Aristide Tarnagda est un auteur dramaturge, comédien et metteur en scène. Il a étudié la sociologie à l’université Pr Joseph Ki Zerbo. Le dramaturge commence sa carrière avec la fraternité de Jean-Pierre Guingané. En 20 ans de carrière, Aristide Targnada est devenu un dramaturge qui compte parmi les grands acteurs du théâtre sur le continent africain et en occident. Le 24 mai 2018, il reçoit le grand prix littéraire d’Afrique Noire avec son œuvre « Terre rouge-Façon d’aimer ». Plus tard, il est reçu par l’ancien président du Faso Roch Kaboré qui le félicite pour sa distinction. Le Directeur des Récreâtrales, un évènement culturel majeur qui a lieu chaque année à Ouagadougou au quartier Bougsemtenga, va émerveiller les spectateurs à l’ouverture du FESPACO en 2021 par la profondeur des mots de son texte déclamés à l’ouverture de la biennale du cinéma. La profondeur de son texte a été saluée à l’unanimité. Dans un entretien accordé à Libreinfo .net, Aristide Targnada donne sa lecture de la situation sécuritaire, la place de la culture dans les politiques publiques au Burkina Faso et comment la culture peut contribuer à la lutte contre le terrorisme.
Propos recueillis par Rama Diallo
Libreinfo.net: comment se portent les Récréâtrales ?
Aristide Tarnagda : les Récréâtrales se portent très bien. Nous nous préparons pour le 20ème anniversaire et la 12ème édition qui auront lieu du 29 octobre au 05 novembre 2022.
Libreinfo.net : quelle appréciation faites-vous de la situation sociopolitique et culturel du pays ?
Aristide Tarnagda : Le pays traverse une crise sécuritaire, sociale, économique et politique sans précédent parce que nous avons subi plus de trente ans d’égarements sociaux et politico-économiques. Pendant plus de trente ans les politiques ont consisté à déresponsabiliser le peuple, à l’infantiliser, à bâcler son éducation, voire même à l’en priver. On l’a réduit à un animal qu’il fallait nourrir, engraisser et fermer dans un enclos en attendant que soit ouvert le marché de bétail.
Conséquence ? Aujourd’hui il fait le spectateur face à sa propre tragédie. Il en semble même indifférent parfois. Il est englué dans un sentiment d’impuissance et se noie dans ses larmes et ses jérémiades. Les égarements politico-économiques ont aussi craquelé les murs de la maison commune : la Nation. Jamais nous n’avons été autant divisés.
Jamais nous n’avons autant été qu’un agrégat d’individus difformes vivant comme de mauvais voisins et non comme des sœurs et frères. Nous nourrissons les uns vis-à-vis des autres une méfiance, une jalousie, une colère, voire une haine suicidaire. Nous n’avons pas aussi pris soin des morts qui ont porté notre souffle au pinacle. Même pas de funérailles dignes. Même pas de justice parfois.
Or un peuple qui n’est pas en paix avec ses morts ne peut pas être en paix avec lui-même. Il ne faut pas négliger ses aspects. L’urgence réside donc dans notre capacité à nous retrouver nous-mêmes. A nous redresser pour nous regarder les yeux dans les yeux et nous reconnaître. Reconnaître nos sœurs. Reconnaître nos frères et convenir ensemble d’une route commune à prendre : celle de la dignité c’est-à-dire celle de la responsabilisation et de la liberté.
Se mettre debout ensemble pour comprendre que le véritable enjeu aujourd’hui c’est cette terre qui nous porte tous, qui nous a accueilli, qui nous a donné la vie et qui a donné la vie à nos ancêtres. Nos ancêtres se sont battus pour que nous méritons cette terre et sa notoriété. Il est important que nous puissions voir le destin commun. Il nous faut aller vers un redressement, c’est de l’audace et du courage qui nous permettront de relever la tête. Bref, il s’agit de faire visage comme l’indique le thème de la 12ème édition des Récréâtrales.
Libreinfo.net : A l’ouverture du FESPACO 2021 votre texte a été clamé et apprécié par tout le monde. Comment êtes-vous arrivé à cette création ?
Aristide Tarnagda : je suis d’abord un écrivain. Mon travail c’est d’écrire, c’est-à-dire plonger en moi-même. Plonger dans le dit et le non-dit, plonger dans l’âme de ma société pour ressurgir avec sa plus belle part d’elle-même, mais aussi parfois avec ses hideurs. Et de partager cette part de nous-mêmes. J’ai estimé qu’en tant qu’écrivain, je ne pouvais pas rester éternellement silencieux face à cette nuit épaisse qui engloutit le peuple burkinabè.
C’était ma façon à moi d’inviter toutes les composantes de la société à un sursaut, à faire visage, à un redressement pour retrouver sa dignité, la joie et la paix. Une paix ne tombe pas du ciel. Parce que la guerre ne tombe pas du ciel. Il nous revient, nous qui avons été très loin dans notre nuit, cette nuit qui nous habite, d’éclaircir cette nuit-là, d’amener la lumière. Je pense que le travail essentiel des écrivains c’est d’apporter la lumière quand les ténèbres engloutissent le peuple.
Il se trouve que cela a touché la sensibilité d’un certain nombre de personnes. Je leur ai restitué une part d’eux même. Donc je n’ai pas tant de mérite que ça. Il s’agit pour moi en écrivant ce texte de révéler le courage, la bravoure du peuple. Et aussi lui rappeler le devoir de sursaut. On ne libère pas un peuple. Un peuple se libère.
Libreinfo.net : quel est l’impact de l’insécurité sur le secteur culturel ?
Aristide Tarnagda :Comment communier avec des gens qui pleurent sans cesse, qui sont déshumanisés par une barbarie qui leur tombe dessus ? Et déshumanisés par notre façon de les recevoir. De faire d’eux des objets ou des animaux, en étant pas capable d’apporter des réponses efficientes, justes et dignes qui leur permettraient non pas d’être objet de notre pitié, mais de se sentir renaitre et sentir un regard fraternel.
Quand on fait le métier que nous faisons, je crois qu’on se sent un peu impuissant. Mais c’est aussi dans ces moments-là que nous devons aller au plus profond de nous-même pour trouver les ressources afin de ne pas tomber et sombrer. Quand on est à Ouagadougou on fait les choses avec peur. Parce qu’on n’est jamais à l’abri d’une bombe.
On n’est jamais à l’abris d’une attaque et plein d’autres choses. Ceux qui soutenaient la culture ne le font plus parce qu’il y a d’autres urgences. Cependant nous pensons que dans une société qui se met à genou, la culture doit être la priorité des priorités. C’est la culture qui empêche la chute. C’est elle aussi qui permet de se relever dignement quand la chute a quand même eu lieu. Il faut donc arrêter de voir la culture comme un luxe en tant de crise. D’ailleurs il faut arrêter de la voir comme un luxe tout court. Elle est un oxygène.
Libreinfo.net : quel est l’impact du coup d’Etat sur le secteur culturel au niveau national et international ?
Aristide Tarnagda : en ce qui concerne les Récréâtrales nous avons été obligés de reporter la première étape qui est une étape très importante. Parce qu’on était dans l’obscurité totale. Et on ne savait pas ce qui allait se passer.
Donc annulation et ou perte de billets d’avions, déception et démoralisation des artistes et du quartier, perturbation des calendriers, fusion de deux étapes en une… Ça c’est la conséquence directe du coup d’Etat. J’espère que ceux qui sont arrivés aux commandes, connaissent très bien les enjeux du secteur culturel parce qu’on a le sentiment de devoir recommencer tout le temps.
Nous sommes dans un pays où il n’y a pas d’accompagnements structurels des espaces et des plate-formes culturelles. Les structures qui portent les projets impactants, qui produisent du sens, qui ont fait leur preuve et qui ont une légitimité incontestée et incontestable sont abandonnées à l’aumône et à la charité des guichets occidentaux. C’est irresponsable.
Un Etat, un pays ne peut pas confier le soin de son âme, de son génie, de sa raison même de se lever le matin et de regarder le soleil avec fierté, un pays ne peut pas, ne doit pas confier son souffle aux autres. Tôt au tard, il sera asphyxié. Les Recréâtrales existent depuis 20 ans et font la fierté de tout le monde.
C’est l’un des évènements théâtraux majeurs dans le monde. Ce n’est pas faute d’être humble que je le dis mais c’est ce qui est. C’est vrai qu’Etienne Minoungou en imaginant cet événement a eu l’intuition la plus incroyable. J’allais dire l’intuition du siècle. C’est donc un patrimoine incroyable mais fragile à protéger jalousement. Mais non. Même pas un accompagnement structurel.
Du coup, vous êtes toujours obligés d’être en pèlerinage, d’être à la conquête, presqu’à la séduction de chaque nouvelle autorité. Parce qu’il vous faut les amener à comprendre le bien fondé et la nécessité d’un patrimoine national. C’est agaçant, c’est fatiguant parce qu’un artiste son temps doit être consacré à l’activation d’utopie, à l’imagination, à la fécondation d’idées et à la création.
Il ne doit pas perdre son temps dans les ministères à chercher des rendez-vous. Mais on est obligé de faire ça parce que nous habitons des pays où on a intériorisé une vision occidentale de l’homme africain qui doit être réduit au riz et au maïs. Son besoin le plus fondamental serait de manger, c’est très très avilissant.
Un corps ne se sent repu qu’habité par une âme repue. Il faut un équilibre. Nous avions eu le temps de convaincre ceux qui étaient aux affaires, nous avions eu le temps de leur faire comprendre, ils avaient eu le temps de voir, puisqu’ils venaient aux Récréâtrales. En 2018 le président Roch Kaboré est venu.
Aujourd’hui, il faut recommencer. Il s’agira encore de faire en sorte que les nouvelles autorités puissent accompagner les Récréâtrales. Parce que les Récréâtrales sont un patrimoine national. Là on ne parle plus d’Aristide Tarnagda, d’Etienne Minoungou mais on parle du Burkina Faso. On parle du théâtre burkinabè et du théâtre africain.
Comme le Fespaco, les Récréâtrales sont un des lieux où l’on enfante l’image du continent, où l’Afrique s’affirme, se met au monde, produit ses récits propres et se soustrait ainsi de la volonté des autres. Parce qu’il s’agit non pas de quémander une place mais de se tailler une place. Et on se taille une place par la pensée, par l’esthétique, par la réflexion, par la production de ses symboles, de ses mythes et de ses utopies.
Libreinfo.net : aujourd’hui avec la situation sécuritaire, quelle peut être la contribution du théâtre en particulier et la culture en générale dans la lutte contre l’insécurité ?
Aristide Tarnagda : le pays a besoin de guérir. Et c’est le rôle du théâtre, de créer un lien, de le tisser, de le penser et de le mettre en œuvre. Aller voir une pièce de théâtre c’est déjà communiquer à travers une œuvre…le théâtre c’est un rendez-vous qu’on prend avec soi-même, avec sa propre communauté. C’est se dépasser, dépasser ses peurs, élargir ses horizons, c’est aller vers les autres.
Le théâtre est plus que fondamental. Les arts sont plus que fondamentaux aujourd’hui. Tout le monde parle du retour des déplacés internes chez eux. C’est un retour vers quelle terre déjà ? Une terre désacralisée ? Une terre souillée par les viols des mères et des sœurs ? Une terre étouffée par les cris de ces âmes arrachées violemment ? Une terre avec des images d’enfants tués sans qu’on nous dise pourquoi on les a tués ? Pourquoi a-t- on volé leurs vivres et bétails ? Sans qu’on leur dise pourquoi leurs maisons ont été brûlées ? Vivre c’est se poser la question du pourquoi et si ce pourquoi n’a pas de réponse, on plonge dans la démence, dans la solitude et le désespoir.
ll ne faut pas sauter les étapes. Il faut de mon point de vue lorsque ces personnes ont toujours la force d’entendre quelque chose et ont encore une énergie pour se relever, essayer de les aider à guérir, à comprendre ce qui se passe.
C’est le rôle du théâtre parce que ce sont des situations proches que nous jouons. Et le fait de voir des situations similaires aux nôtres nous permet de guérir et cela soulage.
Il faut comprendre que nous faisons aussi partie des soldats de l’armée, très armés, très outillés. Il est important que les politiques et ceux qui vont venir après la Transition l’entendent et le comprennent. Qu’on ne fasse pas de nous des plaisantins, des accessoires.
Ceux qu’on oublie dans l’échafaudage des budgets de l’État. Non, nous sommes plus sérieux que cela. Notre rôle dans une société est beaucoup plus noble. Quand je parle de nous, je ne parle pas seulement du théâtre mais de tous les arts.
C’est pourquoi le projet Terre Ceinte que j’ai mis en place embrasse presque tous les arts. C’est par les arts que nous allons d’abord retrouver les êtres que nous avons perdus. En ce moment-là nous pouvons insuffler en eux le nouveau souffle.
Ils seront des êtres qui vont retrouver le sourire, qui vont retrouver des frères et des sœurs et des terres perdues qu’ils sont prêts à habiter et à féconder de nouveau.
Libreinfo.net : vous avez parlé de projet « Terre ceinte ». En quoi consiste réellement ce projet ?
Aristide Tarnagda : le projet consiste à aller à la rencontre de ces femmes et de ces hommes déjà touchés violemment par le terrorisme. Et à aller aussi vers ceux qui observent le phénomène de loin. Être à la fois où le crime a lieu et où il se prépare à pousser racine. Parce que le monstre, on ne le voit pas venir. « Terre ceinte » est un roman écrit par Mohamed Mbougar Saar qui parle d’une terre prise en otage par les terroristes et qui répandent la violence.
Des gens ordinaires, un tenancier de bar, une bibliothécaire, un infirmier, un médecin et un activiste etc…se mettent ensemble et décident de créer un journal pour sensibiliser et provoquer une résistance populaire et par ricochet reconquérir la liberté. Ce qui m’intéresse c’est de partager cette histoire fictive avec mes concitoyens et concitoyennes.
Pour provoquer en eux, cette question : Que faire ? Puisque que le théâtre c’est un miroir qu’on tend à la société pour qu’elle puisse se voir. Continuer à être lâche ? Démissionner de la peur et s’engager ? Quelle dynamique on met en place pour que notre pâturage reverdisse ? En tant que poète mon rôle est de pousser à l’indignation.
Mon rôle est de faire en sorte que les burkinabè se demandent : que devons-nous faire ensemble pour nous en sortir ? Il est important qu’on amène le peuple à se poser ces questions. Ceux qui sont directement touchés doivent être les premiers à se poser cette question. On ne peut pas les exclure à la recherche de solutions. La seule aide valable et légitime, la seule aide obéissant à l’éthique humaine, c’est celle qui va aider ces personnes à retrouver leur dignité en étant aussi au front. Je crois fondamentalement à ça. Cela peut être une utopie. Mais l’utopie n’est pas un crime.
C’est prétentieux ce que je dis mais il y a un moment dans la vie d’une nation où la prétention et l’orgueil sont salvateurs. Peut-être que jusque-là nous avons été moins orgueilleux, moins prétentieux dans la production de valeurs et de symboles qui permettent d’être à l’abri des monstres.
Terre ceinte c’est donc plusieurs ateliers (chant, danse, théâtre, musique, peinture, cinéma, contes…) partagés avec des personnes déplacées ou non pour dépasser la tragédie ou la prévenir…
Libreinfo.net : Aujourd’hui vous qui êtes dans le milieu de la culture, comment peut-on utiliser la culture pour vendre l’image du pays ?
Aristide Tarnagda : un pays n’est pas une galette, ce n’est pas un hamburger qu’il faut vendre. Un pays c’est quelque chose de sacré à tendre aux autres et il faut le sculpter, le penser, le nettoyer, lui faire sa toilette, l’endimanché exactement comme lorsque vous avez un rendez-vous avec votre amoureux ou amoureuse, votre bien aimé, avec quelqu’un qui fait palpiter votre cœur.
C’est ce genre de rapport que nous devrions avoir avec le pays. Et ce ne sont pas seulement aux artistes, aux acteurs de la culture de le faire, c’est une tâche qui revient à tout le monde parce que la vie est un ensemble et les choses sont liées. On doit avoir des politiques responsables, pas démagogiques, pas populistes. Mais des politiques débarrassées de nombrilisme, de peur, de consumérisme… On peut dire pareil des artistes.
Qu’est-ce que les artistes font aujourd’hui ? Quelle démission ? On peut dire la même chose des pères de famille, des maires qui ont dépecé ce pays, et qui l’ont livré aux charognards ; parce que tout d’un coup la terre n’était plus sacrée.
Ce qui comptait c’était leur compte en banque à eux, leur paraître. Le bien-être commun pouvait attendre. De la même manière il y a des artistes qui ont fait de l’art un lieu de buzz c’est-à-dire un lieu de bruit. L’art devrait être un lieu de production de sens, d’interpellation, de production de beauté, un lieu hospitalier, où on apprend à accueillir et à aimer, à sentir, à sortir de la peur, à être ébloui, émerveillé…Voici les missions nobles de l’art : nous amener à redevenir enfant.
C’est-à-dire, être animé de générosité, de joie, d’empathie, de bienveillance…Quand je fais ma musique ou lorsque je fais mon clip, ou ma pièce de théâtre, ou mon tableau, ou mon film ma préoccupation doit être celle-ci : comment faire mon art afin qu’il transforme l’autre ? Comment traquer la conscience du prince avec mon art ? Comment par mon art amener le prince à se dire ceci : je ne peux pas continuer à boire mon champagne pendant que des femmes se battent aux fontaines, font des nuits blanches pour avoir des bidons d’eau.
Est-ce que mon art combat l’indifférence, éveille à la douleur, aiguise la conscience ? Alors quel théâtre ? Quel cinéma ? quelle musique ? quelle peinture ? quel slam ? Quel musée ? etc. Faisons donc en sorte que la culture soit le lieu du questionnement, le lieu de refus de l’indignité et de la déshumanisation. Que ça soit un outil qui produit de la lumière, un outil qui nous met en route pour aller à la quête de la meilleure part de nous-même.
Libreinfo.net : qu’est-ce que vous avez pensé lorsque vous avez vu le reportage sur le délaissement du théâtre populaire créé sous la révolution ?
Aristide Tarnagda : qu’est-ce que ça m’a fait ? beaucoup de choses, on est vacciné maintenant. Vous savez, il y a le théâtre populaire, mais il y a beaucoup d’autres infrastructures, patrimoines, biens, services, outils légués à la poussière, à la désuétude. On pourrait parler de Bazoulé, on pourrait parler de nos routes, des écoles, des hôpitaux, des universités…Lorsque je vous parle des Récréâtrales qui sont délaissées, je parle aussi de tous ces espaces tel que le CITO, l’espace culturel Gambidi, l’ATB etc…
Pour le théâtre populaire, nous avons la chance d’avoir les artistes, Salia Sanou et Seydou Boro qui ont construit le CDC à côté du théâtre populaire. Ils ne rêvent que d’intégrer le théâtre populaire à leur centre pour le ressusciter, lui donner un nouveau souffle. Mais non, ni la commune, ni l’Etat…Ce qui nous intéresse c’est Dubaï, c’est la Chine. On va admirer le patrimoine des autres. Le génie des autres. Il est vraiment temps qu’on comprenne la nécessité de la culture donc des édifices, des espaces dédiés à elle. Je ne parle pas du folklore, je ne parle pas de l’indigénat mais je parle du génie qui fait un pays.
Libreinfo.net : Comment trouvez- vous la fusion ministère de la communication et de la culture ?
Aristide Tarnagda : c’est fort regrettable de mettre la culture sous tutelle mais enfin, les vraies questions à se poser aujourd’hui sont les suivantes : Comment accompagner de façon structurelles les espaces culturels majeurs afin d’éviter leur délitement ? Quelles politiques culturelles ? Quelle intelligence collective entre les deux ministères ? J’espère que les femmes, les hommes, les enfants, les vieux et les morts de ce pays vont savoir qu’ils n’ont jamais eu autant rendez-vous avec eux-mêmes qu’aujourd’hui.
J’espère que nous saurons unir, conjuguer nos intelligences, nos énergies positives, nos soifs de beauté, de liberté, de joie, de solidarité, d’entre-aide, d’hospitalité pour pouvoir étonner toujours l’humanité ; parce que je pense que notre force, la beauté de ce pays, c’est sa capacité d’étonner toujours, de provoquer chez le reste du monde qui pense toujours que nous n’avons pas notre place sur cette terre ou que la place qu’elle nous réserve est la place de la queue.
Ce reste du monde-là est toujours étonné de notre capacité à refuser l’ensauvagement, l’indignité et à former un bloc monolithique pour affronter n’importe quel ennemi, n’importe quelle obscurité. Et je crois qu’une fois encore nous sommes interpellés et qu’on doit vraiment faire attention au futile, à l’accessoire pour aller à l’essentiel.
Et l’essentiel c’est l’amour, la fraternité, la sororité, l’amitié, le courage, une passion débordante de la liberté, une soif inextinguible de justice sociale. Faire en sorte que nous soyons touchés par toutes ces femmes, tous ces hommes, ces enfants qui sont en transite éternelle sur leur sol. Ils sont réfugiés sur leur propre terre et ce n’est pas normal.
Nous devons en avoir honte, nous devons être remués de l’intérieur, touchés et c’est parce que nous nous laisserons toucher, remuer, secouer par cette déshumanisation d’une partie de nous-mêmes qu’en nous va naître, va pousser des ressorts qui nous permettront de nous projeter en guerrier et de venir à bout de cette nuit-là et de ce monstre, que je rappelle, est sorti de nous ; et c’est à nous et à nous seuls de les refaire rentrer et de les enfermer à jamais.