Située à 90 Km de Ouagadougou, l’Unité de recherches cliniques de Nanoro mène depuis plus d’une décennie des investigations pour un vaccin contre le paludisme. Ce combat acharné a valu au chef d’équipe, Pr Halidou Tinto, le titre de personnalité de l’année 2021, du « journal de tous les Burkinabè », Sidwaya. Incursion dans ce laboratoire de référence dont les résultats de la 2e phase des essais cliniques du candidat vaccin R21/Matrix-M contre le paludisme ont montré une efficacité de 77%, devenant ainsi le premier vaccin à atteindre l’objectif d’efficacité vaccinale de 75% fixé par l’OMS et suscitant de facto, l’espoir dans la mise à disposition prochainement du premier vaccin contre le paludisme.
Logée au sein du Centre médical avec antenne chirurgicale (CMA) de Nanoro, à 90 km de Ouagadougou, l’Unité de recherches cliniques de Nanoro (URCN) est devenue le symbole de la lutte contre le paludisme en Afrique et dans le monde avec les résultats très satisfaisants de la 2e phase des essais cliniques du candidat vaccin R21/Matrix-M contre le paludisme qui ont montré une efficacité de 77%, devenant ainsi le premier vaccin à atteindre l’objectif d’efficacité vaccinale de 75% fixé par l’OMS. Ce vendredi 31 décembre 2021, il est 9 heures, accompagné des chargés de recherches, Dr François Kiemdé et Ousmane Traoré, nous arrivons dans cette unité où, la 3e et dernière phase des essais cliniques du candidat vaccin R21/Matrix-M contre le paludisme ont débuté depuis mai dernier. Construit en 2009 au début de l’essai vaccinal RTS,S, le bâtiment clinique est composé du « laboratoire clinique », la salle d’accueil, l’infirmerie, la pharmacie, la chambre froide, la salle de vaccination, la salle d’observation…
Une fois dans ce bâtiment, les patients, participant à l’essai vaccinal, sont immédiatement reçus dans la salle d’accueil par les infirmiers qui prennent toutes les informations nécessaires les concernant. Ces dernières qui déterminent leur éligibilité ou non sont ensuite communiquées aux cliniciens qui les prennent en charge. Pour l’essai vaccinal, les critères d’éligibilité sont : être en bonne santé, ne pas être paludéen, n’avoir pas des antécédents dus à un certain nombre de produits, etc. « Lorsque le patient vient pour sa visite de sélection, l’infirmier prend ces informations fournies au clinicien par le laboratoire d’analyse que ce patient est éligible ou pas au vaccin. S’il est éligible, le clinicien continue la prise en charge. S’il respecte les critères d’inclusion à l’étude, il est inclu. Dans le cas contraire, il est exclu. Pour le vaccin, nous avons recruté des enfants de 6 à 12 semaines d’âge, ceux qui sont dans la tranche du programme élargi de vaccination. Et aussi, un autre groupe de cinq à 17 mois. L’étude primaire du RTS,S a été menée dans ce sens. Actuellement, le nouveau vaccin R21/Matrix- M est en train d’être mené chez les enfants de 5 à 36 mois », explique Dr Ousmane Traoré, chargé de recherche à l’URCN. Pourquoi, les adultes sont d’office exclus de l’étude ? Ils ne sont pas d’office exclus parce que lorsqu’on parle de paludisme, précise- t-il, les personnes à risque sont les enfants de 0 à 5 ans et les femmes enceintes.
Confidentialité
Dans le service clinique, le chef de service est aidé dans sa tâche par des médecins, infirmiers qui sont postés pour prendre toutes les informations nécessaires pour les communiquer aux cliniciens. « Si le médecin décide que le patient peut continuer l’étude, il l’envoie pour un prélèvement de sang. C’est au regard des résultats des échantillons, qu’il conclut s’il est éligible ou pas », indique Dr Traoré. S’il est éligible, il est alors invité à revenir recevoir sa première vaccination.
A l’infirmerie, ce vendredi 31 décembre 2021, les infirmiers s’activent à enregistrer un enfant de 2 ans, participant à la 3e phase de l’essai vaccinal du candidat vaccin R21/Matrix-M contre le paludisme. Auparavant souffrant de paludisme, accompagné de sa mère, il est venu pour un contrôle. « Malade du paludisme, il était là, le 26 décembre. Nous avons fait la prise en charge et il est là pour son rendez-vous. Après la goutte épaisse, nous avons constaté qu’il est guéri. Il n’a pas de problème majeur, juste un rhume », précise l’infirmier, Kouna Dioma. Pour un bon suivi de l’étude, toutes les informations relatives aux enfants et à leurs parents sont strictement confidentielles. Mais chaque participant à l’essai vaccinal dispose d’un numéro permettant son identification par l’équipe de recherches. Au regard de toutes ces exigences de l’étude, nous n’en saurons pas plus sur ce participant. Après le prélèvement sanguin, d’après Dr Traoré, les candidats qui étaient soumis à la vaccination RTS,S depuis 2013 sont désormais admis dans une salle spécialement aménagée pour recevoir le candidat vaccin R21/Matrix-M. Après vaccination, les enfants sont mis en observation de 20 à 30 mn pour voir s’il n’y a pas de réactions immédiatement. « Après vaccination, un patient peut avoir une réaction immédiatement, c’est-à-dire l’organisme réagit de façon fulgurante contre le produit administré. Dans notre cas, depuis 2013, nous n’en avons pas encore observé », soutient Dr Ousmane Traoré.
Les bonnes pratiques cliniques
Après l’infirmerie, le cap est mis respectivement dans la salle des cliniciens, la pharmacie, la chambre froide, la salle de vaccination et d’observation. A la pharmacie, sont conservés les produits d’investigation par exemple le vaccin, les nouveaux médicaments… L’accès à la chambre froide est filtré. Les normes sécuritaires et sanitaires obligent : seuls quelques pharmaciens y ont accès.
A l’intérieur, la température ambiante est de 21,2°. Tous les réfrigérateurs sont réservés à la conservation des produits d’investigation. « Pour la vaccination, le produit est pris à partir d’ici, acheminé dans la salle de préparation du vaccin…Dans la salle de vaccination, on ouvre la vitre et on administre le produit au participant. Ici, le vaccin se fait en double aveugle. C’est-à-dire que celui qui reçoit le produit ne sait pas ce qu’il a reçu et celui qui donne le produit ne sait pas ce qu’il a donné. Cela pour ne pas biaiser l’étude. Nous avons ici les bonnes pratiques cliniques qui nous amènent à respecter ces normes », insiste Dr Traoré. «Par exemple, pour l’enfant qui est là, pour cause de paludisme, en réalité, nous ne savons quelle dose de vaccin, il a reçu. Nous ne savons pas si, c’est le R21/Matrix-M ou le comparateur qui est le vaccin anti- rabique. C’est à la fin de l’étude qu’on va lever l’aveugle et savoir quel vaccin ce participant a reçu », explique Dr François Kiemdé, chargé de recherches à l’URCN. Dans la chambre froide, pour une bonne conservation des produits, les appareils fonctionnent en plein temps (24H/24).
Contrôle de qualité
Aussi, un dispositif solaire, des groupes qui démarrent automatiquement dès une coupure d’électricité, des baby phones pour alerter en cas de « problèmes » avec le dispositif de conservation ont été installés. « Le second baby phone est posé dans une autre salle où, il y a toujours quelqu’un. Nous fonctionnons avec un régime de 100 % d’énergie. Depuis 2009, nous n’avons pas connu une coupure de 10 mn », révèle Dr Kiemdé. Après la chambre froide, nous mettons le cap sur le laboratoire de biologie clinique. Ce laboratoire comprend, le service de parasitologie, des microscopistes experts, le service d’hématologie biochimie. Là-bas, c’est Aboubakary Sourabié qui est chargé du contrôle de qualité. « Le clinicien a besoin d’informations en parasitose, hématologie, biochimie, microbiologie…Alors, il prescrit un bulletin et les échantillons sont envoyés au laboratoire. Après analyse, les résultats lui sont renvoyés pour la suite du processus », indique Dr Traoré. Dans ce laboratoire à accès exclusivement réservé au personnel du laboratoire, tous les échantillons qui arrivent y sont réceptionnés sous le hall du laboratoire. « Ici, l’accès est contrôlé. Aussi, si les appareils tombent en panne, nous avons toujours, une machine qui prend le relais. Donc, nous ne perdons pas le temps.
Cet enfant, participant à la 3e phase de l’étude, est venu pour un contrôle après un paludisme
Mais de façon périodique, nous faisons des contrôles de qualité. Chaque matin, le technicien fait le contrôle de qualité pour s’assurer que l’appareil donne de bons résultats avant de passer un échantillon. Cela est exigé dans le contrôle qualité », confie François Kiemdé. A la section de microbiologie sous l’autorité de Zakaria Garba, les agents, vêtus de blouses blanches, sont à la tâche. Les échantillons sont passés au peigne fin…« Ici, les galeries permettent de faire l’identification de certaines souches, les bacs tep, de faire la culture microbiologique », indique-t-il. Aussi, dans la salle de stérilisation, des appareils de -80°, -150° pour permettre de conserver les échantillons 24H/24. Selon les Drs Kiemdé et Traoré, à l’URCN, toutes les dispositions sont prises pour garantir des résultats de qualité. « Les auditeurs indépendants viennent vérifier si ce que nous faisons sont en accord avec les prescriptions du sponsor, car, souvent dans le feu de l’action, des choses peuvent nous échapper. Ils viennent vérifier et proposer des actions correctives s’il y a lieu. Ils nous accompagnent dans l’implémentation des différentes études que nous menons », affirme M. Traoré. Outre le laboratoire de biologie clinique, l’UCRN dispose d’un campus avec en son sein un laboratoire de recherches fondamentales pour y mener des recherches approfondies.
Respect des standards internationaux
Selon les standards internationaux, l’accès aux locaux (salle des substances naturelles, chambre froide, salle d’immunologie, salle d’extraction, salle PCR, salle électrophorèse…) est sécurisé. « L’autre laboratoire appuie la clinique. Mais, il peut avoir des questions de recherches plus approfondies pour trouver la meilleure solution ou aller en profondeur. Lorsqu’on administre le vaccin, des choses se produisent. Cela peut être au niveau des cellules, cette machine appelée sismomètre à flux est capable de détecter les flux de cellules qui ont été stimulées avec l’administration du vaccin. Lorsqu’on dit protection, il faut obligatoirement savoir ce qui s’est passé. La protection, ce sont des cellules qui produisent des anti- corps. Donc on peut se poser la question, quel type de cellules ont été produites ? Le nombre d’anticorps produits… ? », explique-t-il en soutenant que toutes ces questions trouvent leur réponse dans ce laboratoire. Un coup d’œil dans la salle de culture in vitro qui permet de maintenir la stérilité au niveau de l’échantillon, la chambre froide où sont conservées les cellules après traitement à moins 150°…le constat : toutes les mesures sont prises pour une recherche de qualité.