Le Burkina Faso à l’instar des autres pays du monde a commémoré le jeudi 15 septembre 2022, la journée mondiale de la démocratie. En marge de cette commémoration, le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) et ses partenaires, dans l’optique de marquer d’une pierre blanche ladite journée, ont organisé des panels avec des thèmes naturellement en lien avec la démocratie.
L’enseignant-chercheur Alkassoum Maïga, ancien ministre en charge de l’enseignement supérieur, et bien évidemment d’autres universitaires ont été invités à animer les panels ce jour. Il s’est notamment défendu à travers le thème : « Repenser un nouveau contrat social pour le Burkina Faso ».
Pour ce technocrate connu pour ne pas avoir sa langue dans la poche, il faudra d’abord que les intellectuels, qui sont censés influencer la vie sociétale, se redéfinissent autrement dans le nouveau contrat social. Selon son développement, l’intellectuel ne doit pas se servir, il doit plutôt servir la nation en tant que porte-voix des sans voix. « L’intellectuel, ce n’est pas celui qui est bardé de diplômes. L’intellectuel ce n’est pas celui qui est intelligent. Le mot intellectuel, c’est épouser la cause des sans voix », estime Pr Alkassoum Maïga. « Je peux sortir 5 docteurs en une année sans qu’il n’y ait un intellectuel parmi eux parce qu’ils se contentent d’être intelligents pour eux-mêmes et pour leur famille », a-t-il poursuivi. De sa conviction, « il faut être intelligent pour son pays ».
Par la suite, cet universitaire et militant du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), l’ex parti au pouvoir, a exhorté ses camarades à faire autrement la politique. « Si nous faisons la politique, ce n’est pas pour chercher à manger. Si tu es professeur d’université, tu as un salaire qui te permet de manger et de vivre bien mieux que tout le monde dans ce pays. Mais si tu veux faire la politique c’est que tu as des causes à défendre », a soutenu Alkassoum Maïga.
De même, ce sociologue de formation a estimé que les élections et les coups d’Etat ont toujours « échoué » au Burkina Faso parce que ces événements n’ont pas été accompagnés d’un « contrat clair » comme l’a été par exemple avec la révolution. « Si je dis que tous les coups d’Etat et les élections ont échoué c’est parce qu’on n’a pas pu élaborer un contrat clair à partir de ces modèles. La révolution par exemple nous a permis de faire des rails, la révolution a permis aux Burkinabè de comprendre que si tu es honnête, c’est bien », a illustré le Pr. Alkassoum Maïga.
« La démocratie ne veut pas dire qu’on peut tout faire comme on veut »
Revenant sur la pratique de la démocratie au Burkina Faso, le Pr Maïga s’est montré inquiet quant au développement de la vie démocratique. Il estime même que le pays va vite en besogne en matière de démocratie. « Nous voulons mettre la charrue avant les bœufs. La démocratie oui, mais c’est quoi l’espace sur lequel on veut faire la démocratie ? », s’interroge-il.
Le dernier porte-parole du gouvernement de Lassina Zerbo a également estimé que la démocratie pure ne marchera pas au Pays des Hommes intègres. Pire, pour lui, si les choses continuent ainsi, le pays risque de se retrouver difficile à gouverner. « La démocratie, si elle n’a pas une dose de dictature, ça va être de l’anarchie. Vous êtes dans un pays où chacun dit : je connais mes droits, je ne mange pas chez quelqu’un, on insulte le président à longueur de journée…, c’est ça la démocratie ? Ce pays va être ingouvernable parce que la démocratie ne veut pas dire qu’on peut tout faire comme on veut, où on veut. Si quelqu’un veut parler mal au président qu’il aille à Kossyam. Il verra comment il va être traité. Mais quand tu es dernière ton clavier, invisible, tu fais ce que tu veux (…) Non ! Pas de désordre », a-t-il déploré.
Et pour conclure, l’universitaire a suggéré l’adoption d’un nouveau contrat social où il faut « allier la capacité de conviction avec dissuasion ». Et pour illustrer ses propos, l’exemple a été pris sur la période de la révolution où, selon ses dires, les gens partaient faire les rails en chantant. Pas avec la force mais chacun savait que s’il ne part pas il sera licencié le mercredi prochain. Donc pour préserver son salaire il faut aller participer aux travaux d’intérêt général.