Le tribunal de Ouagadougou a suspendu, jeudi 3 mars 2022, le procès Sankara, attendant que le Conseil constitutionnel tranche sur une requête de la défense liée à la légitimation du lieutenant-colonel Paul Henri Sandaoba Damiba, président du Burkina Faso.
En effet, Maître Diakité, avocat de l’accusé Jean-Pierre Palm, a invoqué une « exception de constitutionnalité » en ce qui concerne les charges qui pèsent sur son client, à savoir une atteinte à la sûreté de l’État. Il a été suivi par deux autres confrères qui lui ont immédiatement emboîté le pas et l’audience a été suspendue.
Les avocats de la défense estiment que les événements politiques récents au Burkina Faso ont modifié la donne du procès. En février, le Conseil constitutionnel a reconnu le lieutenant-colonel Damiba, à l’origine du coup d’Etat du 24 janvier, comme président du Burkina Faso. La reconnaissance de la Conseil constitutionnel traduit le fait que le coup d’État est un mode légal d’accession à la présidence au Burkina Faso, ainsi ne constituerait plus une atteinte à la sûreté de l’État.
Donner raison à cette requête reviendrait à légaliser le coup d’État, ce qui aurait les conséquences très lourdes pour le droit burkinabè.
“La conséquence, elle est désastreuse pour l’État de droit naturellement”, prévient l’avocat des parties civiles, Maître Prosper Farama. “Ça voudrait dire que pour ce procès, tous ceux qui sont poursuivis pour atteinte à la sûreté de l’État dans le cadre de l’assassinat du président Sankara ne pourraient pas être condamnés parce qu’ils auraient agi de façon légale. Ils auraient organisé un putsch pour accéder au pouvoir, ce qui serait selon le Conseil constitutionnel un mode d’accès au pouvoir, et non plus une infraction”, a dit Me Farama.
Sur ce point au moins, tous les avocats ce jeudi matin étaient d’accord. A savoir, compte tenu de l’histoire du Burkina Faso, il est impératif que le Conseil constitutionnel clarifie cette question. Il doit se prononcer dans un délai d’un mois.
Après un long débat sur le sujet, le tribunal a décidé de suspendre de nouveau le procès, attendant que le Conseil constitutionnel tranche la question.
L’audience du procès Thomas Sankara et compagnons, qui devait reprendre ce jeudi 3 mars, avait été suspendue mardi 08 février 2022, pour permettre aux avocats de la défense de peaufiner leurs arguments.
A l’audience de ce mardi 8 février, le parquet militaire a requis 11 ans de prison avec sursis contre le colonel-major de gendarmerie à la retraite Jean Pierre Palm. Accusé de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, il lui a été reproché entre autres d’avoir débranché la table d’écoute des services de renseignement de la gendarmerie et d’avoir permis l’arrestation et la détention de plusieurs camarades de Thomas Sankara, au lendemain du coup d’Etat du 15 octobre 1987.