Des Agents techniques coton (ATC) de la Société burkinabè des fibres et textiles (SOFITEX) sont très remontés contre la Direction du développement de la production cotonnière (DDPC) dont ils relèvent. Au cœur du mécontentement, la gestion des carrières. Pour ces agents, il n’y a point de doute, la DDPC fait du favoritisme dans la promotion de ces agents. « Faux !» Rétorque la direction générale de la SOFITEX.
S’ils ont décidé aujourd’hui de se faire entendre, notamment, par voie de presse, c’est parce qu’ils disent être à bout de leur souffrance. Car après 24, voire 25 ans de service pour certains à la SOFITEX, ils exercent toujours comme Agents techniques coton (ATC). A priori il ne devait pas y avoir de problème. Sauf qu’ici ces 42 ATC qui se réclament des promotions 1997 et 1998, disent être victimes d’injustice dans les nominations. Et selon leurs dires, les choses se sont davantage empirées lorsqu’il s’est agi de faire monter les Correspondants coton (CC) comme cadres. « Logiquement, les postes de Correspondants coton revenaient immédiatement aux ATC. Mais, la DDPC a trouvé le moyen de nous confier l’intérim. Nous avons travaillé plus de 10 ans comme CC sans être rétablis dans nos droits. En 2014, nous nous sommes rebellés en exigeant qu’on reclasse tous les ATC en catégorie AMT M1. Parce que pour nous, il fallait simplement rendre justice aux agents car tout le monde a fait le travail. En réponse, la direction a estimé qu’on ne pouvait pas reclasser tout le monde dans cette catégorie. Elle a plutôt proposé d’organiser un test. C’est ainsi que 75 ATC ont été recrutés et reclassés en catégorie AMT M1 et les 10 premiers au test ont été retenus comme Correspondants coton sur 220 candidats qui y ont pris part », explique un ATC de la promotion 1997. Cependant, il se souvient que tous les agents n’étaient pas pour le test. « Nous n’étions pas d’accord, mais la direction est arrivée à nous diviser en organisant le test. Ce forcing a cassé notre lutte », regrette-t-il.
Les critères de notation qui passe mal
Il a fallu attendre 2017 pour que la SOFITEX organise à nouveau un second test de recrutement d’agents de maîtrise. A l’issue de ce test, 16 autres agents seront donc reclassés en AMT M1 et le recrutement devait continuer. Dans la foulée, 60 ATC sont recrutés en interne et 60 autres à l’externe. Et notre interlocuteur de préciser qu’à l’époque : « Nous avons dit qu’il fallait plutôt donner la chance à ceux qui travaillent depuis longtemps à l’interne de pouvoir accéder à ces postes. Nous n’avons pas été écoutés. Pire, ils ont recruté au même moment 24 Correspondants coton à l’externe. Chose contre laquelle nous avions vivement protestée sans pouvoir arriver à notre fin ». Toujours selon notre interlocuteur, en 2019 il était prévu d’organiser un autre test qui n’a jamais eu lieu. C’est à partir de là que la DDPC a décidé qu’il fallait désormais évaluer le personnel sur la base des résultats sur le terrain. Cette proposition a été aussitôt balayée du revers de la main par les agents qui ont estimé que la grille de notation n’est pas objective. Au motif qu’elle ne tient pas compte du milieu où l’agent exerce. « On te dit par exemple que pour avoir tel nombre de points, il faut arriver à ouvrir tels nombre de marchés avant le 31 décembre. Ou si tu n’as pas pu emblaver telle superficie, tu es mal noté. En quoi cela est imputable à un agent ? », s’interroge un autre ATC de la première promotion. Pour lui, « le DDPC sait très bien que certains agents ne peuvent rien foutre. On préfère envoyer ces agents-là dans des zones considérées comme productives ou dans les localités où ils ne disposeraient même pas d’assez de groupements. Celui qu’on pense capable, on l’envoie là où la productivité n’est pas abondante ou dans les endroits où les producteurs sont difficiles ». « Quels que soient tes capacités, tu n’auras pas de bonnes notes », martèle-t-il avant d’ajouter que sur la question, « nous avons eu une rencontre avec la direction qui était d’accord avec nous que cette grille n’était pas objective. On s’est même battu pour obtenir un PV là-dessus. Et cette grille devait servir de base pour améliorer les grilles de notations qui allaient venir ».
Les 17 ATCS de la controverse
En janvier 2022, 30 agents sont nommés Agents techniques coton spécialisés (ATCS) sur la base de la notation. La majorité des agents promus sont issus du recrutement de 2017-2018. Dix-sept sont issus de ces promotions et les 13 autres sont des anciens. Stupéfaits, les 42 ATC des promotions 1997 et 1998 ont encore du mal à comprendre comment des agents qui ne totalisent que 4 ou 5 ans de service et qui ont travaillé sous leur coupe comme des conditionneurs, soient subitement promus à l’échelon supérieur. « Même sur la base de la notation, c’est quasi impossible », clament-ils. Selon les protestataires, le hic c’est qu’ils doivent désormais recevoir les ordres de ces derniers. Pour eux, « les choses sont suffisamment claires : la DDPC fait du favoritisme dans la promotion des agents de terrain ». Une situation qui ne permet pas de bons rapports de travail et pourrait même affecter le rendement des agents sur le terrain. Face à ce qu’ils considèrent comme « l’injustice de trop » à leur égard, ils comptent utiliser tous les moyens légaux en leur possession pour se faire entendre. C’est surtout le Directeur du développement de la production cotonnière (DDPC) qui est pointé du doigt. Les agents plaignants reprochent à ce dernier d’avoir fait des nominations sur la base d’affinités et sans la collaboration des autres services.
Réaction de la direction générale
A la suite de ces reproches nous prenons rendez-vous avec la Direction générale de la SOFITEX. C’est le Directeur général Wilfried A. Yaméogo, lui-même en personne, qui nous reçoit dans ses locaux le 15 février 2022. Il était entouré pour l’occasion des chefs des différents départements. Il s’agit du SG François Séogo, du DDPC Ousséni Kaboré, du DPSO Adama Traoré, du DICA Zéphirin Dié, du DRH par intérim Madia Seye et de Sibiri Sou Agronome à la DDPC. « La notation annuelle des agents de terrain (CC, ATCS, ATC) a été instaurée par décision du 05 octobre 2018 en commençant par le maillon le plus cher à la production cotonnière que sont les Correspondants coton, les Agents techniques coton spécialisés et les Agents techniques coton. Cette décision tire sa source de la convention collective de 2004 qui prescrit le principe de l’évaluation des agents. Malheureusement, celle-ci n’a jamais été mise en œuvre. En décidant de la notation, notre objectif est de reconnaitre les mérites des agents et avec pour finalité d’améliorer les indicateurs de performances de la filière cotonnière », fait savoir la direction générale. La décision en question fait mention de ce que « l’évaluation portera sur les critères de base des activités courantes des agents au cours de la campagne cotonnière dans les limites des unités d’encadrements ». Elle précise aussi que « les résultats de cette évaluation permettront à la direction de connaître les performances de chaque agent de terrain, de dynamiser le dispositif d’appui conseil et de récompenser les mérites de chacun ». Au sujet des récriminations qui sont faites à son encontre, le DDPC Ousséni Kaboré rassure qu’en aucun moment sa direction n’a exercé une influence quelconque sur les notes des agents. Parce que les notes sont attribuées depuis les régions cotonnières avant d’être acheminées à la direction générale pour compilation et classement. Pour lui, « tout cela se fait dans la transparence, vu que les critères d’évaluation sont connus de tous. Leur conception a été participative et ouverte si bien qu’en fonction de son résultat chaque agent peut se noter lui-même ». « C’est d’ailleurs sur la base de ces notes qui n’ont d’ailleurs jamais été contestées par quiconque que les propositions ont été faites pour la décoration du contingent 2021 », fait-il savoir. « Ceux qui se plaignent aujourd’hui, sont ceux-là qui ont refusé de se faire évaluer parce qu’ils veulent rester dans leur zone de confort », renchérit le Secrétaire général de la SOFITEX, François Séogo. Selon qui, « un agent qui refuse de se faire évaluer dans une entreprise commet une faute lourde et s’expose à des sanctions ». Mais pour l’heure, la SOFITEX dit s’inscrire dans la dynamique de la sensibilisation dans l’espoir de pouvoir ramener tout le monde à la raison. « Celui qui veut de la promotion, qu’il mouille le maillot », insiste le Secrétaire général de la SOFITEX qui précise par ailleurs que « l’évaluation a été aussi instaurée pour mettre fin aux frustrations entre les agents de terrain ». Car certains agents, au lieu de travailler, passaient plus le temps à se préparer pour les tests de recrutement interne. « L’évaluation est même une recommandation du Conseil d’administration qui va s’étendre prochainement à tous les départements de la SOFITEX », aux dires du DG Wilfried A. Yaméogo. Il dit être conscient qu’un héritage comme la SOFITEX n’est pas aisé à la manœuvre. « Mais, durant notre mandat à la tête de la société, nous avons pris l’engagement de rompre avec les anciennes méthodes. Et nous le faisons avec diligence et prudence. Naturellement, tout changement est source de rejets, mais cela n’empêche pas qu’on aille au bout de nos objectifs », a conclu le Directeur général de la SOFITEX.