Depuis plus d’un mois, des familles du village de Dan, situé à 15 km de Orodara dans le département de Kourounion (province du Kénédougou), sont affectées par la mort suspecte de leurs petits ruminants, majoritairement des chèvres. Ce phénomène trouble le sommeil des villageois qui ne savent plus à quel saint se vouer, depuis son apparition. Le samedi 18 juin 2022, une équipe de Sidwaya est allée faire le constat.
Assis dans sa cour, le chef du village de Dan, Sa Traoré, aiguise sa machette. En ce début de saison agricole, il s’apprête à aller faire ses travaux champêtres. Mais à notre arrivée, une scène macabre nous accueille : sous un hangar, une chèvre agonise dans la cour. Devant son petit, l’animal se bat contre la mort. « Nous sommes impuissants.
On attend qu’elle meurt afin que les enfants aillent la jeter », lâche avec amertume le chef du village, affirmant que cela fait plusieurs mois que cette scène se répète dans son village. Il est 9 heures dans ce village situé dans la commune rurale de Kourounion et à 15 km de Orodara, chef-lieu de la province du Kénédougou. Depuis plusieurs semaines, les propriétaires de chèvres du village voient mourir leur cheptel dans des circonstances qu’ils n’arrivent pas à expliquer.
Chaque jour, la mortalité des chèvres dont l’élevage constitue une source de revenu pour la plupart des propriétaires va grandissant. En effet, environ 180 chèvres ont été décimées, en l’espace d’un mois, par un mal dont l’origine reste inconnue, selon les témoignages recueillis sur le terrain. La majorité des familles du village est touchée par cette mort suspecte des chèvres. Certaines familles n’ont même plus de chèvre dans leur cour.
Les femmes, plus touchées
Les femmes sont les plus touchées car elles sont les propriétaires majoritaires des chèvres. Dans la cour de Karidia Traoré située derrière l’église du village, c’est la désolation et la tristesse. A peine entrée, l’équipe de Sidwaya constate un chevreau d’environ deux semaines gisant sur le sol. « Il est mort de ce terrible mal inconnu », confie dame Traoré.
Pour elle, la mort de ce chevreau qui est d’ailleurs l’un des derniers caprins de sa cour n’est pas un événement. « Il ne nous reste plus rien dans notre cour. Même la volaille a pris un coup », fait-elle savoir. Selon Christ Para Koné, le phénomène a commencé depuis le début de l’hivernage. « Nous avons constaté que les animaux mourraient en masse. Nous n’y comprenons rien », souligne-t-il.
Lorsque le mal commence, les caprins bavent et font la diarrhée, relate Mariam Coulibaly qui en a perdu huit, la totalité de ses biens. « Chez certains c’est la diarrhée, mais pour d’autres, c’est le nez qui coule », renchérit Christ Para Koné. « Les chèvres faisaient la diarrhée. En plus, avant de mourir, une salive blanchâtre sort de leurs bouches.
Quand cela arrive, elles marchent subitement et tombent sans pouvoir se relever », soutient Natôgôma Sanogo qui a perdu six chèvres. Même son de cloche pour Wô Eugénie Traoré qui après avoir perdu tous ses animaux raconte sa mésaventure. « Ma maman a vu que sa chèvre était bizarre donc elle l’a vendue, sinon elle allait mourir. Moi j’avais un mouton et son petit, ils sont tous morts.
Nous ne savons rien de cette maladie. J’avais plus de 10 chèvres, elles sont toutes mortes les unes après les autres », argue-t-elle, d’un air triste. Pour y remédier, les villageois affirment faire l’automédication chez les animaux infectés depuis l’apparition de ce phénomène.
Ils utilisent un médicament appelé « kouwouléni » et font souvent appel à certains éleveurs qui ont des connaissances dans la santé animale. « Malgré que nous essayons de soigner les cabris, ils ne font que mourir », déplore Eugenie Traoré.
La peste des petits ruminants suspectée
Jusqu’à présent aucun service vétérinaire n’a été touché. Par ignorance ou par négligence des risques probables, les villageois disent ne pas encore alerter le service vétérinaire de la zone. Mais, joint au téléphone, le directeur provincial en charge des ressources animales du Kénédougou, Mahamadou Traoré, dit avoir été informé de la situation, « il y a peu de temps ».
Il a poursuivi qu’instruction a été donnée au responsable du poste vétérinaire pour faire les prélèvements qui seront acheminés au Laboratoire national d’élevage à Ouagadougou, avec la mention « Malaisie suspectée », selon Mahamadou Traoré. Au moment où nous bouclions ce papier, le chef de poste vétérinaire de Koloko qui couvre cette commune était en route pour les prélèvements à Dan, aux dires de M. Traoré.
En attendant les résultats des prélèvements, il soupçonne la peste des petits ruminants. « Ici nous pensons à la peste des petits ruminants », indique-t-il. Cette situation n’est pas sans conséquence sur la vie des villageois qui sont obligés de vendre leurs cabris.
« Nous sommes obligés de vendre nos cabris à vil prix pour ne pas perdre », affirme Eugénie Traoré. A en croire le chef du village, la maladie leur cause beaucoup de tort. Car, soutient-il, l’élevage des chèvres leur permet de répondre à certains de leurs besoins.
Pour Mariam Coulibaly, ce mal crée un dommage aux villageois qui comptent beaucoup sur la vente des cabris chaque année pour payer la scolarité des enfants. A côté de ceux qui ont décidé de vendre les animaux sans attendre que le mal ne les décime, il y a ceux qui tiennent mordicus à garder leurs biens.
Face à ce danger, les villageois appellent à l’aide. « Vraiment, nous sommes dans le désarroi. Aidez-nous à avoir une solution à cette maladie qui fait du mal à nos animaux », fait comprendre Mariam Coulibaly. La peur s’est installée dans le village, les populations craignant que le mal ne s’attaque désormais pas aux porcs.