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Burkina Faso – Témoignage: » Bloqué Sur Le Pont De Naré, L’heure De La Frayeur !

Publié le lundi 25 juillet 2022  |  Netafrique.net
Burkina
© aOuaga.com par DR
Burkina Faso – Témoignage: » Bloqué Sur Le Pont De Naré, L’heure De La Frayeur !
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J’ai hésité mais je voudrais partager avec vous ce que j’ai vécu avec beaucoup de compatriotes.
Vous savez déjà, notre pont de Naré sur la RN3 reliant Dori et Ouagadougou est fonctionnel et rouvert à la circulation. Le pont avait été dynamité quelques heures après que je sois passé pour me rendre de l’autre côté du pays, le bon côté et j’étais de retour.

Aujourd’hui quand nous du Sahel nous prenons la route, l’habituel au-revoir ressemble plutôt à un adieu tant l’incertitude de se revoir est réelle.

Avant d’aller plus loin, il faut savoir que ceux qui empruntent la RN3 entre Dori et Kaya savent que les consignes des groupes armés sont claires et ils effectuent des contrôles pour s’assurer de leur respect :
– les femmes derrière, les hommes devant (on ne se mélange pas dans le bus)
– personne ne doit être sur l’axe après le coucher du soleil.

A l’embarquement, une femme forte de caractère qui ignorait certainement la consigne insistait pour s’asseoir devant, de quoi irriter le convoyeur qui murmurait « elle veut qu’ils nous tuent parce qu’ils ont été clairs, ils vont commencer par le chauffeur s’ils trouvent une femme assise parmi les hommes ». Nous le rassurons, elle va s’asseoir derrière, à défaut elle va descendre avions nous dit précipitamment mes voisins et moi.

La bonne dame s’est finalement résolue à aller derrière avec les autres femmes. L’appel terminé, nous sortions de la gare et mon voisin entama une conversation. Il nous raconte qu’il est venu à Ouagadougou ce matin et sur la route ils avaient croisé les terroristes, devant lui, ils avaient incendié un camion citerne avant de laisser les bus passer. Ils ne vous ont rien fait ? Demanda un autre voisin. Non, répondit-il, ils ont juste réitéré leurs consignes. La tension était déjà donc montée, nous savions que la probabilité qu’ils soient encore sur la route était forte mais pas question de reporter le voyage.

En route !
A peine quelques kilomètres parcourus et on me signale qu’un camion serait en panne sur le pont de Naré, bloquant la circulation. J’ai pas le temps de m’inquiéter qu’on me signale que la circulation a repris, nous continuons notre chemin.
Après Kaya, l’inquiétude monte d’un cran, je commence à compter les carcasses de véhicules calcinés et les cratères des mines ayant explosé. Cette partie de la route ressemble à un décor d’un film américain de guerre, ma tête se rempli d’interrogations. Pourquoi en sommes nous là ? Qu’avons nous fait ? Combien sont morts et mourons encore ? L’image du soldat Pascal tombé sur cet axe me revient à l’esprit, je revois sa femme en larmes sur les écrans de Oméga TV. Une secousse me sort de mes pensées, nous roulons toujours. Je regarde les maisons vides aux abords de la route, un village fantôme, tous ses habitants ont fui de là, aucune présence humaine, les maisons commencent à tomber en ruine, les portes de quelques boutiques arrachées. Nous roulons encore… Puis….
Le Pont de Naré !
Il est 17H, nous apercevons une longue file de véhicules sur le pont et un attroupement, nous nous garons et descendons pour rejoindre les autres. Un véhicule est immobilisé sur le pont, tout le monde est là, à l’endroit le plus inquiétant de l’axe et nous sommes bloqués là. Renseignements pris, c’est le même véhicule qui avait bloqué la circulation plutôt dans la journée, il avait été dégagé de là avec l’aide de tous ceux qui s’y trouvaient, malheureusement peu après le départ de tout le monde, le chauffeur a encore essayé de forcer le passage. Il est têtu celui-là nous sommes nous dit. Ne voit-il pas le danger ? Les carcasses de véhicules, pourquoi insister pour mettre tout le monde en danger ? En plus il n’y a pas de réseau ici, c’est le black-out total.
’entame une nouvelle discussion avec quelqu’un, nous risquons de faire demi-tour me dit-il, tout le monde est agacé, le soleil est en train de tomber et la consigne terroriste est claire, personne ne doit être ici à la tombée de la nuit. Que faire ? C’est à ce moment précis que mon interlocuteur me pointe du doigt une direction « tu vois là-bas ? Il y’a deux cadavres que les charognards sont en train de manger ». Je refuse de regarder, je ne souhaite pas voir une telle chose, la discussion continue.

Enfin !
Le soleil est en train de disparaître, la tension monte. On va tous pousser le camion pour le faire descendre, le propriétaire s’y oppose. A la surprise générale il démarre le véhicule et fait marche arrière pour descendre. Tout le monde est surpris, le véhicule pouvait démarrer mais il nous a immobilisé ici, pourquoi ? Il ne peut pas rouler convenablement et peut-être qu’il voulait avoir de la compagnie pour mieux réparer son véhicule ? On ne le saura jamais. Nous démarrons en vitesse, il faut se tirer de là au plus vite. La scène nourrit les conversations dans le car, tout le monde en parle. C’est un ouf de soulagement.

Je somnole maintenant et je fini par fermer les yeux, quelques minutes de sommeil et me voilà à Dori...
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