Wenzhang Wang est le chargé d’affaires, a.i. de l’ambassade de Chine au Burkina Faso. Dans cette interview, le diplomate réaffirme la volonté de la Chine à se tenir aux côtés du Burkina afin de l’aider à relever, entre autres, le défi sécuritaire.
Sidwaya (S) : Le 24 janvier dernier, le Burkina Faso a tourné une page de son histoire avec l’avènement des militaires au pouvoir à la faveur d’un coup d’Etat. Ce changement de régime a-t-il impacté la collaboration entre le Burkina et la Chine ?
Wenzhang Wang (W. W.) : La Chine a pris note des changements politiques qui ont eu lieu au Burkina Faso. Nous respectons la volonté du peuple burkinabè et soutient les efforts déployés par la partie burkinabè pour maintenir l’unité nationale, la sécurité et la stabilité. Quatre ans après la reprise des relations diplomatiques entre nos deux pays, sur la base du principe d’une seule Chine, la coopération entre les deux parties dans divers domaines, notamment l’agriculture, la santé, les infrastructures, la sécurité et les affaires humanitaires, a été mise en œuvre et a engrangé des résultats fructueux.
A l’heure actuelle, la coopération sino-burkinabè n’a pas été arrêtée ou rompue. Nous sommes prêts à prendre en compte les besoins réels de la partie burkinabè, à écouter les attentes et les préoccupations de nos amis burkinabè concernant nos relations bilatérales, et à intensifier les échanges avec les autorités compétentes du Burkina Faso, afin d’identifier ensemble les prochains domaines- clés et les directions de la coopération pour le meilleur bénéfice des deux peuples.
S : Comment appréciez-vous la gestion actuelle du pouvoir de la Transition ?
W. W. : D’abord, je voudrais souligner sur le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’autrui entre les pays. Nous respectons la volonté et le choix du peuple burkinabè. En plus, la restauration de la paix est non seulement le cri du cœur de plus de vingt millions de Burkinabè, mais aussi le souhait commun de la communauté internationale et des pays de la sous-région.
La Chine voudrait travailler, ensemble avec tous les pays qui mettent haut la paix et la justice, à accompagner les efforts du Burkina dans la lutte contre le terrorisme et la défense de la sécurité et de la stabilité. Nous espérons que le Burkina Faso puisse rétablir la paix le plus tôt possible sous le leadership des autorités de la Transition.
S : La sécurité est une préoccupation majeure du Burkina Faso, quelles sont les actions entreprises par la Chine dans le cadre de la coopération pour accompagner le Burkina Faso ?
W. W. : La coopération sécuritaire reste toujours un domaine important dans la coopération sino-burkinabè. Il est aussi parmi les priorités de la coopération chinoise en Afrique. La Chine attache une grande importance aux préoccupations de nos amis burkinabè dans ce domaine et fait toujours de son mieux pour accompagner les FDS burkinabè à renforcer les équipements et les moyens nécessaires dans la lutte contre le terrorisme.
Ces derniers jours, la partie chinoise a déjà remis la première tranche du don militaire à la partie burkinabè, composé principalement des équipements de protection et de logistique. D’autres tranches suivront prochainement. En plus, nous avons aussi beaucoup travaillé dans le domaine de la formation avant l’apparition de la COVID-19. Nous souhaitons pouvoir reprendre ce volet lorsque la situation pandémique sera favorable.
Le monde que nous vivons aujourd’hui est en train de traverser beaucoup de bouleversements et nécessite davantage de solidarité de la communauté internationale pour relever les défis de la sécurité traditionnelle et de la sécurité non conventionnelle. Il y a quelques jours, le Président chinois XI Jinping a lancé l’Initiative de sécurité mondiale qui préconise la sécurité commune, intégrée, coopérative et durable.
A l’occasion de la réunion ministérielle du FOCAC en fin de l’année passée, la Chine a annoncé les 10 projets sécuritaires pour l’Afrique, dont l’aide militaire pour l’Union africaine, les soutiens aux opérations autonomes du maintien de la paix des pays africains, la formation militaire conjointe sino-africaine, le contrôle des armes légères, etc. Les projets en faveur du Burkina Faso sont toujours en bonne voie. Comme le dit un adage africain, aussi longue soit la nuit, le jour viendra.
Face aux défis sécuritaires au Burkina Faso et au Sahel, nous partageons les mêmes sentiments pressants. Mais nous sommes convaincus qu’avec la conviction intransigeante du peuple ami burkinabè, et avec les soutiens continus de la communauté internationale y compris la Chine, nous garderons l’espoir et gagnerons la victoire.
S : L’actualité internationale est marquée depuis quelques mois par la guerre entre la Russie et l’Ukraine. En tant que partenaire stratégique de la Russie, quelle est la position de la Chine sur ce conflit qui perdure ?
W. W. : La Russie et l’Ukraine sont toutes deux amies de la Chine, et l’attitude fondamentale de la Chine sur la question de l’Ukraine est d’appeler à la paix et de promouvoir les pourparlers, plutôt que de regarder l’incendie de l’autre côté de la rivière ou de jeter de l’huile sur le feu. Premièrement, la Chine est fermement d’avis que la souveraineté et l’intégrité territoriale de tous les pays doivent être protégées et que les buts et principes de la Charte des Nations unies doivent être respectés.
Cette position s’applique également à la question de l’Ukraine. Deuxièmement, la Chine défend le concept de sécurité commune, intégrée, coopérative et durable. La sécurité d’un pays ne doit pas se faire au détriment de celle des autres pays, et la sécurité régionale doit encore moins être garantie par le renforcement, voire l’expansion des blocs militaires. Compte tenu des cinq cycles consécutifs d’expansion de l’OTAN vers l’Est, les revendications légitimes de la Russie en matière de sécurité devraient être prises au sérieux et résolues de manière appropriée.
Troisièmement, la Chine soutient et encourage tous les efforts diplomatiques propices à la résolution pacifique de la crise ukrainienne et s’engage à fournir du matériel à titre d’aide humanitaire à l’Ukraine. Dans le même temps, nous sommes préoccupés par le fait que les effets néfastes des sanctions contre la Russie se répercutent et s’étendent, et que les crises énergétique et alimentaire se sont étendues aux pays africains tels que le Burkina Faso. Certains pays contraignent également les autres à prendre parti, divisant l’Afrique et le monde entier, et créant même une ‘’ théorie de la responsabilité de la Chine’’.
Je crois que nos amis burkinabè savent très bien qui veut que la crise en Ukraine prenne fin le plus rapidement possible et qui veut qu’elle continue, ainsi que qui en souffre et qui en profite.
S : Certains analystes politiques faisant le lien de la guerre entre la Russie et l’Ukraine s’inquiètent d’un éventuel conflit entre la Chine et Taïwan. Est-ce qu’un tel scénario est envisageable ?
W. W. : D’abord, une chose à clarifier : la question de Taïwan et la question ukrainienne sont différentes par nature et ne sont nullement comparables l’une à l’autre. Taïwan fait partie intégrante du territoire chinois et la question de Taïwan relève complètement des affaires intérieures de la Chine, tandis que la question ukrainienne est un différend entre la Russie et l’Ukraine qui sont deux Etats.
Certains soulignent le principe de la souveraineté sur la question ukrainienne, mais ne cessent de compromettre la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Chine sur la question de Taïwan. C’est le deux poids deux mesures pur et simple. La situation dans le détroit de Taïwan fait face à des tensions, parce que les autorités de Taïwan refusent de reconnaître le principe d’une seule Chine et tentent de changer le statu quo de l’appartenance des deux rives du détroit à une seule Chine.
En même temps, certaines forces extérieures fantasment sur l’utilisation de Taïwan pour contenir la Chine. Les populations des deux rives du détroit de Taïwan forment à l’origine une seule famille, mais il est honteux que certains pays incitent le fratricide pour leurs propres intérêts géopolitiques. Derrière les conjectures se cache la malice de pays individuels tirant profit de leur hégémonie sur l’opinion publique pour perturber l’Europe puis l’Asie, ce qui mène à l’impasse.