Les nouvelles autorités du Burkina viennent de décider d’un recrutement exceptionnel au profit de l’armée burkinabè. En effet, cette année-ci, l’on projette de recruter 3 000 soldats pour renforcer les rangs de la Grande muette. En rappel, depuis 2016, l’Etat recrute par an 2 000 soldats. 1 000 soldats supplémentaires viendront donc s’ajouter à ces 2 000 pour faire un total de 3 000. Initialement prévu pour le mois de juin prochain, ce recrutement exceptionnel a été ramené au mois de mai. L’on peut d’emblée saluer l’effort du gouvernement, d’augmenter le nombre de recrues. Cet effort vaut d’autant plus son pesant d’or que le pays traverse aujourd’hui des moments très difficiles aux plans sécuritaire et économique. C’est donc un énorme sacrifice que l’Etat va consentir, pour assurer la prise en charge de ces 3 000 soldats. L’on peut aussi relever et saluer la cohérence du gouvernement dans cette démarche. L’on se souvient, en effet, que récemment, le gouvernement avait procédé au rappel des soldats admis à la retraite ces trois dernières années. L’on peut logiquement comprendre que le gouvernement entreprenne de pallier ce problème par un recrutement massif de soldats. Ceci donc explique cela. Même en temps de paix, un Etat normal recrute. En temps de guerre, et c’est le cas au Burkina, le recrutement peut être décrypté comme un impératif catégorique. Et le fait de ramener le recrutement de juin à mai, est la preuve, entre autres, que les choses sont pressantes. Mais, tout en reconnaissant le bien-fondé de ce recrutement exceptionnel au profit de l’armée burkinabè, l’on peut se poser la question de savoir si le problème d’effectif n’est pas l’arbre qui cache la forêt.
Le moral de la troupe est un élément déterminant dans l’issue d’une guerre
En effet, il est probable que ce qui handicape véritablement l’armée burkinabè, dans la riposte qu’elle apporte au terrorisme, réside dans des considérations autres que dans le problème d’effectif. La première de ces considérations pourrait avoir un lien avec la corruption qui sévit au sein de la Grande muette. Et ce n’est pas en faisant l’autruche que l’on va pouvoir se soustraire à la réalité. Les autorités maliennes ont eu le mérite de le reconnaître, si fait qu’aujourd’hui, le phénomène est en train d’être combattu sérieusement dans l’armée. Au Burkina, il suffit d’ouvrir l’oeil et le bon, pour constater que la corruption a gangréné presque toute l’institution militaire. Et la pathologie s’est installée depuis Blaise Compaoré à tel point que les misions onusiennes s’obtenaient à coups de corruption. La conséquence immédiate de cela, ce sont les frustrations. La deuxième considération que l’on peut invoquer au titre des facteurs qui handicapent l’armée, est liée à l’état d’esprit de la troupe. Certes, il y a des soldats dont l’engagement et la détermination à défendre la patrie, sont entiers, mais l’on peut se risquer à dire qu’il y en a aussi qui sont loin d’avoir ces qualités. Le moral de la troupe, tout le monde le sait, est un élément déterminant dans l’issue d’une guerre. Pour tirer ce moral vers le haut, il faut, en plus d’améliorer les conditions de vie et de travail des combattants, faire en sorte que leurs chefs s’illustrent dans l’exemplarité. En 1974, lors de la première guerre contre le Mali, Thomas Sankara, à la tête de ses hommes à Banh, s’est illustré dans ce sens. En 1985, lors de la guerre de Noël, ce fut le cas avec Blaise Compaoré et Boukary Kaboré dit le lion et l’on en oublie. Les officiers d’aujourd’hui doivent absolument s’inspirer de leurs exemples en matière d’investissement et d’engagement auprès de leurs hommes, sur les théâtres d’opérations. Bien sûr, ce genre d’officiers existent dans notre armée. Mais, plus il y en aura, plus la chance que les rapports de force s’inversent en faveur de l’armée, augmentera. La dernière considération que l’on peut invoquer est d’ordre stratégique. L’on peut, en effet, avoir l’impression que la stratégie mise en place pour casser les reins des terroristes, n’est pas adaptée à la nature asymétrique de la guerre. Comme la science militaire est complexe, peut-être que cela n’est pas avéré. En tout cas, ils sont nombreux les Burkinabè qui pointent, à tort ou à raison, ce manque de stratégie. Le recrutement massif au profit de l’armée, a été annoncé alors que les autorités de la transition font des sorties terrain à l’intérieur du pays. Les objectifs annoncés sont de toucher du doigt les réalités du front et de booster le moral de la troupe. Ainsi, le lieutenant-colonel Damiba a déjà effectué deux sorties sur le terrain, respectivement au Nord, au Sahel (Djibo) et au Centre- Nord (Barsalogho). Son Premier ministre, Albert Ouédraogo, était récemment à Dori, en tenue militaire. La présence du chef suprême des armées et celle de son Premier ministre, dans les zones à haut défi sécuritaire aux côtés des forces combattantes, sont certainement une bonne chose mais elles ne sont pas suffisantes pour gagner la guerre contre le terrorisme.