Le 28 mai dernier, s’est tenue à Bamako, une conférence de presse de plusieurs associations politiques, membres du M5, mouvement politique dont le président du Comité stratégique est Choguel Maïga, l’actuel Premier ministre malien. A cette occasion, l’action de la transition a été passée au peigne fin. L’on peut d’abord s’arrêter un instant pour évoquer ce que les conférenciers considèrent comme point positif dans la gouvernance du régime d’Assimi Goïta. Ce point positif, selon le M5, est la « nette amélioration de la situation sécuritaire ». Et pour cela, le mouvement qui a été à l’origine de la chute d’Ibrahim Boubacar Keïta, a tressé des lauriers aux forces armées maliennes. L’on peut se joindre au M5 pour reconnaître et saluer la montée en puissance des forces armées maliennes dans la lutte contre les terroristes. Les statistiques, en effet, données par Bamako dans ce domaine, pour autant qu’elles soient conformes à la réalité, peuvent effectivement justifier cette appréciation. En dehors de cette seule éclaircie dont s’est réjoui le M5, tous les autres aspects de la gouvernance de la transition ont été peints en noir.
Au- delà de Choguel Maïga, c’est toute la transition qui est aujourd’hui dans le collimateur des partisans de l’Imam Mahmoud Dicko
Et le principal responsable de cette situation, selon les conférenciers, est l’actuel Premier ministre, Choguel Maïga. De ce point de vue, le M5 exige la démission de ce dernier. Une pétition a été initiée à cet effet. Daba Diallo, porte-parole des pétitionnaires, s’est livré à un violent réquisitoire contre lui, en ces termes : « Aujourd’hui, nous estimons que le combat du M5 est détourné et que Choguel Maïga ne va pas rester Premier ministre et président du Comité stratégique en même temps. Vraiment, la situation est telle que nous avons décidé de sortir de notre réserve et de dire la vérité aux Maliens ». On peut donc dire que Choguel Maïga a été « lâché en plein vol » par ses anciens camarades. Cette expression, on se rappelle, a été employée par le même Choguel Maïga pour caractériser l’attitude de la France vis-à-vis du Mali, lorsque Paris avait décidé de redéployer Barkhane au Niger. Cette sortie musclée du M5, contre l’actuel Premier ministre, est loin d’être un fait spontané. On se souvient, en effet, qu’une motion de défiance avait été envisagée contre lui par des députés de la transition. Au- delà de Choguel Maïga, c’est toute la transition qui est aujourd’hui dans le collimateur des partisans de l’Imam Mahmoud Dicko. Rien que le 27 mai dernier, le leader religieux n’a pas eu besoin de porter des gants pour qualifier publiquement « d’arrogantes », les autorités de la transition. Embouchant la même trompette, Youssouf Daba Diawara, un proche de l’Imam, a martelé ceci : « Nous avons constaté, ces derniers temps, l’installation d’une atmosphère défavorable à la liberté d’expression ». Il n’en fallait pas plus pour que les activistes aux ordres de la junte, leur tombent dessus à bras raccourcis. Sur la toile en effet, le guide religieux a été traité de tous les noms d’oiseaux.
Toutes les voix discordantes ont été étouffées aujourd’hui à Bamako
La guerre qui était larvée entre l’Imam et la junte, est devenue aujourd’hui ouverte. Et l’on peut se permettre de saluer la témérité de Mahmoud Dicko. Car, il est l’une des rares personnalités du Mali qui peut encore appeler la grand-mère par son nom. Des Maliens ont fait moins que cela. Mais ils en ont payé le prix fort. Les plus chanceux ont pu traverser la frontière pour prendre le chemin de l’exil. Les moins chanceux croupissent aujourd’hui en prison. Tous ont été accusés, à tort ou à raison, de rouler pour la France. En réalité, toutes les voix discordantes ont été étouffées aujourd’hui à Bamako. Poussera-t-on la paranoïa au point de considérer aussi Mahmoud Dicko comme un valet local de l’impérialisme français après les propos critiques qu’il vient de tenir contre la junte ? Cette hypothèse n’est pas à écarter. Car, les régimes qui font dans l’arbitraire, règlent leurs comptes d’abord à leurs « ennemis » ou supposés tels. Après eux, ils s’occupent de leurs « amis ». Sékou Touré en a fait l’expérimentation en Guinée. Au Mali, Moussa Traoré avait procédé ainsi. La junte gagnerait à ne pas marcher dans leurs pas. Autrement, elle court le risque de léguer au régime qui va lui succéder, un Mali où le manichéisme a force de loi et où exercer son libre arbitre, peut être perçu comme une hérésie. Assimi Goïta doit absolument éviter de s’inscrire dans cette logique. Si pour cela, il doit se débarrasser du clivant Choguel Maïga, pourquoi pas ?