Le projet de mise en place du Sénat continue de susciter des réactions. A travers les lignes qui suivent, un citoyen donne son point de vue sur la question. Il s’insurge notamment contre les arguments de ceux qui rejettent la seconde chambre. Pour lui, chaque pays a ses réalités et doit être son propre modèle.La question de la mise en place de la deuxième chambre (Senat) du Parlement dans notre pays continue de faire couler beaucoup d’encre et salive. Depuis la révision constitutionnelle intervenue en Juin 2012, le parlement est désormais bicaméral au Burkina Faso. En effet, l’article 78 de la constitution stipule que : > ; La constitutionnalisation du Senat n’a donné lieu à aucun remous social, ni aucune protestation politique en Juin 2012. En revanche, lorsqu’il s’est agi de la mise en place proprement dite du Senat, une fraction significative de la population s’est opposée et continue de le faire. Même si cette frange protestataire est loin de représenter le peuple, son activisme dans les manifestations de rue est surprenant et peut conduire à des débordements préjudiciables à la paix sociale. Fort heureusement, ce front anti- Senat commence à perdre de partisans sérieux et qui pèsent lourds sur l’échiquier électoral comme l’ADF-RDA troisième force politique du pays qui vient de se désolidariser du groupe anti- Senat pour rejoindre les pro- Senat au motif que le nouveau format de l’institution concocté par le comité de suivi et d’évaluation des reformes politiques du Conseil Consultatif des Reformes Politiques (CCRP) a pris en compte toutes ses préoccupations. L’ADF-RDA faut il le rappeler est l’un des partis politiques ayant proposé au CCRP la création d’un Senat au Burkina Faso. Lors des travaux du CCRP, le parti a adhéré au consensus du Senat. L’ADF-RDA s’était rétracté à cause des modalités de la mise en œuvre de la deuxième chambre.
J’ai pu lire ça et là avec un grand intérêt des points de vue des juristes, des politiques et des personnalités de la société civile sur le Senat. Le moins qu’on puisse dire c’est que toutes ces opinions tantôt convergentes tantôt contradictoires traduisent la vitalité de notre démocratie. Cependant, il y a des erreurs de jugement et d’appréciation dans l’argumentation des anti- Senat.
I- A chaque peuple ses problèmes spécifiques, à chaque peuple son Sénat.
Les adversaires du Senat nous disent ceci en substance :
Ces réflexions sont faites par Me Kam Hervé et plusieurs autres citoyens. Les trois situations décrites plus haut n’existant pas au Burkina Faso, Me Kam et les autres concluent que :>. Ces anti-Senat se trompent ; ils mènent des analyses et des réflexions scolastiques et éclectiques ; il n y a aucune nuance, aucune dialectique dans cette analyse qui s’apparente plutôt à du dogmatisme.
On ne crée pas un Senat au Burkina Faso pour ressembler aux autres. Toutes les Nations ont des problèmes mais toutes n’ont pas les mêmes problèmes. On n’attend pas d’avoir les mêmes réalités politiques, économiques et socio historiques que les autres avant d’améliorer sa gouvernance politique ; les exemples pris par Me Kam et les autres confirment à eux seuls mes propos ; les raisons ayant été à la base de la création du Senat aux Etats-Unis sont bien différentes de celles ayant conduit les Français et les Anglais à le faire.
Anglais, Américains et Allemands… à un moment donné de leur histoire ont eu des problèmes de gouvernance politique et ils ont choisi de crée le Senat comme solution à leur problème et ce fut un succès pour eux.
Au Burkina Faso, nous avons aussi des problèmes à résoudre ce que du reste les anti-Senat reconnaissent.
- Nous n’avons pas, certes, au Burkina Faso (Dieu merci) la terreur à la Robespierre ; mais nous avons la terreur du sous-développement qui se manifeste par l’analphabétisme, la sécheresse, la pauvreté, les maladies, le chômage ….
- Nous n’avons pas de grands et petits Etats à gérer, à équilibrer mais nous avons plus d’une soixantaine d’ethnies, 13 régions et plus de sept cent (700) communes rurales et urbaines engagées dans le processus de décentralisation qui méritent d’être bien gérées ; nous avons plus de quinze(15) millions de Burkinabé à l’extérieur (diaspora) qui sont présentement exclus de fait du processus d’élaboration des lois lesquelles lois s’imposent à eux aussi !!
- Nous avons des conflits communautaires liés à la terre, aux pâturages, à la tradition et à la religion (cas de la province de Koulpélogo-kiogo..), qui emportent des dizaines de vies chaque année et causent d’importants dégâts matériels. Tout cela sape les efforts de développement et menace la paix sociale.
Au Burkina Faso, nous n’avons pas de barons et de lords qui veulent siéger séparément mais nous avons un Parlement composé uniquement des politiques. Du coup la qualité de la production législative s’en trouve amoindrie. A titre d’exemple, l’ « oubli » des législateurs de prévoir des dispositions transitoires dans la constitution après la révision de Juin 2012 ce qui de l’avis de certains constitutionnalistes est inimaginable de la part d’un parlement. Cette situation selon certains juristes a créé un vide juridique ce qui a conduit le comité de suivi et d’évaluation du CCRP à recommander au Président du Faso la saisine du conseil constitutionnel pour nous aider à sortir de cet imbroglio-politico judiciaire qui provient de l’insuffisance de la production législative de Juin 2012. En France, pays que nous aimons citer à tour de bras, on dit que : « l’on fait la politique à l’assemblée nationale et on vote les lois au Senat ».
Dès lors, à chaque peuple ses problèmes, à chaque nation son Senat.
II- Résoudre tous les problèmes socio-économiques des populations avant d’envisager la création du Senat relève du populisme primaire
L’on crée le Senat pour justement parvenir à résoudre les problèmes socio-économiques, environnementaux et culturels des populations. Aucun pays n’a créé le Senat dans une période faste, ni en France, ni aux Etats-Unis ni en Allemagne ni en Angleterre pays que Me KAM et les autres aiment citer comme exemple. Le Senat n’est pas une prime au succès socio-économique d’un pays. Au contraire, plus les problèmes sont nombreux, complexes et diversifiés comme c’est le cas au Burkina Faso, plus il est urgent d’améliorer et de parfaire la production législative grâce au concours de toutes les composantes de la société. Le Liberia est l’exemple historique le plus frappant : à la fin de la guerre civile en 2003-2004, ce pays était bon dernier du classement du PNUD en matière d’Indice de Développement Humain (IDH). Pays pauvre très endetté dont les infrastructures et les services sociaux de base laissaient à désirer, le Liberia s’est doté d’un Senat malgré la pauvreté de la population. En moins de dix(10) ans de fonctionnement bicaméral, le Liberia a littéralement sauté des étapes et est très loin devant le Burkina Faso en matière de développement. Grâce à cette gouvernance bicamérale, le Liberia a réussi à inverser sa situation socio économique et à ce jour, les populations sortent progressivement de la pauvreté et leurs préoccupations sociales, culturelles, économiques trouvent de plus en plus de réponses grâce à un PIB de plus en plus revu à la hausse.
Le Senat crée un environnement favorable aux investissements étrangers grâce au climat de cohésion sociale et de paix durable qu’il procure. Le Senat contribue donc à booster l’économie du pays. Il conduit à une croissance forte et accélérée synonyme de création d’emplois et résorption du chômage des jeunes. A ce jour, plus de quatre vingt(80) pays au monde pratiquent le bicamérisme. Pays pauvres et pays riches y ont recours à travers tous les continents. En Afrique on peut citer entre autres le Ghana, la Namibie, le Liberia, le Gabon, le Burundi, le Rwanda… tous des Etats unitaires comme le Burkina. En Amérique il ya entre autres le Paraguay, l’Uraguay, la Bolivie, le Brésil, le Canada, les USA, le Chili… En Asie : l’Inde, l’Indonésie, la Malaisie, la Thaïlande… ; la géante et puissante Chine est monocamérale. Si le Senat était une affaire des pays riches seulement, la Chine populaire aurai pu en créer dix(10).
L’erreur des analystes anti Senat réside dans leur dogmatisme. Je les renvoie à la Déclaration de Bamako faite en 2000 mais toujours d’actualité : « … il n’y a pas de mode d’organisation unique de la démocratie … ; les formes d’expression de la démocratie doivent s’inscrire dans les réalités et spécificités historiques, culturelles et sociales de chaque peuple ».
La décision de création et de mise en place du Senat au Burkina Faso est pertinente, bien fondée et opportune. A l’instar du Liberia, le Senat dans notre pays va booster notre économie, parfaire la production législative et nous permettre de mieux réaliser le bien être des populations.
C’est maintenant qu’il faut mettre en place le Senat au Burkina Faso. Tout le reste ne sont que des calembredaines et du populisme primaire.