En définissant « le carême comme un voyage de retour à Dieu », le pape François expliquait que c’est un voyage qui implique toute notre vie et tout notre être. La marche des catholiques depuis le mercredi 2 mars dernier, vers Pâques, par l’imposition des cendres, s’inscrit déjà dans une telle perspective. Marche qui, pour le pape François, doit s’effectuer comme « un voyage de retour à Dieu », à l’instar du fils prodigue.
Au premier jour du carême, on a vu beaucoup de gens se bousculer aux portes des églises et des chapelles pour recevoir les cendres. Quelles que soient les motivations de ces grandes mobilisations à l’occasion des cendres marquant le début du carême, il faut toujours se rappeler que dans la bible, se couvrir la tête de cendre, est une manière pour les pécheurs de reconnaitre leur état et de devenir des pénitents. On le voit avec le roi et les habitants de Ninive. A la prédication de Jonas, le roi « s’est couvert d’une toile à sac, et s’est assis sur la cendre » en mettant par décret un coup d’arrêt à toute la vie socio-économique, afin de recevoir le pardon de Dieu, lui et tous les siens. (Jon 3, 6). Ce qu’il nous faut considérer et imiter ici, c’est la conversion de Ninive, ville impie.
Ce retournement ou conversion doit nous donner de mesurer la gravité de notre état de pécheur et de pouvoir ainsi demander pardon à Dieu avec un repentir sincère et dans l’humilité : prendre sur soi la décision de se détourner de tout ce qui est mauvais dans sa vie, pour se tourner vers Dieu avec un cœur contrit et vers le prochain avec un cœur aimant et généreux. C’est une forme de « voyage retour à Dieu ». Car plus on est proche de Dieu, plus on l’est du prochain. Ainsi donc, quand on vient recevoir les cendres, le mercredi des cendres, il suffit d’avoir envie de revivre avec Jésus, d’avoir envie de marcher vers Pâques, en reconnaissant notre péché, nos faiblesses et en ayant envie d’être ressuscité par Jésus ; d’être pardonné, réconcilié, purifié, renouvelé par lui dans sa Pâques. Et alors, notre « voyage retour à Dieu » pourra s’accomplir comme il faut. Ce qui, à coup sûr, nous donnera d’expérimenter que le pardon donné et reçu, surtout le pardon de Dieu, est une fête. Tel fut le cas du fils prodigue auquel le pape fait allusion en définissant le carême comme « un voyage de retour à Dieu ».
De fait, pardonner, selon la définition de Xavier Léon-Dufour, dans le Dictionnaire du Nouveau Testament, c’est « rétablir la relation entre deux êtres, rompue à cause d’une offense ». Dans les Écritures, c’est Dieu l’offensé qui cherche à renouer avec ses créatures qui se sont perdues en s’éloignant de lui, en désobéissant à ses commandements, en maltraitant les petits et les pauvres. Il attend des hommes une conversion du cœur qui doit se traduire par un changement d’attitude. Jésus raconte plusieurs paraboles qui fonctionnent sur l’opposition perdu-retrouvé et laissent entrevoir que Dieu est passionnément attaché à retrouver ce qui était perdu : la parabole de la brebis égarée pour laquelle le berger éprouve une grande joie quand il l’a retrouvée (Luc 15, 4-7); celle de la pièce d’argent que retrouve une femme qui l’avait égarée (Luc 15, 8-10). La parabole du fils prodigue qui exprime comment Dieu qui attend le retour du pécheur, est totalement disposé à vivre une nouvelle relation avec lui ; et, sans tenir compte des transgressions du passé lui ouvre un avenir réellement neuf (Luc 15, 11-32). Telle est la perspective du « voyage retour à Dieu » que ouvre le carême, chaque année. Voyez-vous ! En prenant son héritage, le fils prodigue ici coupe tout lien. Mais dès son retour, le père lui redonne son statut de fils. Par l’attitude du Père, nous comprenons que le pardon de Dieu n’est pas une question de mérite ou d’héritage.
C’est un lien d’amour rétabli. Et c’est dans cette dynamique que nous devons recevoir les cendres pour entrer en carême en vue d’être ‘‘christifiés’’ à pâques. En somme, la symbolique de se faire imposer des cendres doit nous faire prendre conscience de la pauvreté de notre condition humaine sans Dieu. Sans Dieu, on meurt. Sans Dieu, on est comme de la cendre parce que Dieu n’est que vie et quand on s’en éloigne, on devient de la cendre, ou de la poussière si vous voulez. Mais quel que soit l’état de poussière ou de cendre de notre être, quand Dieu y vient, la vie reprend ; la vie y renait, et, de plus belle. C’est pourquoi, et, disons-le tout net. Le carême n’a aucune signification en lui-même sinon d’être une préparation à la célébration de la Pâques et au don de la vie nouvelle. Dans ce sens, il faut reconnaître avec le pape François que « les cendres sont mises sur notre tête pour que le feu de l’amour s’allume dans nos cœurs ». Le Carême exige des efforts de notre part. C’est la preuve que Dieu nous respecte. Jésus, tout Fils qu’il était, n’a pas été exempté lui non plus. Prenons-le donc comme modèle, mais surtout comme premier compagnon de route jusqu’à Pâques. Fasse Dieu que cette flamme prenne en chacun de vous, se nourrisse des efforts, des prières et surtout de la Parole de Dieu afin de grandir à la stature de la flamme de Pâques à venir…