L’actualité cette semaine est marquée par l’arrestation et le placement sous mandat de dépôt de Ollo Mathias Kambou alias Kamao, militant de plusieurs organisations de la société civile burkinabè dont le Balai Citoyen. Son arrestation le lundi 5 septembre 2022 à Ouagadougou a suscité de vives polémiques et des déclarations de condamnations des OSC et des partis politiques.
Par Daouda Kiekieta
Le film de la journée du 5 septembre
Au lendemain du discours bilan de la Transition présenté par Paul Henri Damiba, Ollo Mathias Kambou, appelé affectueusement par ses camarades de lutte «général Kamao » participe à une émission débat de radio Oméga.
Avec d’autres invités, ils décryptent le discours bilan du président de la Transition, Paul Henri Damiba entre 10h et 12h TU. Après l’émission qui a eu lieu au 4e étage de l’immeuble du centre commercial Laico,à Ouaga 2000, le jeune militant de la société civile est froidement cueilli au rez de chaussé par deux gendarmes en civil alors qu’il partait chercher sa moto au parking.
Les deux hommes de la sécurité lui demandent “c’est vous Ollo Mathias Kambou?”. Il répond par l’affirmatif sans hésiter.
Ceux-ci lui demandent de les suivre. Kamao retorque pourquoi et qui êtes-vous ? Les agents de sécurité déclinent leurs identités. Selon les témoins à Libre info, Kamao demande à passer un coup de fil avant d’embarquer avec les gendarmes mais ils ont été catégoriques, pas question ! Même si les gendarmes se montrent ferment, Kamao semble détendu comme s’il était familier à ces pandores.
Il leur dira que pour le convoquer ils n’avaient pas besoin de venir jusqu’à quatre mais qu’il suffisait d’un simple coup de fil, il viendrait répondre.
Et d’ajouter que quatre gendarmes pour lui c’est trop et que ces derniers pouvaient être plus utiles au front dans ce contexte d’insécurité. Les gendarmes répondent par un petit sourire. Il proposa de suivre les gendarmes avec sa moto, parce qu’il est venu à l’émission à moto. Encore un refus des gendarmes. Une autre requête de Kamao qui ne sera pas totalement agréée.
Ollo Mathias Kambou est embarqué dans le véhicule de la gendarmerie.
C’est ainsi que Kamao est conduit à la section de recherche de la gendarmerie située au centre-ville de Ouagadougou. Ses avocats, de bouche à oreille, le retrouvent. Il est tenu pendant quelque temps à la section de recherche sans autres mesures.
Dans l’après-midi, il est remis à la brigade centrale de lutte contre la cybercriminalité (BCLCC). Mais pourquoi ? On ne le saura pas. Cependant, selon des informations, il était recherché à la fois par plusieurs services de sécurité.
C’est dans ce service que le militant de la société civile sera auditionné entre 17h30 et 19h00. A la fin de son audition, ses avocats espéraient ressortir des services de sécurité avec leur client. La police a refusé.
Les avocats se plaignent parce qu’aucune notification de garde à vue n’avait été adressée à Ollo Mathais Kambou. Le procureur est vite saisi pour ce “dysfonctionnement”.
Entre temps, Ollo Mathias Kambou est « exfiltré » de la salle pour être conduit à un endroit tenu secret selon ses avocats et ses proches. Il passe donc sa première nuit entre les mains de la sécurité dans un endroit inconnu de ces derniers.
Le lendemain mardi 6 septembre aux environs de 10h00, les avocats retrouvent Kamao au Commissariat central de police de Ouagadougou.
Là, la police lui demande de signer un procès-verbal de notification de garde à vue et un procès-verbal de levée de garde à vue. Mais Kamao refuse de les signer car selon lui, les officiers de police judiciaires (OPJ) voulaient “régulariser” un acte qui devait être signé la veille avant sa garde à vue.
Plus tard, il est déféré devant le procureur du Faso vers 11h00. Devant le parquet, il a été interrogé suivant la procédure de flagrant délit et placé sous mandat de dépôt.
Son interpellation fait suite à plusieurs publications sur les réseaux sociaux contre «la gouvernance de la Transition et de la personne du chef de l’Etat », explique une source proche du dossier.
Si à la BCLCC, il a été interrogé pour injures et diffamation, au parquet par contre, il a été interrogé et poursuivie pour outrage au Chef de l’Etat.
Qui est le « général » Kamao ?
Kamao est assistant de recherche et doctorant en science de la population à l’Université Joseph Ki-Zerbo. C’est un jeune «intraitable » qui vit pleinement ses convictions. Il est aussi très critique sur la gestion des affaires publiques. Ce n’est pas la première fois, qu’il s’en prend ouvertement à des autorités parfois pour« leurs écarts de conduite ».
C’est un membre fondateur du mouvement de la société civile le «Balai Citoyen» depuis 2013. Aux côtés d’autres camarades aussi farouches contre la modification de l’article 37 de la constitution que visait Blaise Compaoré pour se représenter aux élections présidentielles de 2020, le mouvement joue un rôle de première ligne dans l’avènement de l’insurrection populaire d’octobre 2014 qui voit la chute du régime de Blaise Compaoré après 27 ans de pouvoir
Sous le régime de Roch Kaboré, ce jeune insurgé de 2014 n’hésite pas à dénoncer durement le Président du Faso et certains membres du gouvernement pour « leurs écarts de conduite. »
Kamao
Ollo Mathias Kambou (Kamao) un jeune militant dans des organisations de la société civile burkinabè
Kamao fait partie de « l’aile dure » du Balai Citoyen. Devant les officiers de police judiciaire (OPJ), le 5 septembre, les avocats de Kamao témoignent qu’il est resté « intransigeant ». Nous l’avons rencontré également à maison d’arrêt et de correction (MACO) et il n’avait rien perdu de son habitude, explique un de ses conseils.
A 36 ans, Ollo Mathias Kambou fait partie de plusieurs organisations de la société civile qui font la veille citoyenne sur la gestion de l’Etat. Depuis son jeune âge, il est connu pour son militantisme au secondaire.
Au sein du Mouvement le Balai Citoyen, il est appelé affectueusement, «général Kamao », sans doute pour sa capacité de mobilisation et sa détermination dans les luttes de la structure.
Le« général Kamao » est aussi cofondateur du mouvement citoyen « Mobilisation des intellectuels du Faso (M.I.FA) avec le professeur Étienne Traoré et plusieurs autres cadres dont essentiellement des enseignants chercheurs. Le mouvement crée le 26 juillet 2022 dénonce la gestion de la Transition en cours. Kamao y est très actif.
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