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Burkina: «La demande de pardon attribuée à Blaise Compaoré est incomplète» (MIFa)

Publié le jeudi 4 aout 2022  |  wakatsera.com
Procès
© Autre presse par DR
Procès Sankara : malade et mutique, Blaise Compaoré, le grand absent
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Ceci est une tribune de la Mobilisation des intelligences pour le Faso (MIfa) qui soutient que «la demande de pardon attribuée à Blaise Compaoré est incomplète» et que «personne ne peut mériter de (le) pardonner sans se mettre à la place de Sankara et des autres victimes».

Il paraît que Blaise Compaoré demande pardon : Le Pape François, Bill Clinton, Salah Abdeslam, l’ambassadeur de France au Burkina

Sous ce titre inattendu, on ne parlera pas d’autre chose que de ce dont les Burkinabè parlent tous les jours, et de plus en plus : pardon, justice et réconciliation nationale. Parce que le Burkina Faso n’est pas seul au monde, coupé du monde, et pour tordre le cou aux arguties qui insultent des citoyens qui seraient comme dépourvus d’intelligence d’être Burkinabè, on invite chacun à partir de faits et d’exemples concrets et simples pour réfléchir un peu, au lieu de prendre pour bêtes et idiots ceux qui usent de leur Raison.

La déraison d’Etat

La Raison : c’est elle qui, par son universalité, nous oblige ici à en appeler et à faire référence au monde et à ce qui s’y passe sous les yeux de tout le monde. De sorte que quiconque de sensé dans ce monde ne puisse pas dire de nous Burkinabè, qu’il écoute, que nous sommes fous ou bêtes de considérer comme sacré ce qui n’est que nul et fort ridicule, sous prétexte que nous sommes un Etat souverain. Mais si la souveraineté d’un Etat s’arrête à ses frontières, la Raison elle n’a pas de frontières sinon à l’intérieur d’elle-même, qu’elle seule sait distinguer.

C’est aussi la Raison qui nous interdit d’admettre que l’on puisse, au Burkina Faso, inverser les choses pour la seule cause d’une « réconciliation nationale », en parlant ici et là, à tort et à travers, de « raison d’Etat » quand l’Etat déraisonne…

Il n’existe pas de RAISON d’Etat qui ne soit pas fondée en raison, fondée sur la raison justement, pour éviter l’arbitraire et le scandale d’Etat. Or, le seul universel dans un Etat-nation est son intérêt qui est général et national. L’ex-président américain Bill Clinton aurait pu évoquer la raison d’Etat pour justifier son parjure, son mensonge sur serment quand il nia en 1998 avoir eu des relations sexuelles et extra-conjugales avec Monica Lewinsky ; il ne l’a pas fait, car aucun Américain n’aurait été assez idiot pour croire qu’un tel mensonge pouvait préserver l’image et le statut des Etats-Unis dans le monde…

Autrement dit, le scandaleux et l’arbitraire d’une raison d’Etat seraient qu’elle soit sans raison, sans universel, mais seulement infondée plus que fondée sur un intérêt particulier qui divise non pas l’Etat mais la nation : l’intérêt de l’Etat et/ou de son chef, de l’appareil d’Etat ou du gouvernement qui ne sont pas la nation. Alors, au lieu de « raison d’Etat », parlez plus raisonnablement de déraison d’Etat !

L’Etat burkinabè comme organe politique n’est pas le Burkina Faso comme nation ; l’intérêt de cet Etat n’est pas forcément l’intérêt du Burkina. Les raisons que cet Etat et son chef armé avancent ne servent pas forcément un intérêt national auquel tout citoyen raisonnable et patriote aurait spontanément adhéré. On ne verrait pas autant de divisions et de désaccords sur une réconciliation dite « nationale ».

Surtout que l’extérieur (la Côte d’Ivoire de Ouattara) s’y mêle, tout en disant ne pas vouloir s’immiscer dans les affaires intérieures du Burkina (belle prétérition : dire le contraire de ce qu’on fait pourtant). Fonder la raison d’Etat non pas sur l’intérêt de la nation mais l’intérêt de l’extérieur , donc abandonner sa souveraineté pour faire ce que cet extérieur nous souffle de faire, c’est de la trahison d’Etat.

En outre, aucun Burkinabè n’a donné mandat au président lieutenant-colonel pour que l’intérêt de ce dernier soit aussi l’intérêt des citoyens, pour être sûr que la volonté du chef de l’Etat est aussi sa volonté : une raison d’Etat contre son propre peuple, dont le putschiste ne respecte pas les institutions, est un scandale

Donc, si l’on ne raisonne pas mais se contente de « soutenir » ce qui justement ne tient pas debout, et ne tient pas debout parce qu’il est sans fondement, on sera incapable de distinguer entre le raisonnable et le déraisonnable, entre le gouvernemental et le national, entre l’intérêt particulier et l’intérêt général ; toute raison (motif) avancée par l’Etat et son chef sera prise pour une raison d’Etat qui n’aurait pas besoin d’être fondée (et fondée encore une fois sur la raison) alors qu’elle n’est qu’une raison DE l’Etat ; une raison particulière qui doit être mesurée au mètre de l’intérêt national comme seule raison ou norme de l’action politique…

Or, que Blaise Compaoré se réconcilie ou pas avec des Burkinabè auxquels il a fait du mal, et auxquels on dit qu’il demande pardon, on a du mal à voir en quoi tout le Burkina Faso y trouverait son intérêt qui serait national, puisque ni les maux et crimes, ni la demande de pardon ne concernent tous les Burkinabè : « particulièrement à la famille de Thomas Sankara » dit-il lui-même dans la demande de pardon qu’on lui attribue.

On ne voit pas non plus en quoi la majorité des familles burkinabè qu’il n’a pas endeuillées (ce qui ne veut pas dire qu’il les a épargnées par humanité et générosité, mais c’est heureusement qu’elles ne l’ont pas croisé dans leurs vies et sur leurs chemins !) devrait, cette majorité, être tenue de pardonner ou pas.

Tout en supportant les victimes et leurs familles, avouons que ni ce pardon demandé ni la réconciliation qui pourrait s’en suivre ne sont notre affaire. En clair, on s’en fiche ! Cela ne nous intéresse pas, il n’y va d’aucun intérêt national.

Que les raisonneurs « intellectuels » d’Etat, à l’esprit faux, qui ont soutenu le régime de Blaise Compaoré et continuent aujourd’hui de défendre le coupable des actes criminels que l’intéressé lui-même reconnaît (pour eux, pas de doute, la demande de pardon est bien de leur ex-Blaise), qu’ils nous démontrent en quoi une demande de pardon de Blaise Compaoré constitue l’intérêt des millions de déplacés burkinabè qui errent sans toits ni nourriture. Que ceux qui parlent de paix leur fichent plutôt la paix (et à nous aussi) quand ils parlent de réconciliation nationale!…

Pardon

Le pape François, plus âgé et plus diminué physiquement qu’un Blaise Compaoré, n’a tué ni humilié ou violenté personne au Canada où il s’est rendu en personne pour demander pardon, au nom de l’Eglise catholique qu’il représente, qu’il est, à des « autochtones » (en fait des non-Blancs ou des Nègres comme dirait Malcom X) pour les violences physiques et l’extermination culturelle qu’ils ont subies dans des pensionnats majoritairement catholiques. En personne, en fauteuil roulant, seul dans un cimetière vide, il demande pardon, de vive voix. L’humilité même.

A contrario, on nous rapporte que Blaise Compaoré demande pardon, sans que quelqu’un ait entendu sa voix, même pas lorsqu’il s’est présenté à Kossyam. Les voix que nous avons entendues sont les voix de prête-voix, de porte-paroles et de porte-messages. Une demande de pardon qui a donc multiplié les intermédiaires (Ouattara, Damiba, ministre ivoirien et porte-parole du gouvernement burkinabè). Beaucoup de voix pour ne pas entendre la voix du seul qui demande pardon.

Donc, quand on nous dit que Blaise Compaoré est « sorti de son mutisme » pour demander pardon on n’a rien dit d’exact : rien n’est plus muet qu’un écrit. Blaise Compaoré ne sortira jamais de son mutisme un jour, il n’abandonnera jamais le style de langage et de communication qu’il a toujours eu avec les Burkinabè, et qui lui est propre : quand on le dit impliqué dans un crime il n’est pas là, même sans quitter le territoire national il n’est jamais là ; quand vous le revoyez en personne il ne parle pas ; quand il parle on n’entend pas sa voix mais celle d’autres personnes.

Une telle personne peut-elle demander pardon ? Et donc, une telle personne MERITE-t-elle qu’on lui pardonne ? Car le pardon a un prix, il est précieux : tous ne méritent pas de pardonner, et tous non plus ne méritent pas d’être pardonnés même s’ils se roulent par terre et supplient. Même Dieu n’a pas pardonné à Caïn qui a tué son frère Abel, il l’a puni : justice.

Ceux qui, même ses proches parents, prétendent que Thomas Sankara aurait certainement pardonné à Blaise Compaoré vont vite en besogne. Car c’est prendre publiquement Sankara pour un idiot. Or n’étant pas bête, il est plus probable qu’il aurait plutôt demandé à Blaise Compaoré ce que lui Blaise a fait. Par exemple : « Est-ce toi qui as demandé à Diendéré et/ou Kafando de m’éliminer ? ». « Oui, Thomas », répondrait forcément Blaise s’il veut être pardonné.

Mais, pourtant, cette question d’outre-tombe de Sankara à Blaise (« est-ce toi quoi as ordonné de m’éliminer ? »), qui au passage aurait atténué ou alourdi la responsabilité de Diendéré, cette question-là, c’est aussi à son procès qu’elle pouvait mieux être posée à Blaise Compaoré. Mais, comme on le sait, il a refusé d’y aller. De sorte qu’après sa prétendue demande de pardon, tous ceux qui méritent de pardonner à Blaise Compaoré devront inévitablement lui poser cette même question, celle de Sankara : « qu’avez-vous fait ? avez-vous bien donné l’ordre à Diendéré et Kafando de tuer Thomas ? ». Et, pour les familles des autres victimes : « est-ce vous qui avez donné l’ordre de les liquider ? », etc…

Personne ne peut mériter de pardonner à Blaise sans se mettre à la place de Sankara et des autres victimes ! Pardonner à Blaise Compaoré contre Thomas Sankara et les autres est un simulacre de pardon, un pardon impardonnable ; car c’est finalement donner raison au criminel contre les victimes, pardonner à Blaise PAR HAINE de Thomas Sankara et de ce qu’il représente encore aujourd’hui non seulement pour le Burkina mais pour l ’Afrique et au-delà : voilà pourquoi ce n’est pas un choix mais un devoir de ne pas pardonner à Blaise Compaoré.

Du reste, la demande de pardon attribuée à Blaise Compaoré est incomplète, et reflète aussi le non-panafricanisme (voire l’anti-panafricanisme) de ceux qui la lui ont soufflée et écrite de leurs mains : il manque le pardon à l’Afrique, le pardon à l’espoir africain déçu. Aussi, par exemple, beaucoup d’Ethiopiens aujourd’hui, en réaction à cette demande de pardon que l’on dit de Blaise Compaoré, demandent qu’il soit… « enterré vivant » (comme quoi les choses vont même très loin quand on sort du seul Burkina) ! Donc, pas de pardon possible.

Si les Burkinabè veulent vraiment se réconcilier autour de cette affaire politico-judiciaire, qu’ils ne pardonnent surtout pas à Blaise Compaoré par haine de Thomas Sankara. Mais alors, que restera-t-il s’il n’y a pas le pardon pour se réconcilier ? Il reste la justice, dont Blaise lui-même, ou son avatar, en demandant pardon, avoue mériter le verdict qui le condamne à la perpétuité (« j’assume »). Dans cette demande de justice, nous n’avons pas l’aveu des actes précis (ce qu’il a fait) pour lesquels on dit qu’il demande pardon, mais nous avons bien l’aveu qu’il mérite la justice et son verdict. Un aveu qui rend en même temps le pardon superflu !…

Le président Bill Clinton, dans la tourmente de l’affaire Monica ou Monicagate, n’avait pas demandé pardon aux Américains, mais s’était simplement adressé à eux pour dire qu’il était « deeply sorry », profondément désolé, pour ce qu’il a fait à sa famille d’abord, à ses proches. Il n’avait pas besoin de demander pardon à l’Amérique puisque, par la procédure de l’impeachment, la justice venait de l’acquitter et de lui éviter ainsi la destitution. En revanche Bill Clinton avait écrit de ses mains une lettre à son Eglise personnelle dans l’Arkansas (à Little Rock précisément) pour confesser ses péchés d’adultère et demander pardon. Pas de demande de pardon pour le parjure sous serment, mais pour le péché de libido : là où passe la justice, le pardon est inutile et dérisoire…

Mais, il y a surtout un aveu préalable, primordial que ceux qui veulent lui pardonner devraient obtenir de Blaise Compaoré, en se demandant, tout en lui demandant, toujours à la place des victimes dont Sankara : « Dites-nous franchement, Monsieur le président, est-ce vous qui avez rédigé la lettre de demande de pardon qui a été lue à kossyam à votre nom? ».

Car il y a plus qu’un doute au sujet de cette demande de pardon, doute que confirment trois choses, trois signes :

1/ Le premier signe est justement l’absence d’un signe important, la signature de Blaise Compaoré ! Lorsque Roch a été déposé, aux lieutenants-colonels qui disaient avoir obtenu sa démission, des Burkinabè ont exigé que la lettre de démission signée de l’ancien président soit publiée ; ce qui a été fait, et confirmé ensuite par Roch lui-même (il l’aurait fait « pour éviter un bain de sang »)…

2/ La deuxième chose est que si c’était Blaise Compaoré qui avait rédigé la lettre, il aurait logiquement, après avoir reconnu ses actes criminels dont il dit assumer les souffrances pour les victimes et leurs familles, il aurait indiqué se mettre à la disposition de la justice burkinabè. Or ce n’est pas ce qu’on nous a lu…

3/ Au lieu donc de se mettre à la disposition de la justice pour exécuter sa sentence, le soi-disant Blaise Compaoré dont on nous a lu une lettre enchaîne immédiatement sur un « désormais », un « à présent » qui sont déjà les pas dans la réconciliation dite nationale.

Alors on n’en croit pas ses oreilles : que celui-là qui est en train de demander pardon décide seul, et le premier, sans attendre même de savoir si ce pardon lui sera accordé ou non, et comme déjà certain d’être pardonné, décide de tourner la page, et d’indiquer à ceux à qui il demande pardon ce qu’il leur reste « désormais » à faire, se réconcilier ; se réconcilier entre eux, entre Burkinabè, alors que l’on s’attendait à ce que ce soit surtout à lui Blaise Compaoré de se réconcilier avec les victimes et leurs familles. Aucune humilité…

Quelque chose ne tourne pas rond : imaginez quelqu’un qui déclare sa flamme et, sans attendre de savoir si c’est réciproque, si la même flamme s’allume dans l’autre désiré(e), prépare déjà, en grandes pompes, la suite, le mariage !

A coup sûr, cette lettre de demande de pardon n’a pas été soufflée et rédigée pour la réconciliation personnelle de Blaise Compaoré avec les victimes de ses « actes » (lesquels il n’a pas précisés, donc pas de vérité), mais pour la politique gouvernementale de la « réconciliation nationale » telle quelle devrait être mise en œuvre au Burkina comme en Côte-d’Ivoire.

Réconciliation nationale

Voici un pays, le Burkina Faso, où l’on s’étripe sur une réconciliation au rythme et à la fréquence des attaques terroristes qui le frappent depuis 2016 ; un pays où les dirigeants eux-mêmes assurent aux populations que pour retrouver la paix il faut se réconcilier parce que ce seraient des Burkinabè qui tueraient d’autres Burkinabè, leurs frères et sœurs. Le pays serait donc divisé et en guerre. Quelle autre définition donnerait-on à la guerre civile ?

C’est sur ce chemin que s’est aventuré l’actuel ambassadeur de France au Burkina Faso (inutile de rappeler le nom) qui parle bien de « guerre civile ». Mais les Burkinabè lui sont tombés dessus, à bras et mots raccourcis : dehors ! Ils ont demandé que le Burkina expulse l’ambassadeur, comme l’aurait fait, par exemple, le Mali…
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