniale, sous le régime des travaux forcés.
Pour remédier à ces situations accidentelles, des instructions du chef de canton sont données afin de mettre fin aux activités maraîchères lorsque l’eau du barrage baisse jusqu’à un certain niveau.
Malgré cela, horticulteurs et autorités du village sont chaque année à couteaux tirés. « Généralement, à cette période, ils nous sommaient de cesser nos activités » affirme Mme Nacoulma, une maraichère.
Selon le président de l’A.T.D.B, des sensibilisations sont faites chaque année auprès des habitants pour les prévenir du danger de l’utilisation des produits phytosanitaires autour de la mare.
Il propose l’aménagement technique de la mare afin de réglementer les exploitations à ses abords. « Parce que, prévient-il, si l’on perd la mare, on aura perdu le tourisme et ce qu’il représente comme opportunité économique pour le village et la commune de Tanghin-Dassouri ».
La mare aux crocodiles sacrés constitue une opportunité économique pour le village de Bazoulé et, selon Alphonse Kaboré, président de l’A.T.D.B, le tourisme rapportait environ 7 millions de FCFA par an au village avant la crise sanitaire et sécuritaire.
La restauration, le commerce, l’artisanat sont, entre autres, les secteurs qui florissaient grâce au tourisme.
Actuellement, ce ne sont que les visiteurs nationaux qui font vivre le tourisme dans ce village à cause de l’insécurité qui a mis fin à l’afflux des touristes étrangers.