ne aile du MPSR a démis ce 30 septembre 2022 le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba de ses fonctions pour des dérives graves qui éloignent de leur idéal commun. Congédiement refusé pendant 48 heures.
Ce 30 septembre 2022 ressemblait quasiment au 23 janvier : les riverains du camp militaire Baba Sy, c’est-à-dire ceux de Ouaga 2000 et Patte-d’oie ont été réveillés dès l’aube par les staccato des armes automatiques. Jusqu’à l’après-midi, des tirs sporadiques, suivis évidemment d’une quantité industrielle d’infos sur la Toile, où s’entremêlaient Fake News et désinformations ont inondé la capitale : Avec une constante, des militaires en mal de soldes et de primes sont en train de manifester dans les camps, en tirant en l’air et les négociations sont en cours, donc pas l’once d’une tentative de coup d’Etat, même si ce scénario est dans tous les esprits. Exactement, la même eau de robinet servie le 23 janvier dernier, jusqu’au lendemain 24 janvier, où naquit officiellement le MPSR 1, dont l’acte de naissance officiel fut annoncé par le capitaine Kader Ouédraogo.
Le coup d’Etat dans le coup d’Etat de ce 30 septembre fut interminable car même si le pronunciamiento fut fait dès le même jour à 20 heures, avec les mêmes vocables : rédaction d’une nouvelle Charte, dissolution du gouvernement, de l’Assemblée législative de Transition (ALT), fermeture des frontières, couvre-feu, suspension de la Constitution, blocages des blindés et des militaires aux coins névralgiques de Ouaga tels le palais de Kosyam, le Rond-point des Nations unies, le Boulevard de la l’indépendance, la Radio-télé nationale, la Primature … le match n’était pas encore plié et la situation demeurait volatile les 1er et 2 octobre, car celui qui cornaquait le MPSR1, Damiba faisait de la résistance et a même menacé à mots couverts vers 21h 20, en invitant ses co-putschistes du 24 janvier à revenir à la raison, sinon, ce sera l’affrontement «fratricide».
Remake du 24 janvier 2022, Sauf qu’en l’espèce, ce sont les mêmes putschistes d’il y a 8 mois qui font le ménage en leur sein, en fait, les «jeunes gens», les capitaines ont mis sur la touche celui-là même qu’ils avaient choisi, en janvier Paul-Henri Sandaogo Damiba, comme leader, lequel avait tourné le dos à ce qu’ils avaient convenu de commun accord, selon ses tombeurs.
Un putsch plus long donc et avec une détente anxiogène durant toute la journée du 1er octobre, car dès la nuit du 30 septembre, il était déjà question d’une rebuffade des militaires restés fidèles à Damiba. En effet, entre l’Unité Cobra des Forces spéciales (FS) et le Groupement de sécurité et de protection républicaine (GSPR) chargés de la protection de la Présidence, c’est la défiance. En outre, se sont adjoints les éléments de Kaya, commandés par le désormais homme fort le capitaine Ibrahim Traoré. La bataille rangée se sentait en plein nez !
Et si on veut pousser l’analyse, si Inata a été le déclencheur de la chute de Roch, Gaskindé est le détonateur de celui de Damiba. Cette guerre pour le pouvoir suprême s’est déporté dans la rue, car les populations de Ouaga auxquelles se sont jointes celles d’autres villes ont veillé toute la nuit du 1er au 2e octobre pour apporter leur soutien au capitaine Ibrahim Traoré, lequel a levé dans la foulée un couvre-feu qui courait de 21 heures à 5 heures du matin. La veillée de ces populations a ainsi pesé dans la balance, pour ne pas dire la démission de Damiba. De mémoire de certaines personnes, jamais un coup d’Etat n’a soulevé autant de monde favorable, peut-être en 1980 avec le colonel Saye Zerbo. Et encore une fois, l’indigence de leaderships et des personnalités morales qui ont fait l’unanimité en politique ou dans la société, a été un constat et il aura la rescousse des personnalités religieuses et coutumières, en l’occurrence, le Mogho Naaba (représenté par le Kamsongo) la Cardinal Philippe Ouédraogo, le pasteur Yé Henri, le président de la Communauté musulmane, l’imam Yougo…, pour faire signer sa démission à Damiba, au sein d’une base aérienne 511, aux allures de citadelle assiégée tant les manifestants s’étaient massés aux alentours.
C’est un véritable gâchis pour le Burkina qui pourrait figurer dans le livre Guiness des Records en matière de putsch rapproché, car s’il y a 40 ans, les CSP 1 et CSP 2 dirigés par le médecin-commandant Jean-Baptiste Ouédraogo ont vécu 9 mois, le MPSR1 n’aura duré que 8 mois. C’est un gâchis, car cette lutte pour le pouvoir qui a duré depuis 48 heures est un moment propice aux terroristes qui contrôlent déjà 40% du territoire de s’incruster davantage dans l’espace.
Gâchis également, car malgré la situation sécuritaire très difficile, on a cru percevoir une dynamique supportée par la Communauté internationale pour l’arrivée à bon port de la Transition avec des élections en 2024. Gâchis enfin, parce que si l’on parle actuellement de putschs salvateurs, de coups d’Etat vertueux et de militaires démocrates, dès lors qu’un quarteron de soldats renversent un satrape ou dictateur, on ne sait plus à quelle sauce, le Burkina sera «mangé» et par la CEDEAO et par la Communauté internationale lesquelles s’étaient montrées accommandantes avec la Transition 1 burkinabè. Et maintenant, qu’elle sera sa posture, sur laquelle s’alignent l’UA, l’UE et les autres ?
Crainte aussi, car ce 2e Game of Thrones montre une exacerbation des divisions dans la grande muette, des calculs et souvent une forme d’otage dont est victime tout un pays. Crainte surtout, car si l’accoutumance du pouvoir est au bout du fusil à chaque gros couac, sécuritaire ou politique, il est évident que même avec la meilleure des démocraties, rien n’est gagné. Crainte encore en voyant le comportement de certains Burkinabè ce 1er octobre 2022 : «Nous ne voulons plus de la France», couinent-ils, juchés sur des motos à Ouaga comme à Bobo où ils ont caillassé l’Institut français de Bobo, et brûlé l’ambassade de France à l’extérieur, et vouant aux gémonies cette France, donc le détachement basé à Kamboinsin aurait accueilli selon eux, le président déchu, qui ourdirait une contre-offensive pour reprendre le pouvoir, si ce n’est que la même France, larguerait des parachutistes à l’aéroport pour aider le même Damiba.
En dépit du démenti de Paris disant qu’il ne se mêle pas des affaires intérieures du Burkina Faso (Lire page 3). Tandis qu’évidemment, des drapeaux russes sont brandis ou pendent au-devant des motocyclettes.
Mais espoir tout de même quand on écoute la déclaration n°2 du MPSR2 : le curseur sera mis sur la lutte contre l’insécurité, et une rectification, du moins, un recadrage sera fait pour amener le MPSR2 aux idéaux originels. Mieux, le nouvel homme fort, la capitaine Ibrahim Traoré, dont la voix claire et limpide, a tonné d’abord sur les ondes de 2 confrères pour camper le pourquoi du comment de cette rectification a profité pour appeler au calme et affirmer que la diversification des partenaires dans la lutte contre le terrorisme est d’actualité. C’était le 1er octobre, le lendemain, hier 2 octobre, après la reddition de Damiba, il a de nouveau fait entendre cette voix, sur les ondes de la RTB, en appelant encore au calme et surtout à éviter de s’en prendre à la France, notamment, l’ambassade de France qui a été caillassée. Ratonnades anti-françaises alimentées par la Toile, que décommande le capitaine Traoré. On apprendra aussi, et sous réserve de la nouvelle charte, que le MPSR2 est partant pour une transition civile (format de 2015 avec un président civil et neutre ?), l’armée s’occupera de la lutte contre le terrorisme.
Espoir donc, car ce terrorisme qui est actuellement le mal absolu et contre lequel les Burkinabè cherchent un remède depuis 7 ans, sera la priorité des nouveaux pouvoirs-kaki. Les militaires burkinabè encore une fois restent les arbitres politiques, avec de nouveaux dirigeants encore plus jeunes. Seule la configuration de l’Exécutif et d’autres actes du MPSR2 situeront les Burkinabè sur ses ambitions. Ce qui passera à la postérité pour ces journées des 30 septembre, 1er et 2 octobre, ce sera que le Burkina aura vécu une révolution de palais au long cours avec beaucoup d’interrogations. Les 3 Glorieuses du Faso ?