Le marché de fruits et légumes de Bobo-Dioulasso est sans conteste un des poumons de l’économie de la ville. Véritable plaque tournante du légume et du fruit dans la capitale économique, ce marché draine toujours du monde du lundi au dimanche. Les vendeurs en gros, ceux en détail, chacun y trouve son compte. Mais comment est géré ce marché ? Quelle est sa rentabilité ? Nous avons tenté d’en savoir à travers une matinée passée au sein de cette structure marchande.
11h 02 mn s’affiche à notre montre ce samedi 11 juin 2022 quand nous stationnons au parking du marché de fruits et légumes de Bobo-Dioulasso. Histoire de mettre notre engin en lieux sûrs. A peine nous avons franchi la grande porte située au côté sud (Ndlr : le marché dispose de 8 grandes portes), que nous accoste un jeune garçon apparemment d’une douzaine d’années. Il nous propose de nous aider pour nos achats de fruits ou de légumes. Il ne sera pas satisfait. Nous ne sommes pas là pour des achats, mais plutôt pour rencontrer le Chef de service entretien et maintenance de la Structure de gestion des équipements et infrastructures marchands de la commune (SGEIM), Adama Traoré. Nous apercevons M. Traoré avec le commissaire de la police du marché. La police municipale appuyée par des agents d’une société privée de gardiennage, assure la sécurité du marché. Après quelques salamalecs il nous conduit à son bureau situé dans le bâtiment administratif de la SGEIM. La SGEIM est en effet un organe créé en 2019 en remplacement de la Structure de gestion du marché central de Bobo-Dioulasso (SGM). Elle s’occupe de la gestion du marché central, du marché de fruits et légumes et du marché à volaille de Dogona qui n’est pas encore fonctionnel. Mais selon les textes, la SGEIM est censée coiffer la gestion des marchés et « yaars », des auto-gares les parkings et tout ce qu’il y a comme structures marchandes dans la ville de Bobo-Dioulasso, nous apprend M. Traoré avant de rentrer dans le vif du sujet. Le marché des fruits et légumes est bâti sur 1,8 ha et comporte 731 hangars répartis en 4 secteurs appelés quadrants. Tous les hangars sont occupés. On y trouve des hangars de 10 m2, de 16 m2, de 20 m2 et de 40 m2. Les occupants de ces hangars déboursent mensuellement et respectivement les sommes de 3000 FCFA, 4800 FCFA, 6000 FCFA et 9000 FCFA, comme taxes d’entretien du marché. Deux entrepôts dotés de chambres froides y trônent également même si ces chambres ne sont pas fonctionnelles compte tenu du coût de l’électricité.
Le côté social prime dans la gestion du marché
Dans l’apparence, nous disons-nous, ces recettes constituent un vrai trésor en fin d’année pour la SGEIM, même si notre interlocuteur ne dispose pas sur place de chiffre pour nous. Que nenni, réplique-t-il. Pour lui, le marché de fruits et légumes et le marché central constituent les moins chers sur toute l’étendue du territoire burkinabè. «Prenons un hangar de 10 m2 loué à 3000 FCFA, ça correspond à 100 FCFA par jour. Si nous allons bien regarder la SGEIM est pauvre. Les charges dépassent ce que nous percevons» s’évertue-t-il à nous expliquer. Le côté social prime dans la gestion du marché, reste convaincu le Chef de service entretien et maintenance. Le tendon d’Achille où l’un des tendons d’Achille, à écouter Adama Traoré, reste le recouvrement. Malgré la modicité des taxes, La SGEIM, confie-t-il, a de véritables soucis dans leur recouvrement. Tel un aveu de faiblesse, notre interlocuteur nous révèle que la structure de gestion ne dispose d’aucun moyen de pression sur les commerçants. La nature des marchandises du marché de fruits et légumes, périssables, et les hangars qui ne sont pas clôturés, ne facilitent pas les choses. «Quelqu’un qui vient avec sa tomate et vous l’interdisez à vendre dans son hangar, si les tomates pourrissent c’est un autre problème» insiste Adama Traoré.
Après une quarantaine de mn d’entretien, nous entamons une visite du marché en commençant par le quadrant 1. Le soleil vient de franchir le zénith, 12 h 05 mn pour être exact. Les quadrants 1 et 2 sont réservés aux fruits. Le 3 et le 4 situés au côté Nord, abritent eux, les vendeurs de légumes. C’est la période des mangues et cela saute à l’œil. L’odeur piquant de mangues avariées nous accueil dès les premiers hangars. Des femmes ont disposé en tas les fruits, pour la vente en détail. Un peu plus loin, en remontant à l’est du marché, l’espace est jaune et verte de mangues. Des camions stationnés déchargent, pendant que d’autres chargent. Nous sommes dans l’aire-Est de chargement et de déchargement. Une autre est située au côté Ouest. Cette portion du marché grouille particulièrement de monde.
Pendant qu’un groupe de personnes vident le contenu de chaque véhicule sur le béton, d’autres sont chargés de trier les mangues pour les reconditionner, soit dans des sacs soit dans des cartons, pour l’exportation hors de Bobo-Dioulasso. Ce rythme est quotidien depuis le début de la saison des mangues, nous souffle notre guide du jour. De là nous faisons un tour dans le hangar de 40 m2 de Yaya Traoré, un commerçant de fruits, orange et mangues. Ce monsieur évolue dans le commerce de fruits une vingtaine d’années. Il est un également un des 6 délégués élus du marché pour aider la SGEIM dans l’administration de l’infrastructure. A l’écouter parler, de façon voilée, la mangue nourrit sont homme. «Nous vivons de ça. J’arrive à scolariser mes enfants et à s’occuper de ma famille » se confie-t-il. Il est déjà 12h 45 mn. Adama Traoré taquine une commerçante de chou arrêtée à côté d’une «Peugeot 504» surchargée. Elle vient à peine d’arriver de Sossogona, un village situé à quelques km de Bobo-Dioulasso, d’où elle s’est ravitaillée.
De la tomate venue du Mali
Nous venons de rentrer dans le royaume du légume. C’est la deuxième moitié du marché, qui est réservée aux légumes.
Nous voilà sous les hangars de l’association «Nong-taaba» forte de 84 membres, en majorité grossistes. Ils ont loué 4 hangars de 40 m2 pour le business de l’oignon. Abdoulaye Nassa est membre de l’association. Leur marchandise, provient majoritairement des zones du Sourou dans la région de la Boucle du Mouhoun, de Koudougou dans le Centre-Ouest, de Ouahigouya dans le Nord, de Faramana et Kouka dans les Hauts-Bassins. Leurs affaires ont pris apparemment un coup avec le covid-19. « Il y a des détaillants qui venaient de la Côte d’Ivoire du Mali, du Ghana, et ils ne viennent plus depuis la fermeture des frontières » regrette ce monsieur à la barbe blanche. Il se souvient qu’en 2018 l’association a exporté 13 000 tonnes vers la Côte d’Ivoire et le Ghana.
Maminata Sanou est une grossiste de tomates-fruits. Elle est en plein déchargement de sa marchandise. Elle vient d’arriver de Koutiala une localité du Mali, avec une cargaison de 200 caisses de tomate.
Dame Sanou semble ne pas être dans son assiette. «J’ai acheté la caisse à 22 500 FCFA et je cherche en vain à la revendre à 25 000 FCFA. Le prix proposé ici ne m’arrange pas» se lamente-t-elle. Sali Ye, elle, vend en détail. D’une main habile, elle trie les tomates rouges-vifs qu’elle dispose dans des seaux. Elle les revend à 2500 FCFA et 5000 FCFA selon le volume du contenant. Visiblement elle ne se plaint pas dans son activité. «Ça va un peu. Nous vendons pour survenir à nos besoins et épauler nos maris dans le paiement de la scolarité des enfants» nous confie-t-elle sur un ton amical
Hormis le recouvrement, les difficultés sont légion dans la gestion de ce marché. Les déchets constituent un casse-tête chinois pour les responsables du marché, surtout en période de pointe comme aujourd’hui avec la mangue. «Il y a eu une journée où nous avons enlevé 48 m3 de mangues avariées. Nous étions obligés de négocier des prestataires pour évacuer ces déchets » relate M. Traoré.
Le marché de fruits et de légumes dispose pourtant de deux espaces réservés pour la collecte des ordures. Seulement, les bacs à ordures sont vite débordés, ou soit, ils sont délaissés et les ordures déversées à même le sol. La construction du marché en elle-même pose problème. Du moins à en croire Adama Traoré. Celui qui est dans le domaine de la gestion des marchés à Bobo-Dioulasso depuis une vingtaine d’années nous informe que marché ne dispose pas d’un plan de recollement.
En terme simple plan de recollement permet de savoir avec exactitude l’emplacement de toutes les installations du marché. «Nous ne savons pas où se trouve le réseau électrique ni l’emplacement des fausses sceptiques» révèle Sieur Traoré.
La conséquence, aujourd’hui, aucun des hangars du marché de fruits et légumes ne peut avoir de l’électricité en dehors de l’éclairage public nocturne puisqu’aucun réseau d’électricité n’a été prévu.
Comme alternative, la SGEIM prévoit faire un nouveau réseau électrique en 2022 pour plus de commodités aux commerçants. Il est exactement 13h quand nous finissons notre visite au sein de cette infrastructure marchande. Les défilés se poursuivront jusqu’à 20h puisque le marché s’ouvre de 6h à 20 h tous les jours de la semaine. Certains y achètent et d’autres vendent
Alpha Sékou BARRY