Le menu servi au cours de l’Assemblée générale de l’ONU à New York, est probablement l’un des plus variés de l’histoire de l’organisation. C’est aussi l’un de ceux où des dossiers sont de nature à provoquer des indigestions. Il y a de quoi en effet, car, de la Syrie à l’Europe, en passant par l’Afrique, certains auront le sommeil trouble.
L’Afrique retiendra facilement l’attention d’autant que, parmi les sujets les plus cités, nombre de ses crises dominent l’agenda : celle de la prise d’otages survenue récemment au Kenya, mais aussi les dossiers de la République centrafricaine (RCA), de la RD Congo et du Mali, pour ne retenir que ceux-là. La table est donc servie. Pour le malheur des puissants de ce monde, a-t-on envie de dire. Ils brillent en effet, par leur manque de respect des principes les plus élémentaires de l’organisation. Après les tiraillements des années 70, on avait beaucoup espéré. Malheureusement, la fuite en avant semble avoir pris le dessus, comme moyen, si l’on cherchait à mettre fin à toute velléité de contestation. Tant et si bien que l’on peut se demander aujourd’hui : quand la réforme tant attendue aura-t-elle lieu ?
Depuis fort longtemps, le jeu de l’utilisation des vétos est décrié. Pour les critiques, il hypothèque gravement le fonctionnement des Nations unies. Une minorité de pays s’impose à la grande majorité des membres de l’organisation. Cela, dans un milieu où l’on prétend défendre la veuve et l’orphelin, les droits humains et la démocratie. Entre la Société des Nations (SDN) et l’Organisation des Nations unies (ONU) d’aujourd’hui, le monde a pourtant énormément changé. Peut-être pas forcément les intérêts. Il est vrai que le contexte international évolue toujours au gré des grandes puissances. Habiles stratèges, celles-ci savent mettre un point d’honneur à trouver le consensus indispensable pour préserver leurs intérêts égoïstes. De sorte que là où la simple bonne volonté suffit, on sent nettement que d’autres facteurs pèsent encore plus.
Les grandes puissances nous ont trop habitués à leur inconstance dans le respect des principes chers à l’organisation. Par exemple, la Chine et la Russie exploitent à fond la fragilité et les insuffisances des textes pour imposer leur veto dans les tentatives de résolution de la crise syrienne. Jamais, après l’effondrement du bloc soviétique, l’Amérique, terre de liberté, n’aura été aussi éloignée des réformes. Celles-ci auraient pourtant contribué à instaurer un minimum de justice au plan international. Si le monde unipolaire n’est point une solution, le multilatéralisme, qu’on vante tant, reste un vœu pieux. Avec le drame syrien, on voit bien que l’humanité n’est pas au bout de ses peines. L’on assiste ainsi, impuissant, à la reconstitution, sinon même à la consolidation des blocs. Mais, Occidentaux, Russes et Chinois savent toujours se réfugier derrière leurs intérêts. Ils ne donnent nullement l’impression que le peuple syrien constitue pour eux une préoccupation. Quelles qu’elles soient, ces positions sont inacceptables. Elles sont loin d’honorer les puissances qui dictent quotidiennement leurs lois à la grande majorité des peuples de la planète.
Pour les petits pays, l’heure est venue de faire les mutations indispensables. Si l’on veut rendre service à l’humanité, il faut absolument revoir le principe du veto. L’Assemblée générale des Nations unies devrait avoir pour souci premier de faire le toilettage de ses textes. Ceux-ci ont atrocement vieilli, et l’on comprend difficilement pourquoi persister à éviter de réexaminer les facteurs qui empêchent l’organisation d’avancer. Aux yeux de certains, l’Afrique peut continuer de pleurnicher. Les grandes puissances n’en continueront pas moins de défendre leurs intérêts.
Pourtant, l’ONU doit s’ouvrir davantage. Comment peut-il en être autrement ? L’Afrique, par exemple, doit être mieux représentée dans les instances de prise de décisions. Le passage du Ghanéen Koffi Annan à la tête de l’organisation a suffisamment montré que l’Afrique, en dépit de ses errements, est capable de prendre des initiatives salutaires. Plaise à Dieu que les dirigeants africains se réveillent un jour, fassent du sérieux au sommet, et s’acquittent de leurs obligations. C’est un fait que la majorité des pays du Sud, dont ceux du continent noir, n’honorent presque jamais leurs engagements financiers. Une telle démission, profite aux pays riches qui ont beau jeu de renforcer leur position dans les prises de décisions. Les fonctionnaires en poste aux Nations unies, ne peuvent que tenter de limiter les dégâts. Devenus routiniers de la politique internationale, ils assistent, impuissants, au défilé en ordres dispersés des délégations africaines qui parlent rarement d’une seule voix.
A l’Assemblée générale des Nations unies, le « m’as-tu vu », l’emporte généralement sur autre chose dans les délégations africaines. Celles-ci se composent le plus souvent de quelques « experts » venus assister les officiels, mais davantage de « touristes ». La plupart, viennent généralement faire des emplettes, aux frais du contribuable qui ignore tout de leurs « missions ». Mais à travers son menu, cette 68e AG des Nations unies doit rappeler à chaque Africain que le drame du terrorisme s’est déporté chez nous. La plupart de nos Etats n’ayant aucune véritable riposte à opposer aux « djihadistes », il faudra apprendre à vivre désormais avec cette autre hantise. Avec cependant cette assurance que, si nos gouvernants ne savent pas comment contenir le fléau, l’Occident, lui, sera toujours à nos côtés. Certes, le dernier n’est pas exempt de critiques. Mais, le transfert de compétences est devenu si évident que certains dissimulent à peine leur satisfaction.
Quand nous efforcerons-nous d’arrêter de dépendre des autres ? L’Afrique, après la fameuse conférence de Berlin, ne doit pas d’elle-même s’offrir en pâture. Il faudrait pour cela, que prennent rapidement fin ces querelles de chiffonniers auxquelles aiment à s’adonner nos élites dirigeantes. Cas de l’Afrique du Sud et du Nigeria qui luttent désespérément pour représenter le continent au sein de l’exécutif des Nations unies. Ne finira-t-on pas par préférer le Ghana et le Cap Vert, deux modèles tranquilles de démocratie ?
En effet, ces deux pays font autorité sur le continent, en matière d’éthique politique, de respect des libertés démocratiques, et d’alternance vraie. D’où cette pressante invitation aux autres pays africains à faire leur part de mea culpa au quadruple plan moral, politique, économique et financier. Pour l’heure, il convient de relooker le « machin », comme l’appelait feu le président français Charles De Gaule. L’avenir des nouvelles générations en dépend.