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Art et Culture

Me Pacéré Titinga : « Le chapeau de Saponé date du 14e siècle »

Publié le mardi 19 avril 2022  |  Sidwaya
Chapeau
© Autre presse par DR
Chapeau de Saponé au Burkina Faso
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Le mardi, 12 avril 2022, à Ouagadougou, le Burkina Faso a reçu le certificat d’enregistrement du chapeau de Saponé en indication géographique protégée par l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI). Le lendemain de cette certification, maître Pacéré Titinga, roi de Manéga, est revenu, au cours d’une conférence de presse, sur l’origine de ce mythique chapeau de Saponé, fabriqué au 14e siècle par Kouda (fils du roi Koudoumbié), pour son intronisation, comme 9e empereur du Moogho.

Au lendemain de la remise officielle du certificat du chapeau de Saponé comme Indication géographique protégée (IGP) par l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI), maître Pacéré Titenga, roi de Manéga, a échangé avec la presse, à Ouagadougou, sur l’origine de ce mystique chapeau de Saponé. « Je suis très heureux que l’OAPI ait accordé une véritable consécration à protection de droit d’auteurs. C’est une véritable protection pour ce chapeau de Saponé », s’est-il réjoui. Pour lui, c ’est une reconnaissance qui grandit le Burkina Faso, ainsi que sa culture. « Le chapeau de Saponé est un symbole de notre pays. Il a même été utilisé comme logo, à une des éditions du FESPACO », a rappelé maître Pacéré. Homme de culture et de lettres, maître Pacéré est bien imprégné de l’histoire de ce mythique chapeau. Il dit avoir déjà fait des déclarations sur le chapeau, il y a plus de 20 ans. C’était au moment du règne de Naaba Padré de Saponé, son ancien camarade de jeunesse. Face à la presse, il est revenu sur l’origine du chapeau qui remonte au 14e siècle, avec l’intronisation du 9e empereur des mossis, Kouda (1358 – 1401), fils du 8e Mogho Naaba Koudoumié. Il a raconté qu’à l’époque, le Mogho, n’était pas un empire, mais plutôt une juxtaposition de plusieurs royaumes. A l’origine du chapeau, Ouagadougou n’existait pas. Il s’appelait sous Naaba Zombré, Koubemtenga ou la terre de Koubemba, l’ancêtre de la guerre. C’était uniquement un village de Ninissin, avant l’arrivée des mossis au 12e siècle.

Le Mogho Naaba n’avait pas de capitale, il se déplaçait de contrée en contrée. Le 7e Mogho Naaba, Nasbiré, à sa mort, son prince héritier Yadéga, selon la légende, était introuvable. A son absence, c’est son petit frère, Koudoumié qui a été intronisé roi. C’est ainsi que Koudoumié est devenu le 8e Mogho Naaba. Craignant la vengeance de la part de son aîné Yadéga, très conquérant qui se trouvait à Gourcy (origine du royaume du Yatenga), Koudoumié, s’est réfugié avec ses hommes sur le côté Est du fleuve Mouhoun, non loin de la ville de Boromo. Dans le cadre de la pacification de son royaume, il envoya ses fils, à Kayo (Kayoro), une ville Gourounsi, à Konguiss, à Yako, à Mané et à Boussouma. Maitre a expliqué que c’était une sorte de paravent, de parapluie pour le roi de protéger son royaume.

A sa mort, le prince héritier Kouda n’étant pas sur place, des missionnaires sont envoyés à sa recherche. Maître a relevé qu’avant leur départ, les notables ont donné des consignes : « I sa yan, birigna, saa zouga, ponnè », qui signifie en langue nationale mooré, « Si vous le voyez, prenez –le, parcourez la tête avec de l’eau et vous le rasez ». Après des recherches, le prince héritier a été retrouvé dans une brousse à environ 25 km de l’actuelle Ouagadougou. A sa vue, il a été jeté par terre. Sa tête a été complètement rasée, et ce, conformément aux consignes de départ. Ce dernier qui se trouvait très beau, s’est miré dans une mare. Là, il a constaté qu’il est devenu très laid avec un crâne rasé. Et pour cacher sa laideur, il a couru dans la brousse, et a aperçu un marigot. Au bord de ce point d’eau, il y avait des roseaux, appélé « Kansé », en langue nationale mooré. Le prince s’est servi de quelques roseaux qu’il a attachés au 4/5 avec une ouverture en bas. Il s’est donc caché le visage avec le chapeau pour ne pas être reconnu. « Voilà l’origine du chapeau de Saponé. Et la localité où, il résidait a été appelée Saponé qui vient de la consigne « Saa ponnè », « Parcourez et rasez », a expliqué maitre Pacéré.

Une humiliation du prince
Le chapeau de Saponé est un chapeau caractérisé par de nombreuses histoires et de légendes. Sa singularité, est qu’au départ, il était vu comme une humiliation, pour ce 9e Mogho Naba, Kouda. Conséquence, les autres rois n’aimaient pas porter le chapeau. Mais, avec le temps, on s’est aperçu dans ce sahel, que le chapeau, outre sa beauté est un objet utilitaire. Il protège contre le soleil. Et le mogho naaba Kouda, qui a consacré sa vie à la culture, s’est investi pour développer ce chapeau de Saponé. D’autres peuples, comme les Nioniossé, plus nombreux que les mossis ont donc vite adopté ce chapeau. Il a fini par les symboliser et ils l’ont adopté à tel point qu’il se retrouve partout.

La marque emblématique du Faso
Ce chapeau de Saponé qui a voyagé à travers tous les continents est devenu une marque de l’identité culturelle burkinabè. « Vers 1979, j’ai été à Atlanta, en Géorgie, aux USA où j’ai prononcé une conférence à la mairie d’Atlanta. Après la conférence, j’ai été conduit dans la famille de Martin Luther King.

Lorsque j’ai quitté la zone, j’ai été surpris qu’un professeur d’université, qui cherchait l’origine des cheveux des Rastaman, recommandé par les Amis de la littérature africaine (ALA) a parcouru près de 2 000km pour me retrouver. Très édifié par les réponses, à son retour, il m’a ramené le chapeau de Saponé, qu’il a vu en vente, comme cadeau », a- t-il cité comme exemple. Il a même été à Austin, aux Texas, dans le musée du président Lyndon Jonhson, où il a été édifié par la présence du chapeau de Saponé parmi la collection de la Haute-Volta dans son musée. Le chapeau a connu une diffusion à travers le monde. D’ailleurs, de nombreux pays africains fabriquent ce chapeau avec plus ou moins de mérites sous l’angle de l’esthétique, sinon, ils tirent leur origine du Burkina Faso. A entendre le roi de Manéga, le chapeau de Saponé n’a pas connu d’évolution dans sa forme, mais a connu plusieurs innovations sur le plan esthétique avec les couleurs, la peau, les enjoliveurs, etc. C’est ainsi que le mogho naba Kouda a tout fait pour développer ce chapeau.

Il a surtout consacré sa vie à la culture, a-t-il dit. Aujourd’hui, si maitre Pacéré salue cette haute reconnaissance, il reste tout de même inquiet quant à la survie du chapeau. Puisque les fameux roseaux, la matière de base qui servent la matière de base se font rares. Et les fabricants sont obligés d’aller au Ghana, pour s’en procurer. Toute chose qui joue sur le coût du chapeau. C’est pourquoi, il a demandé aux autorités de curer la mare symbolique de Saponé où semble-t-il ce premier Naaba Kouda, s’est courbé pour se mirer et se servir des roseaux pour confectionner son chapeau. Ou à défaut, de réaliser un barrage dans la zone ou ailleurs pour la culture des roseaux. Au cours des échanges avec la presse, maître Pacéré a loué l’admission des ruines de Loropeni et les sites métallurgiques (forges) à l’UNESCO. « Au niveau du Burkina nous pouvons faire reconnaitre beaucoup d’éléments de notre culture comme la Bendrologie ou le langage des tam-tams et de celui des masques par l’OAPI et l’UNESCO », a- t-il fait savoir.

Il en est de même pour certains éminents prix, auxquels les Burkinabè peuvent s’affirmer. « A tout point de vue, nous avons des valeurs éminentes. Nous avons des valeurs assez élevées et de très grandes importances, mais nous préférons nous coucher sur la natte du voisin, encore que le voisin peut un jour nous retirer sa natte. », a-t- il déploré. Il a fait remarquer que les Burkinabè ne sont pas conscients de l’importance qu’ils représentent pour eux-mêmes. « Nous autres Burkinabè, nous sommes plus hauts que la taille de notre crête, car nous avons trop de valeurs que nous méconnaissons », a soutenu maître Pacéré.

Mariam OUEDRAOGO
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