Art plastique : Christophe Sawadogo, du rêve d’artiste à artiste peintre de rang mondial

Publié le mardi 13 decembre 2022 | Libre Info

© Autre presse par DR
Christophe Sawadogo, artiste peintre

Intelligent, toujours parmi les meilleurs de sa classe, polyvalent, déterminé, c’est à la médecine ou à l’architecture que sa famille le prédestinait. Il a choisi l’objet de sa passion : la peinture. Ses magnifiques tableaux de maitre s’arrachent dans les galeries en Afrique, en Europe, en Asie ou en Amérique. L’’affiche de la Francophonie de 2017, c’est lui. Celle du FESPACO 2021, c’est encore lui. Lui c’est Christophe Sawadogo. Un nom qui compte dans le milieu artistique Burkinabè et international. Feu Koffi Annan, ancien secrétaire général des Nations unies, fut un inconditionnel des œuvres de ce peintre burkinabè.

Avec un physique de boxeur à la voix de stentor, Christophe Sawadogo aurait pu exceller au palmarès des disciplines sportives de son pays. C’est au plaisir d’éveiller la curiosité et l’imagination que le fils de Tikaré consacrera son énergie.

L’air toujours jovial et le sourire en coin, cet artiste peintre de renommée mondiale a le triomphe modeste. Dans son atelier, le tee-shirt et le jogging tachetés de peinture et le tableau devant lequel tout s’efface autour de lui, suffisent au bonheur de ce quinqua au coup de pinceau magique.

Au milieu de ses pots de peinture et de toiles éparpillées çà et là, dans la vaste cour des ateliers qui portent bien leur nom, Maanéeré (artisan du beau en langue moore), Christophe Sawadogo observe des tableaux encore vierges.

Il attend le déclic pour effectuer les bonnes combinaisons de couleurs et commencer une nouvelle toile.

Enfance à Tikaré : Christophe et la danse des lettres
Ce passionné, à la base, de calligraphie, a fait du chemin avant ses premiers coups de peinture. C’est à l’école primaire de Tikaré dans la province du Bam, région du centre-nord du Burkina Faso, au début des années 80, que le petit Christophe se prend de passion pour la lecture et les textes.

Pour lui, pas de doute, quand un texte est très bien écrit, il invite à la lecture. Ainsi reste-t-il convaincu que la calligraphie aide beaucoup dans l’amour qu’on a pour des textes.

L’écolier était dès lors sollicité par ses camarades pour embellir leurs cahiers de présentation. Ses enseignants aussi le désignaient très souvent pour copier des leçons ou dessiner des croquis au tableau.

Il est galvanisé par les encouragements et les félicitations, contre souvent une petite rétribution qu’il s’empressait d’utiliser pour s’acheter les beignets de haricots appelés Samsa, très prisés dans les cours de recréations particulièrement par Christophe, réputé avoir l’appétit féroce. Se rappelle, d’un air taquin, son ami d’enfance, O.N.

Ce jeune talent aurait pu être décelé précocement et aiguillé pour ses aptitudes à des études poussées en art, regrette son ami O.N. A cette époque, être bon en calligraphie ou en dessin, ne présageait pas de la garantie d’un avenir professionnel.

Ainsi, personne ne le prédestine à une carrière d’artiste. D’autant plus que Christophe était bon élève et polyvalent dans toutes les matières. Ses camarades ne tarissent pas d’éloges à son endroit : « Il était soit 1er soit 2e de classe. Je le voyais donc embrasser un métier comme la médecine ou l’architecture. Mais pas la peinture. Cela a été une grande surprise de l’apprendre »,

Christophe, l’intriguant !
Après son baccalauréat obtenu à Ouagadougou en 1992, il rentre à l’université. Et Christophe n’a qu’une idée en tête, étudier l’art, au grand dam de sa famille qui ne comprend pas ce choix.

Après un test réussi, il intègre la faculté d’art et communication. Le regretté Pr Jean-Pierre Guingané y est pour quelque chose. Ousmane Boundaoné se souviendra toujours de l’arrivée de Christophe à l’université de Ouagadougou. Le jeune étudiant avait subjugué les enseignants par sa détermination à n’étudier que l’art.

Surpris que l’opiniâtreté d’une seule personne puisse pousser le Professeur à mettre en place la filière Art qui souffrait du manque de matériel, il n’a qu’une obsession, rencontrer celui qui a fait fléchir le Pr. Guingané.

«Il me présente l’étudiant et je me dis : d’où il sort celui-là ? (Rires). Il me demande de le regarder et de le laisser parler. La première réaction que j’ai avec Christophe, c’est l’intrigue. Il m’intriguait. Et je cherche à comprendre. Je vois quelqu’un qui a une opportunité qu’il saisit avec les deux bras et je cherche à comprendre. Je voyais qu’il était cultivé et curieux».

Une amitié se crée entre ces deux passionnés d’art. Christophe assiste régulièrement aux spectacles de théâtre de son ami Ousmane.

Son futur métier de peintre et de dessinateur, Christophe l’assoit définitivement pendant ses années d’études. Les Pr. Raya Benjamin Sawadogo, l’un des premiers peintres d’art contemporain du Burkina Faso et Guingané y sont pour beaucoup.

Ce dernier lui fait découvrir des œuvres d’artistes comme Antonin Artaud, qui malgré ses dessins teintés de tourments, marque la formation artistique du jeune étudiant. Il s’extasie face aux lignes fines et fortes des dessins de cet artiste allemand du XXe siècle ou encore à la vue des calligrammes de Guillaume Apollinaire.

Ce poète et écrivain français, influence sa façon d’appréhender la calligraphie à travers sa pratique du calligramme : un genre qui désigne des poèmes écrits en forme de dessin pour sortir des formes et des personnages.

La rue, une de ses grandes formatrices
En 1996, en année de maitrise, Christophe a besoin de se créer et de trouver sa propre voie. Poussée par la détermination qui le guide depuis l’école primaire, il comprend très vite qu’il doit s’auto former en plus de l’enseignement reçu, s’il veut se faire un nom et rendre fière sa famille, qui n’approuve toujours pas son choix de futur métier.

« Je m’asseyais au barrage de Tanghin ou sur le pont de Baskuy où je faisais des portraits de passants. Je pouvais vendre un portrait à 30 000 FCFA ». Parallèlement, il poursuit ses recherches en techniques de peinture. Ses sources d’inspiration sont multiples et embrassent tous les arts.

De la littérature aux pièces de théâtre du Pr Jean-Pierre Guingané, aux films d’Idrissa Ouédraogo, Gaston Kaboré ou encore de Djibril Diop Mambety. De ce dernier, il fera plusieurs croquis à l’université.

Plus tard, il réalisera les portraits des réalisateurs Idrissa Ouédraogo et de Gaston Kaboré, qu’il garde encore jalousement dans ses ateliers.

Les femmes travaillant dans la carrière de granit de Tanghin ont été une source majeure d’inspiration pour l’artiste
Toujours en 1996, Une découverte va bouleverser tout ce qu’il a appris jusque-là. La carrière de granit de Tanghin et les femmes qui y travaillent. Ces dernières y extraient de l’enduit blanc issu de roches mortes qu’elles utilisent, à la main, comme de la peinture murale.

Cette roche sert de substrat à certaines des toiles de Christophe. De ses dires, son meilleur stage est venu de cette pratique, de la terre peinte avec les mains, apprise avec ces femmes.

Une véritable révélation pour Christophe qui jusque-là, s’était conformé à ce qui se fait généralement dans la peinture classique ; peindre au pinceau et de façon linéaire.

Il veut, dès lors, une relation plus fusionnelle avec la toile. Toucher la matière, sentir les formes, l’histoire qui s’en dégage et laisser son imagination guider ses mains dans l’exécution.

Christophe et l’art, un avenir non écrit
«Au départ, c’est moi qui nourrissais mon travail. Aujourd’hui mon travail a été reconnaissant. Il me nourrit. Je suis donc satisfait »

Mais il en a fallu du chemin pour en arriver là. Ni sa famille, ni ses amis n’ont compris son choix de se tourner vers l’incertitude d’un avenir non écrit, qui est l’art. Tous souhaitaient le voir dans un travail sûr qui lui rapporterait un revenu mensuel.

Seule sa tante, celle qui l’a élevé depuis l’âge de 5 ans, l’a soutenu, bien qu’elle nourrît quelques inquiétudes. Cette « mère » ne comprenait pas ce qu’était l’art et Christophe avait du mal à le lui expliquer en des termes simples.

L’air amusé, il explique qu’elle se demandait si ce n’était pas de l’escroquerie quand il lui révélait le prix de ses dessins. « Je lui ai dit que je pouvais vendre un dessin sur du papier à 150 000f, mais elle ne me croyait pas et quand je lui ai dit le prix d’une toile, là c’était la totale. Très inquiète, elle m’a suggéré de changer de métier si ce n’est pas encore tard car elle craint que je me fasse arrêter pour arnaque. (Rires) »

Qu’à cela ne tienne, aujourd’hui, les membres de sa famille sont fiers de l’homme qu’il est devenu. Un homme qui a réussi à se construire une vie de famille et qui soutient et accompagne des causes à travers son art. Le nom Christophe Sawadogo est connu des galeries d’art à travers de nombreux pays.

La Chine, la Suède, la Finlande, la France, la Belgique, les Pays-Bas, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Benin ; la liste est longue. Autant de pays où l’artiste expose ses œuvres.

Christophe, le maitre
Peindre pour Christophe, ce n’est pas que montrer de belles choses. Son art est fortement influencé par son environnement. Depuis 2015, ses œuvres sont rattrapées par la réalité de l’insécurité vécue par ses compatriotes.

Il peint donc la souffrance qu’il ressent quand bien même il est heureux, car être artiste, c’est aussi souffrir pour ceux qui ne le sont pas. L’immigration, la femme, l’avancée du désert sont autant d’autres sujets abordés dans ses œuvres.

L’une des forces de Christophe Sawadogo est sa générosité, sa capacité à partager son art et ses connaissances avec les plus jeunes. Il accompagne de talentueuses artistes.

De celles-ci figurent des noms comme Adjaratou Ouédraogo, promotrice de « Ma ville en peinture »; Makamsa Yago ou encore Mundila Tshibangou. En pleine résidence de création, elle parle volontiers de celui qu’elle appelle « Le maitre ». Le maitre dans l’art de la transmission à travers les formations qu’il anime et le maitre de par la force de ses créations.

«J’ai vu une de ses toiles exposées à l’institut français. Elle m’a impressionnée. C’était une toile magnifique », il est fidèle à ses couleurs. Dans le milieu on l’a appelé la toile légendaire.

Pour cette jeune peintre, dans les toiles de Christophe, il n’y a pas que le dessin, il y a aussi les couleurs. On regarde ses œuvres avec les yeux et le cœur.

Et du cœur, Christophe en a à revendre. 2023 ne sera pas de tout repos pour l’artiste. Il se prépare pour une série d’expositions en Europe, notamment au Danemark, où le peintre burkinabè fera l’ouverture d’une toute nouvelle galerie avant de se rendre aux Etats-Unis.

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