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Procès Thomas Sankara : Le Conseil constitutionnel juge « non fondées » les requêtes des avocats de la défense aux fins d’inconstitutionnalité des poursuites d’attentat à la sûreté de l’état…

Publié le samedi 19 mars 2022  |  Netafrique.net
Burkina
© Autre presse par DR
Burkina Faso : le procès Sankara suspendu jusqu`au "rétablissement de la Constitution"
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Le Conseil constitutionnel a débouté vendredi Mory Aldiouma Jean Pierre Palm, Tibo Ouédraogo et Bossobé Traoré, poursuivis dans le cadre du dossier Thomas Sankara, en jugeant les articles 313-1 et 313-2 du Code pénal conformes à la Constitution. Le procès avait été suspendu afin de permettre au Conseil constitutionnel de rendre sa décision.

Décision n° 2022-005/CC sur les requêtes de messieurs Mory Aldiouma Jean Pierre PALM, Tibo OUEDRAOGO et TRAORE Bossobé en exception d’inconstitutionnalité des articles 313-1 et 313-2 du Code pénal

Le Conseil constitutionnel,

Vu la Constitution ;

Vu la Charte de la Transition ;

Vu la loi organique n° 011-2000/AN du 27 avril 2000 portant composition organisation, attributions· et fonctionnement du Conseil constitutionnel et procédure applicable devant lui ;

Vu le Code pénal ;

Vu le règlement intérieur du Conseil constitutionnel du 06 mai 2008 ;

Vu la décision n° 2010-05/CC du 24 mars 2010 portant classification des décisions du Conseil constitutionnel ;

Vu la requête aux fins de déclaration d’inconstitutionnalité du 1er mars 2022 de Maître Moumouny KOPIHO, agissant pour le compte de son client monsieur Mory Aldiouma Jean Pierre PALM ;

Vu la lettre n° 22-002/Ch. Pr. Inst du 03 mars 2022 du Président de la Chambre de Première Instance du Tribunal militaire transmettant la requête aux fins de déclaration d’inconstitutionnalité des articles 313-1 et 313-2 du Code pénal du 1er mars 2022 de Maître Moumouny KOPIHO, agissant pour le compte de son client monsieur Mory Aldiouma Jean Pierre PALM ainsi que celle aux mêmes fins de Maîtres Victoria NEBIE et Maria KANYILI, agissant au nom de leurs clients messieurs Tibo OUEDRAOGO et Bossobé TRAORE;

Vu les pièces du dossier;

Ouï le Rapporteur ;

Considérant que par requête en date du 1er mars 2022, reçue et enregistrée au greffe du Conseil constitutionnel le 02 mars 2022 sous le numéro 03, monsieur Mory Aldiouma Jean Pierre PALM, ayant pour Conseil Maître Moumouny KOPIHO, a saisi le Conseil constitutionnel aux fins de déclaration d’inconstitutionnalité des articles 313-1 et 313-2 du Code pénal ; que par lettre n° 22-002 du 03 mars 2022, le Président de la Chambre de Première Instance du Tribunal militaire de Ouagadougou a transmis au Conseil constitutionnel la même requête ainsi que celle de messieurs Tibo OUEDRAOGO et de Bossobé TRAORE, ayant pour Conseils Maîtres Victoria NEBIE et Maria KANYILI , aux mêmes fins ;

Considérant que dans sa requête , monsieur Mory Aldiouma Jean Pierre PALM expose que le 24 janvier 2022, une mutinerie militaire commencée la veille s’est muée en coup d’Etat et un groupe de militaires a pris le pouvoir d’Etat et proclamé l ‘ a vènement du Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration (MPSR) ; que le MPSR, présidé par le Lieutenant-Colonel des Forces Armées Nationales, monsieur Paul Henri Sandaogo DAMIBA a suspendu la Constitution et dissout le Gouvernement en place ainsi que l’Assemblée nationale ; qu’il a produit une photocopie de la lettre de démission de monsieur Rock Christian Marc KABORE, Président du Faso démocratiquement élu.

Considérant qu’il soutient que par sa décision n° 2022-004/CC du 08 février 2022, le Conseil constitutionnel a dévolu les fonctions de Président du Faso au Président du MPSR, monsieur Paul Henri Sandaogo DAMIBA, Lieutenant-Colonel des Forces Armées Nationales, pour compter du 24 janvier 2022; que le coup d’Etat constitue une infraction d’attentat à la sureté de l’Etat, consistant en un changement par la violence d’un régime légal, prévue et punie par l’article 313-1 et suivants du Code pénal ; que cette décision du Conseil constitutionnel consacre la prise de pouvoir par la force comme un mode constitutionnel de dévolution du pouvoir; qu’elle rend par conséquent les articles 313-1 et 313-2 du Code pénal contraires à la Constitution et l’infraction désormais inexistante ;

Considérant que le requérant fait valoir qu’il fait l’objet de poursuite devant le tribunal militaire pour complicité d’attentat à la sureté de l’Etat, en relation avec le coup d’Etat du 15 octobre 1987 ; que cette poursuite est attestée par l’arrêt n° 06 du 13 avril 2021 de la Chambre de contrôle de l’instruction du Tribunal militaire de Ouagadougou;

Considérant que s’appuyant sur les dispositions des articles 157 de la Constitution et

25 de la loi organique n° 011-2000/AN du 27 avril 2000 portant composit ion, organisation, attributions et fonctionnement du Conseil constitutionnel relatives à la saisine du Conseil constitutionnel par la voie de l’exception d’ inconstitut ionnalité, il demande au Conseil constitutionnel de déclarer les articles 313-1 et 313-2 du Code pénal contraires à la Constitution et par conséquent non applicables au regard de la décision n° 2022-004 /CC du 08 février 2022;

Considérant que c’ est dans le même ordre d’idée que s’inscrit la requête introduite par Maîtres Victoria NEBIE et Maria KANYILI au nom de leurs clients messieurs Tibo OUEDRAOGO et Bossobé TRAORE ;
En la forme

Considérant que les requêtes de messieurs Mory Aldiouma Jean Pierre PALM, Tibo OUEDRAOGO et Bossobé TRAORE portent sur le même objet ; que pour une bonne administration de la justice, il convient de les joindre pour statuer par une seule et même décision;

Considérant qu’aux termes de l’article 152, alinéa 1er, de la Constitution,« Le Conseil constitutionnel est l’institution compétente en matière constitutionnelle et électorale. Il est chargé de statuer sur la constitutionnalité des lois, des ordonnances, ainsi que la conformité des traités et accords internationaux avec la Constitution » ;

Considérant que l’article 157, alinéa 2, de la Constitution dispose que,« … tout citoyen peut saisir le Conseil constitutionnel sur la constitutionnalité des lois, soit directement, soit par la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité invoquée dans une affaire le concernant devant une juridiction. Celle-ci doit surseoir jusqu’à la décision du Conseil constitutionnel qui doit intervenir dans un délai de trente (30) jours à compter de sa saisme » ;

Considérant que la saisine du Conseil constitutionnel par messieurs Mory Aldiouma Jean Pierre PALM, Tibo OUEDRAOGO et Bossobé TRAORE, suivant la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité, pour connaitre d’une question relevant de sa compétence, est régulière conformément aux articles 152 et 157 de la Constitution ; qu’il y a lieu de déclarer leurs requêtes recevables ;

Sur l’inconstitutionnalité des articles 313-1 et 313-2 du Code pénal

Considérant que les requérants invoquent les dispositions des articles 37, 38 et 43 de la Constitution relatives à l’élection au suffrage universel du Président du Faso et aux conditions de son remplacement en cas de vacance de la Présidence du Faso pour faire grief à la décision n° 2022-004/CC du 08 février 2022 du Conseil constitutionnel d’avoir dévolu les fonctions de Président du Faso à monsieur Paul Henri Sandaogo DAMIBA, Lieutenant-Colonel des Forces Armées Nationales, pour compter du 24 janvier 2022 ; qu’ils considèrent que le coup d’Etat constitue une infraction d’attentat à la sureté de l’Etat, consistant en un changement par la violence d’un régime légal, prévue et punie par les dispositions de l’article 313-1 et suivants du Code pénal ; que cette décision du Conseil constitutionnel consacrerait la prise de pouvoir par la force comme un mode constitutionnel d’accession aux fonctions de Président du Faso ; qu’elle rendrait les articles 313-1 et 313-2 du Code pénal contraires à la Constitution et que par conséquent l’infraction serait inexistante ;

Considérant que l’avènement du MPSR a été porté à la connaissance de l’opinion publique le 24 janvier 2022 par plusieurs communiqués ; que par le communiqué n°l, le MPSR s’est adressé au Peuple et aux Amis du Burkina Faso ; qu’il a motivé la prise de pouvoir par la dégradation continue de la situation sécuritaire qui menace les fondements même de la nation, l’incapacité manifeste du pouvoir de monsieur Roch Christian Marc KABORE à unir les Burkinabè pour faire face efficacement à la situation et décidé d’assumer ses responsabilités devant l’histoire, la communauté nationale et internationale ; que par le communiqué n° 2, il a porté à la connaissance de l’opinion nationale et internationale, la suspension de la Constitution, la dissolution du Gouvernement et de l’Assemblée nationale, la fermeture des frontières terrestres et aériennes et l’instauration d’un couvre-feu; que par le communiqué n° 3, il a chargé les secrétaires généraux des départements ministériels de l’expédition des affaires courantes jusqu’à nouvel ordre;

Considérant que ces actes du MPSR, qui sont constitués principalement de communiqués, ont régi la vie de la nation entre le 24 et le 29 janvier 2022 ; qu’ils ont eu pour effet d’impacter le fonctionnement régulier des institutions du Burkina Faso avec la démission du Chef de l’Etat, monsieur Roch Christian Marc KABORE, la suspension de la Constitution, la dissolution du Gouvernement et de l’Assemblée nationale ;

Considérant que par l’ Acte fondamental du MPSR du 29 janvier 2022 prenant effet à compter du 24 janvier 2022 et signé de son Président, monsieur Paul Henri Sandaogo DAMIBA, le MPSR a émis un acte d’ordre juridique qui a été voulu de valeur constitutionnelle; que cet acte a défini un cadre normatif provisoire, destiné à assurer la continuité de l’Etat au plan national et international; qu’aux termes des dispositions de l’article 35, alinéa 1, de l’Acte fondamental, avant l’adoption d’une Charte de la transition, les dispositions de l’Acte fondamental fondent les pouvoirs du MPSR; que l’alinéa 2, du même article dispose que dès sa signature, l‘Acte fondamental lève la suspension de la Constitution du 02 juin 1991 qui s’applique à l’exception de ses dispositions incompatibles avec l’ Acte fondamental ;

Considérant qu’en levant la mesure de suspension de la Constitution du 02juin 1991, l’Acte fondamental est apparu comme une norme juridique provisoire à valeur constitutionnelle ; que réhabilité dans ses attributions, le Conseil constitutionnel a pu constater la vacance des fonctions de la Présidence du Faso par sa décision n° 2022- 003/CC du 08 février 2022 ;

Considérant que dans ces circonstances, les conditions de la dévolution des fonctions de Président du Faso telles que prévues à l’article 43 de la Constitution, en ce qu’elles sont contraires aux dispositions de l’Acte Fondamental, ne pouvaient pas recevoir application ; qu’il est à constater que le Titre III de la Constitution relatif au Président du Faso n’était pas compatible avec le Titre 4 de l’ Acte fondamental qui traite du Président du Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration ;

Considérant que l’article 28 de l’Acte fondamental a consacré l’effectivité de l’exercice des fonctions de Président du Faso par le Président du MPSR, le Lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo DAMIBA et sa prestation de serment devant le Conseil constitutionnel ; qu’en rétablissant la Constitution dans la perspective d’un retour progressif à la légalité constitutionnelle, l’ Acte fondamental s’est posé en norme de référence en complément de la Constitution ;

Considérant qu’en prenant en compte les limites temporelles de l’Acte fondamental du 29 janvier 2022 comme norme juridique transitoire, le Conseil constitutionnel n’a fait que constater que les dispositions de l’article 28 de l’Acte fondamental ont conféré les fonctions de Président du Faso et prescrit sa prestation de serment devant lui ; que le Conseil constitutionnel a tiré la conséquence de cette dévolution effective des fonctions de Président du Faso au Président du MPSR, le Lieutenant-Colonel Paul Henri Sandaogo DAMIBA, par sa décision n° 2022-004/CC du 08 février 2022 ;

Considérant que le Conseil constitutionnel s’est inscrit par cette décision dans ses missions de régulation du fonctionnement des institutions de l’Etat, mais aussi d’application et d’interprétation de la Constitution dans sa lettre et dans son esprit, dans un contexte où le Burkina Faso n’a pas la maitrise de ses limites territoriales ni la fixité de sa population ; que la décision n° 2022-004/CC du 08 février 2022 ne saurait par conséquent être légitimement assimilée à un mode constitutionnel d’accès aux fonctions de Président du Faso;

Considérant que c’est à tort que les requérants soutiennent que la décision n° 2022- 004/CC du 08 février 2022 sur la dévolution des fonctions de Président du Faso est une reconnaissance par le Conseil constitutionnel du coup d’Etat comme un mode constitutionnel d’accès au pouvoir d’Etat;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les articles 313-1 et 313-2 du Code pénal ne sont pas contraires à la Constitution ; qu’il s’ensuit que les requêtes de messieurs Mory Aldiouma Jean Pierre PALM, Tibo OUEDRAOGO et Bossobé TRAORE doivent être rejetées comme étant mal fondées ;

Décide:

Article 1er : les requêtes en déclaration d’inconstitutionnalité des articles 313-1 et 313-2 du Code pénal de messieurs Mory Aldiouma, Jean Pierre PALM, Tibo OUEDRAOGO et Bossobé TRAORE sont recevables.

Article 2 : les articles 313-1 et 313-2 du Code pénal sont conformes à la Constitution.

Article 3 :les requêtes en déclaration d’inconstitutionnalité des articles 313- 1 et 313-2 du Code pénal de messieurs Mory Aldiouma Jean Pierre PALM, Tibo OUEDRAOGO et Bossobé TRAORE sont rejetées comme étant non fondées.

Article 4 : la présente décision sera notifiée au Président du Faso, au Premier ministre, au Président de la Chambre de première instance du Tribunal militaire, aux requérants et publiée au Journal officiel du Burkina Faso.

Ainsi délibéré par le Conseil constitutionnel en sa séance du 18 mars 2022, où siège
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