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Lutte contre l’insécurité : « Il faut qu’on sente que le MPSR est aux prises avec l’hydre terroriste », Laurent Kibora, expert en sécurité

Publié le mercredi 23 fevrier 2022  |  AIB
Laurent
© Autre presse par DR
Laurent Kibora, expert en sécurité et développement
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Le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) est-il la solution miracle à l’insécurité au Burkina Faso ? Dans cette interview accordée à Sidwaya, Laurent Kibora, expert en sécurité, nous donne sa réponse sur la question. Lisez plutôt !

Sidwaya (S) : En tant que citoyen burkinabè, comment avez-vous accueilli l’avène-ment du Mouvement patriotique pour la sauve-garde et la restauration (MPSR)?

Laurent Kibora (L.K.) : Je dirais plutôt qu’en tant que chercheur sur les questions sécuritaires, nous avons vu venir les choses. Mais personnellement, j’ai accueilli l’avènement du MPSR comme tous les Burkinabè. En effet, le MPSR est venu à un moment où le peuple voulait vraiment un changement et attendait d’être sauvé. Son avènement s’inscrit donc dans cette logique c’est-à-dire dans la nécessité de sauver le Burkina Faso qui était en train de sombrer sous la menace terroriste.

S : Pensez-vous que le changement de régime était vraiment indispensable au regard de la dégradation de la situation sécuritaire nationale ?

L.K. : Il est vrai que c’est un changement anti-constitutio-nnel mais qui était indispensable. Il pouvait se faire par le MPSR ou toute autre alternative. C’est-à-dire par ceux mêmes qui détenaient le pouvoir. Ces derniers étaient à mesure d’opérer un changement radical mais cela tardait à venir. La situation s’est davantage détériorée et les militaires ont pris l’initiative de venir à la rescousse du peuple. On ne peut donc qu’espérer que ces personnes puissent vraiment tenir parole et sauver le Burkina du gouffre dans lequel il est en train de sombrer.

S : Selon vous, l’avènement du MPSR occasionnera-t-il un changement radical dans la lutte contre l’insécurité au Burkina Faso ?

L.K. : Je ne suis pas dans le secret du MPSR, mais je m’en tiens au discours du président du Faso et à ses compétences. En effet, Paul-Henri Sandaogo Damiba, tout comme ses proches collaborateurs, sont des spécialistes de la question sécuritaire. Ce sont des officiers aguerris qui ont fait le terrain et qui comprennent mieux le phénomène du terrorisme plus que les civils. Le changement devra donc venir logiquement.

S : Comment devra s’opérer ce changement?

L.K. : Cela doit se faire sur la base des erreurs passées, c’est-à-dire ce qui a amené la détérioration de la situation. Il faudrait surtout que les membres du MPSR ne tombent pas dans ces mêmes erreurs. Ils doivent travailler à créer une bonne synergie entre le renseignement et l’opérationnel. Ils doivent également avancer dans une posture offensive et empêcher les groupes terroristes de recruter. Comme on le dit, l’arme peut tuer le terroriste mais pas le terrorisme. Les nouvelles autorités devront donc s’atteler à inverser la tendance afin de prouver à l’opinion qu’elles sont venues pour sauver le peuple. Mais pour y arriver, il faut qu’elles travaillent avec tout le monde et dans l’intérêt de tous. Elles doivent éviter de se hasarder sur l’arène politique. Les partis politiques sont ce qu’ils sont avec leurs qualités et leurs défauts. Il ne faudrait pas que les membres du MPSR aillent dans ce domaine. Ils ne doivent pas se mêler des contentieux politiques pour rendre justice. Ils doivent laisser cet aspect aux autorités politiques qui seront mises en place après la Transition afin d’éviter que les politiques se sentent brimés ou soient perçus comme leurs ennemis. Le MPSR, tel que nous l’avons compris, n’a pas d’ennemi. Il est venu pour arranger tout le monde, y compris les hommes politiques. Il devrait donc éviter une éventuelle chasse aux sorcières.

S : L’on remarque que les attaques terroristes conti-nuent d’être perpétrées en dépit du changement de régime. Qu’en dites-vous ?

L.K. : Cette situation ne surprend pas les spécialistes de la question. En effet, il fallait s’y attendre. Et ce, dans la mesure où les attaques terroristes obéissent à une logique préétablie par les plus grands penseurs du jihad. L’avènement du MPSR a été favorisé par les attaques terroristes. Depuis que le Burkina Faso connait ces attaques, personne ne s’est demandé pourquoi nous sommes attaqués et que veulent ceux qui nous attaquent. En réalité, ce qu’ils cherchent est de s’implanter et prendre la place de l’Etat. Et pour y parvenir, ils harcèlent les autorités régaliennes de sorte à les discréditer auprès des populations. Une fois que les autorités seront discréditées, c’est eux qui vont s’implanter et imposer leur charia. Ce n’est donc pas parce qu’il y a eu un changement au niveau de la tête de l’Etat qu’ils vont renoncer à leurs ambitions. Les groupes armés souhaitent certes un changement à la tête de l’Etat mais un changement en leur faveur. C’est-à-dire que les populations se tournent vers eux et se disent que ce sont seulement eux qui peuvent les sauver. Il faut donc que les autorités actuelles travaillent rapidement à récupérer les espaces sous emprise des groupes armés pour ne pas leur laisser le temps de s’implanter.

S : Les terroristes intensifient la destruction des pylônes qui permettent d’assurer les communica-tions dans plusieurs localités. Est-ce à dire que la menace prend une dimension plus inquiétante ?

L.K. : Comme je viens de le souligner, les groupes armés radicaux ont toujours des stratégies à l’avance. Pendant que les nouvelles autorités se préparent pour une transition, les terroristes eux se préparent à l’affronter. Pire, ils réfléchissent à comment occuper plus de territoire. Si vous avez remarqué, ils rassemblent les populations dans certaines localités pour faire des prêches et accentuer leur présence. C’est donc dire que face au changement de régime, les groupes armés radicaux ne resteront pas les bras croisés. Ils vont déployer des stratégies pour faire échouer ce que le MPSR est en train de préparer. La destruction des pylônes et des moyens de communication empêche la communication et le renseignement de bien fonctionner. Sans communication comment ceux qui sont sur le terrain et qui récoltent les informations vont les transmettre ? Puisque c’est essentiellement par internet notamment par WhatsApp, Messenger,… qu’ils le font. Si les terroristes parviennent donc à couper le réseau de télécommunication, imaginez les conséquences !

S : D’aucuns estiment que les autorités actuelles s’attardent un peu trop sur l’institutionnel au lieu de s’attaquer au plus urgent qui est la lutte contre le terrorisme. Quel commen-taire en faites-vous ?

L.K. : A ce niveau, les faits parlent d’eux mêmes. En effet, nous constatons que le MPSR s’attarde plus à légitimer son pouvoir plutôt qu’à aller au charbon. Or, là où il sera jugé c’est au pied du mur c’est-à-dire dans la lutte contre l’insécurité. Puisque c’est cela qui a justifié sa prise de pouvoir. Il serait donc préférable que le peuple voit son président à l’action. Qu’il aille au front afin de mettre sa population en confiance et assurer sa crédibilité. Il faut qu’on sente vraiment que le MPSR est aux prises avec l’hydre terroriste. Sa présence doit être visible sur le terrain et non au palais présidentiel.

S : Certaines OSC invitent les nouvelles autorités à couper le cordon ombilical avec la France et à se tourner vers la Russie, comme cela a été le cas au Mali. Pensez-vous que c’est un scénario possible ?

L.K. : Le choix des partenaires est une question délicate. Les relations de la France avec le Mali ne sont pas les mêmes avec le Burkina. Nous ne pouvons donc pas dupliquer les mêmes actions. Le Mali a ses raisons. Le président Damiba a soutenu que le Burkina compte toujours sur ses partenaires. Le pays ne ferme donc pas la porte à ses partenaires mais compte sur leur soutien pour venir à bout du terrorisme. Ce que le président devrait faire c’est de mettre l’accent sur une collaboration sincère et franche avec la France comme il l’a demandé à toutes les composantes de la société lors des différentes rencontres. Il leur a demandé de la franchise, la loyauté et la sincérité. Il faut également que les partenaires occidentaux puissent nous accompagner dans la sincérité afin de sauver notre pays du terrorisme.

S : Notre pays perd-il réellement quelque chose si éventuellement il se tournait vers la Russie ou un autre partenaire au détriment de la France ?

L.K. : Dans tout choix que nous opérons il y a des enjeux. C’est à nous d’évaluer ce qu’il y a à gagner et à perdre. Il ne faudrait pas que nous essayions de faire du mimétisme mais que nous prenions des décisions dans l’intérêt de notre pays. Si c’est dans notre intérêt de changer de partenaires, il faudra le faire. Si nous trouvons également notre intérêt à rester avec nos anciens partenaires, nous devons continuer avec eux. En tous les cas, il faudrait murir la réflexion et ne pas prendre de décision à la hâte.

Propos recueillis par Nadège YAMEOGO
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