Chronogramme de la Transition, révision de la Constitution, référendum, législatives et présidentielle, c’est grosso modo la feuille de route de Boni Yayi, médiateur officiel de la CEDEAO en Guinée, qui effectue son 1er séjour à Conakry. Chaleureusement accueilli à Conakry, son job n’en demeure pas moins délicat, puisqu’il devra lui rendre une copie à ses mandants, les chefs d’Etat de la CEDEAO au plus tard ce 1er août 2022, sous peine de voir la Guinée, essuyer des sanctions.
D’emblée, avec le président Mamadi Doumbouya, il faudra s’accorder sur la durée de la Transition. Depuis son putsch, le maître de la Guinée a entretenu un suspense sur ce timing avant d’en dévoiler un bout, et c’est là qu’on a su que les militaires optaient pour 39 mois de pouvoir intérimaire. Fruit avancent les tombeurs d’Alpha Condé, d’un consensus issu d’un dialogue national.
Archifaux, rétorquent les partis politiques, le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) et son aile politique, lesquels parlent plutôt d’un long monologue, ou d’un dialogue entre soi, puisque les participants ont été triés, et quand bien même certaines formations politiques d’envergure y étaient telle l’UFDG de Cellou Dalein Diallo, le RPG du président déchu avait sa chaise vide.
Pour que la Transition tienne la route, il faudra donc que Boni Yayi puisse rencontrer pouvoir, opposition et société civile. Et les rencontrer ne se limitera pas à écouter doléances et griefs, il s’agira de dire à chacun de mettre sous éteignoir, les postures maximalistes et la surenchère pour sauver la Guinée.
Côté pouvoir, il est clair que les militaires au gouvernail du pays ne peuvent pas bâillonner les partis politiques, leur interdire toute activité durant cette transition et espérer aboutir à un accord à minima, car ce sont eux les animateurs de la vie nationale. L’acceptation du retour des politiques dans l’espace de débat est donc un impératif que Boni Yayi devra faire comprendre aux putschistes de Conakry. Tout en leur faisant savoir que si le nettoyage des écuries de Condé s’impose, un des aspects importants dans une Transition qui est l’implémentation de nouvelles valeurs, si cela s’impose, c’est-à-dire si le retour à une gouvernance vertueuse, et la lutte contre l’impunité sont des principes chevillés à toute Transition sincère, toutes ces considérations ne doivent pas occulter la finalité qui est de créer un cadre consensuel, pour des élections honnêtes et transparentes pour passer le pouvoir à des civils.
Côté opposition et société civile, notamment le FNDC : leur faire aussi comprendre que certes le CNT est bancal, le dialogue national prétendument inclusif a été biaisé et est un arbre à palabre trompe-l’œil, que certes ils ont été violentés, victimes d’injustice, ont payé un lourd tribut pour leur attachement à des valeurs telles que la liberté, la justice, la démocratie, mais il y a des moments où il faut s’arrêter pour initier un projet national pour le pays, avec tous les Guinéens. Evidemment, la justice classique ou transitionnelle devra passer par là, des arrangements aussi, mais le jusqu’au boutisme est un pis-aller.
C’est donc un Boni Yayi au milieu du guet guinéen qui devra déployer tout un trésor de qualités pour rassembler les frères ennemis guinéens autour d’une table ronde.
Véritablement, Boni Yayi mène une médiation au cordeau, tendue, ou chaque mot, sa phrase, chaque geste, sera pesé et soupesé, tant les susceptibilités et les méfiances sont grandes. Mais, il part avec un préjugé favorable, car homme d’écoute, patient, affable, et méthodique. Encore qu’il devra savoir que dans cette fange transitionnelle guinéenne, l’improvisation aura aussi sa place .