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Procès Thomas Sankara : « Trois témoins, zéro information », note le juge Urbain Méda

Publié le mercredi 5 janvier 2022  |  Sidwaya
La
© Autre presse par DR
La chambre de première instance du tribunal militaire
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L’audience du procès de l’assassinat de Thomas Sankara et ses douze compagnons a repris, le mardi 4 janvier 2022, à Ouagadougou, devant la Chambre de première instance du Tribunal militaire avec la lecture du reste des procès-verbaux de déposition des témoins décédés, malades ou injoignables. Quatre témoins cités par l’accusé Jean Pierre Palm ont aussi comparu.

Après onze jours de suspension pour raison de fêtes de fin d’année, l’audience du procès de l’assassinat de Thomas Sankara et ses douze compagnons a repris, le mardi 4 janvier 2022, à Ouagadougou. L’audience du jour, devant la Chambre de première instance du Tribunal militaire, a été marquée par la lecture des Procès-verbaux (PV) d’audition du restant des témoins entendus par le juge d’instruction, mais absents à la barre pour raison de décès, de maladie ou injoignables. Mais avant la lecture des PV, les avocats des parties civiles ont demandé la comparution de certains témoins qu’ils ont cités et vivant à l’étranger. Après une suspension de dix minutes et une concertation, les avocats de la défense ont demandé à la Chambre de ne pas considérer la requête signée par le cabinet Me Sankara qui n’existe pas, car son responsable a été rayé du barreau. « Nous demandons à votre juridiction de rejeter cette lettre et de faire comme si elle n’a jamais existé. Elle est nulle », a déclaré Me Mamadou Sombié. Me Olivier Yelkouny a saisi cette occasion pour informer le Tribunal que son client, le général Gilbert Diendéré bénéficie d’un repos médical et d’une période d’isolement de dix jours à compter du 31 décembre 2021. Le premier PV lu par les greffiers a été celui de Paul Sawadogo (63 ans). Il était employé de commerce et détenu à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO) en 1987. Le 15 octobre, il effectuait avec d’autres détenus une corvée externe d’arrosage de fleurs et de plantes au Conseil de l’entente (CE). Dans son témoignage, il a déclaré que certains éléments du commando étaient déjà au Conseil avant l’arrivée du président Sankara. A son arrivée, ce dernier a échangé avec des militaires avant de s’adresser aux détenus en leur conseillant d’arrêter le banditisme s’ils veulent trouver du boulot avec lui en tant que président. Après ces échanges, Sankara est rentré au bureau.

En ce moment, a-t-il fait savoir, deux personnes à bord d’un véhicule qu’il a dit ne pas connaître sont arrivées suivies d’un 2e véhicule surmonté d’une arme avec quatre personnes à bord. Le gradé qui dirigeait le groupe, a-t-il expliqué, a crié « feu » et le commando a commencé à tirer. Paniqués, les détenus ont pris la fuite pour se cacher. Après les faits, M. Sawadogo a fait partie de ceux qui ont été désignés pour enterrer les victimes. Il a souligné qu’il a fait aussi partie du groupe ayant soutiré la bague de mariage de Sankara pour la vendre à un certain Moussa Diawara ou N’Gom. De l’argent a été aussi pris dans les poches des autres victimes. En plus de la bague, des détenus sont repartis avec les chaussures et la ceinture traditionnelle de Sankara. Le 2e PV lu est du témoin Diénabou Jean Romain Somé (72 ans), adjudant-chef major à la retraite. Il était chef de service des transmissions du Centre national d’entraînement commando (CNEC) de Pô en 1987. A l’en croire, le 15 octobre, il était à son service non loin du CE. C’était de là-bas qu’il a entendu les coups de feu. Etant sous un arbre, il s’est plaqué au sol pendant 20 minutes avant de s’y rendre pour savoir ce qui se passait. De la porte, il a aperçu les corps. « Ce que j’ai vu n’était pas beau à voir. Les corps étaient étalés comme des animaux », a-t-il soutenu en ajoutant qu’il était consterné, car il y avait son frère Der Somda. Il y avait aussi, a-t-il poursuivi, des amis, notamment Thomas Sankara qui a été l’opérateur radio lors de la guerre de 1974. « On est resté ensemble jusqu’en 1987 », a-t-il affirmé. Répondant à une question sur les exécutants du coup d’Etat, il a répondu ne pas les connaître. Il a confié cependant avoir vu Gilbert Dienderé lorsqu’il est arrivé au conseil. Selon le témoin Somé, l’assassinat de Sankara est d’ordre politique. « Sinon, je ne vois pourquoi ils vont se tuer. Ils étaient des amis », a-t-il signifié.

Des membres du commando
La lecture de la déposition du 3e témoin a été Adama Zongo (63 ans), chef coutumier et soldat de 1re classe à la retraite. Le 15 octobre, il était le responsable de la corvée des détenus au Conseil de l’Entente. Il a vu des membres du commando, Amadou Pathé Maïga, Yamba Elisée Ilboudo son promotionnaire et Nabonswindé Ouédraogo. Ces éléments, a-t-il indiqué, étaient en tenue de sport et avaient leurs armes sous leurs habits et positionnés à l’aile Ouest du Conseil. Après les avoir salués, il est retourné auprès des détenus. Quelque temps après, a-t-il expliqué, lorsque Sankara est arrivé pour sa réunion, des coups de feu ont éclaté et c’était la panique. Le témoin Kabéa Grégoire Kambou (72 ans), lieutenant-colonel de gendarmerie à la retraite était lieutenant au moment des faits et chef adjoint de la division de l’information au sein du haut commandement des Forces armées populaires. Dans sa déposition, il a affirmé qu’il était au service lorsqu’il y a eu les événements du 15 octobre. En se rendant au Conseil pour savoir ce qui se passait, il a rencontré l’accusé Tibo Ouédraogo qui lui a conseillé de ne pas continuer son chemin. Il s’est exécuté en regagnant sa base. Selon le témoin, il y avait des mésententes entre les deux leaders de la Révolution. A l’entendre, ce sont les rumeurs de la rencontre de 20h au cours de laquelle certains responsables du Conseil national de la Révolution (CNR) devaient être arrêtés et exécutés qui ont précipité la tuerie de l’après-midi du 15 octobre. M. Kambou a reconnu qu’il a été surpris par le dénouement sanglant des événements qui n’ont pas été appréciés par toute la troupe. Les renseignements également, a-t-il confié, n’ont pas fait cas de coup d’Etat. Toutefois, a-t-il relevé, le coup d’Etat a été préparé.

« On ne peut pas dire que le 15 octobre était spontané. C’était certainement préparé », a-t-il témoigné. Parlant d’exécutants du coup, il a relevé que c’est Hyacinthe Kafando qui a conduit le commando. Le témoin Ousmane Guiré (65 ans), sergent-chef à la retraite, était sergent et affecté à la garde rapprochée du commandant Boukari Lingani en 1987. Il a déclaré dans sa déposition que le 15 octobre, quand il y a eu les tirs, il était au domicile du commandant Lingani, rentré du service pour se préparer pour aller au sport. Après les tirs, son patron les a informés que Sankara a été touché et est mort. Vers 20h, le sergent Paré a accompagné Lingani au Conseil où il a passé la nuit à son pied à terre et la garde y est restée jusqu’au lendemain. Adama Ouédraogo (59 ans) est cultivateur. Ayant achevé le service national populaire, il était interné au Conseil en attendant le départ à Pô pour une formation militaire. Le 15 octobre, M. Ouédraogo était de garde dans un des postes d’entrée du Conseil. Et ce jour-là, a-t-il soutenu, il se rendait à l’intérieur pour prendre son repas quand il y a eu les tirs vers 16h. Couché, il a dit avoir vu les corps dont celui de Sankara. Après les faits, il a appris de Amadou Pathé Maïga que c’est le groupe de Hyacinthe Kafando composé de Combasséré, Arzouma Ouédraogo dit Otis et Wampasba Nacoulma qui a commis le forfait. Diwêté Kambou, caporal à la retraite et en service au CNEC a déclaré dans son PV que Sankara devait être assassiné, le 2 octobre à Tenkodogo.

Selon lui, l’assassinat du président a été mené par Hyacinthe Kafando avec le soutien de Blaise et Diendéré. Dans sa déposition, il a déclaré qu’il a été arrêté et détenu pendant deux ans et demi. Un mois après sa libération, il a été accusé de complot et il s’est réfugié au Ghana pour sauver sa vie. Dramane Paré (63 ans) est sergent-chef à la retraite et sergent au moment des faits à l’Escadron de transport et d’intervention rapide (ETIR). Il était au sport quand il y a eu les coups de feu. Instruction a été donnée aux éléments de se mettre en tenue militaire et de tenir certaines positions. L’information de la mort de Sankara a été donnée par le chef de corps adjoint de l’ETIR, le lieutenant Elisée Sanogo. Celui-ci a par ailleurs expliqué aux hommes qu’il a été invité par le capitaine Henry Zongo à se rendre à Ouagadougou, mais qu’il a refusé. Le PV du dernier témoin lu a été celui du commissaire principal de police, Oumarou Koama. A son avis, le coup d’Etat a été prémédité et bien préparé. Il en veut pour preuve l’affectation du lieutenant Gaspard Somé à l’ETIR comme 4e chef de corps adjoint et ce, à quatre mois avant les faits. A l’écouter, Somé devait se charger de tuer Michel Koama, car ce dernier était proche de Sankara. « Vu sa position dans l’armée, il fallait l’abattre pour éviter qu’il ne défende Thomas Sankara et c’est ce que Gaspard Somé a fait », a-t-il déclaré.

Le chronogramme dévoilé
Après la lecture de ces PV, quatre témoins cités par l’accusé Jean Pierre Palm sont passés à la barre pour faire leur déposition. Il s’agit de Eric Palm (petit frère de Palm), juriste à la retraite, de Albert Guy Yaméogo, adjudant-chef major à la retraite, Idrissa Zampaligré, conseiller des affaires économiques à la retraite et l’adjudant-chef major à la retraite Biako Romain Ko. Les dépositions des premiers cités n’ont pas apporté d’information à la Chambre, selon le président Urbain Méda. « Trois dépositions réunies, zéro information », a-t-il regretté. Le 4e témoin, Ko, a été celui qui est allé chercher Jean Pierre Palm au domicile de Eric Palm au lendemain du coup d’Etat pour le conduire au Conseil de l’Entente pour la réunion des officiers. A l’en croire, il a appris de la garde rapprochée du capitaine Henry Zongo qu’il y avait une réunion des officiers. Il a alors décidé de son gré d’aller informer celui dont il a été le secrétaire à Koudougou.

A son arrivée, il a insisté pour que le capitaine à l’époque accepte aller à la rencontre avec comme condition que ce soit le témoin qui le conduise au Conseil. Celui-ci l’a accompagné. Après la rencontre, il l’a ramené. Ayant appris que le colonel Palm a tenté à plusieurs reprises sans succès pour être auditionné par le juge d’instruction. Le président de la Chambre a dévoilé un chronogramme pour la suite du procès. La journée du mercredi 5 janvier est consacrée à la lecture des dépositions des témoins Valère Somé, Etienne Zongo, John Jerry Rawlings, Norbert Keyne, Tchikadja Kodjo. L’audition des témoins par visio conférence débutera, le lundi 10 janvier, suivie le lendemain de la présentation des pièces à conviction. Le mercredi 12 janvier, la parole sera donnée aux victimes. Une suspension d’une semaine est prévue. Le lundi 24 janvier débuteront les plaidoiries des avocats des parties civiles suivies de celles du parquet militaire. Une autre suspension d’une semaine est aussi prévue pour permettre à la défense de préparer ses plaidoiries.

Timothée SOME
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